Le thermomètre n’a pas fini de grimper. Dès lundi prochain, un anticyclone parti des Açores dépose sur la France une plaque de chaleur quasi permanente. Les prévisionnistes parlent de 40 °C dans le sud et de nuits qui resteront au-dessus de 20 °C jusque dans l’intérieur des terres. Cette fournaise est plus qu’un épisode isolé : elle pourrait enclencher toute une succession de vagues de chaleur jusqu’à la fin août. Voici ce qui se prépare, comment se protéger et pourquoi chacun doit changer d’habitude dès cette semaine.
Pourquoi va-t-on passer de la fraîcheur à la canicule en quarante-huit heures ?
Un large compas subtropical glisse l’air comme sous une cloche en verre. Il n’y aura plus de résfroidissement nocturne : le vent se couche et le ciel reste dégagé. Résultat, lundi soir déjà, la chaleur n’a pas le temps de s’échapper. Mardi, elle s’accélère le temps d’une montée en puissance fulgurante : 34 °C dans l’Hérault, 35 °C à Montpellier, 33 °C aux abords de Bordeaux. La boucle est bouclée, on bascule en canicule.
Que ressent-on réellement quand les nuits deviennent “tropicales” ?
À Toulouse, Inès Lemarié, aide-soignante de 28 ans, termine son service à 21 h dans une unité gériatrique. « À minuit et demi, j’ai encore 25 °C dans ma chambre, raconte-t-elle. Même la douche n’aide pas. » À Lyon, Baptiste Orlowski, livreur de colis, dort désormais sur son balcon car « l’intérieur de l’appartement dépasse 30 °C jusque vers 3 h du matin ». Des millions de personnes se retrouvent dans cette impasse : pas assez refroidi de ouff, organisme en alerte permanente. Résultat : troubles du sommeil, fatigue chronique et tension artérielle qui grimpe.
Les enfants, première ligne de fragilité
Lucas et Milla, 7 et 10 ans, accompagnent leur père le matin sur le marché de Nîmes. Dès 9 h, ils boivent déjà la deuxième bouteille d’eau. « Avant, on ressentait la fraîcheur à 7 h 30, mais aujourd’hui, la chaleur de la veille reste emmagasinée », explique Jules Gauthier, leur père. Le corps des enfants thermorègle moins vite que celui des adultes : un coup de soleil ou un malaise peut survenir en moins d’une demi-heure.
Quels sont les dangers insoupçonnés au-delà de la santé ?
Le maire d’un petit village viticole dans le Lot-et-Garonne, Élodie Fabre, alerte sur l’état du réseau électrique. « L’été dernier, un seul transformateur a sauté en pleine canicule : huit jours sans courant pour 600 habitants, plus d’eau potable pompée, plus de frais dans les supermarchés. » Cette année, les prestataires prévoient des coupures programmées pour protéger les lignes, mais elles dépendront de la rigueur de chacun.
Autre menace : les routes bitumées deviennent si chaudes que les pneus se déchirent plus vite et l’asphalte peut littéralement ramollir. À Marseille, des bus de la métropole ont déjà renoncé à une partie de leurs tournées en plein après-midi l’année dernière à cause de six crevaisons en deux heures.
Comment la végétation et l’eau deviennent-elles les grandes perdantes ?
Les pluies de l’hiver et du printemps ont été 30 % en dessous des moyennes. Les nappes phréatiques ne se remplissent plus et le taux d’humidité dans le sol tombe déjà en dessous du seuil normal pour juillet. Si l’anticyclone se prolonge, les volumes d’eau disponibles au robinet passeront d’un jaillissement libre à des restrictions dès le 10 août, prévient la préfecture de Corrèze.
Pauline Verdon, arboricultrice dans la Drôme, décrit la détresse de ses arbres : « Les nectarines sont plus petites et les feuilles se recourbent comme du papier. On irrigue 4 p.m.t au lieu de 2 par nuit pour amortir la perte, mais la facture d’électricité explosera. »
Quelles mesures concrètes prendre dès demain ?
Routes, bâtiments, horaires de travail : tout est à ré-inventer.
À la maison
Fermer les volets avant 9 h, ne pas cuire après 17 h, ventiler seulement la nuit si l’air extérieur descend enfin sous 24 °C. Armelle Ramos, parent isolé à Limoges, a collé des miroirs adhésifs sur les fenêtres exposées sud : « J’ai gagné 3 °C et j’ai pu laisser mon fils de 3 ans dormir dans sa chambre. »
Dehors
Retirer la bouteille d’eau en plastique du congélateur : elle vous brûlera les mains, avance le SAMU. Privilégier les gourdes métalliques pré-refroidies. Étaler les sorties chiens/jogging aux créneaux 6 h 30-8 h ou 19 h-21 h maximum. Même chose pour les livraisons de repas, sinon les coursiers abandonnent leur trottinette électrique qui chauffe trop.
Comment les villes se préparent-elles aux secours débordés ?
À Bordeaux, Villefranque conduit un exercice grandeur nature mercredi. Les sapeurs-pompiers simulent l’évacuation d’un EHPAD sans climatisation. « En 2003, on n’avait pas de protocole aussi étoffé », rappelle Hugo Gamel, lieutenant-pompier, en essuyant la sueur sur son casque déjà par 32 °C à 10 h.
Les plateformes téléphoniques des hôpitaux passent en roulement renforcé ce week-end pour ne pas saturer, comme chaque fois que la couleur rouge canicule est officialisée. Mais l’urgence vient aussi demain : le gouvernement a débloqué 6 millions d’euros pour financer des opérations de nuit dans les services d’oncologie pédiatrique où la température doit rester sous 26 °C.
Cette succession de vagues de chaleur est-elle la nouvelle norme ?
Les climatologues peinent à parler de « normalité », mais confirment que depuis 2010 chaque été voit au moins deux épisodes dépassant les 38 °C. Selon eux, 2023 a déjà été le deuxième été le plus sec depuis 1959, et 2024 pourrait battre le record. L’élément nouveau est la durée : les épisodes sont deux à trois fois plus longs qu’il y a vingt ans.
Pour Sacha Maurel, 62 ans, retraité viticulteur dans l’Hérault, le changement se mesure en litres d’eau et en humains à sec. « Mon père n’arrosait qu’en mai ; aujourd’hui, je démarre en mars et j’arrête plus. »
Si l’eau devient contrôlée, quelles restrictions nous attendent ?
Les seuils posés par arrêtés ministériels prévoient trois phases : vigilance, alerte, crise. En vigilance, on limite le remplissage des piscines. En alerte, c’est l’arrosage des jardins entre 8 h et 20 h qui est interdit. En crise, seule l’eau potable et l’usage sanitaire sont autorisés. À Montpellier, la phase « crise » a déjà été déclenchée pendant neuf jours en 2023, et la mairie stocke 80 réservoirs supplémentaires sobres, remplis par camion citerne.
Que prendre dans une trousse “anti-etouffement” de dernière minute ?
Brumisateur rechargeable, gel rafraîchissant pour le visage, crème solaire FPS 50 ré-appliquée toutes les deux heures, cache-cou en lin trempé, ainsi que des sachets de réhydratation orale vendus en pharmacie. Thomas Maréval, cycliste breton, a testé la recette : « J’ai descendu la Loire à vélo en juillet dernier. Mon brumisateur m’a évité l’évacuation sur la route : 300 km sans tomber dans le coma thermique. »
Comment limiter la surconsommation d’électricité sans griller le réseau ?
Couper l’éclairage de façade des commerces à 22 h, baisser tous les écrans numériques à 70 %, différer le linge en machine après 23 h, sont mesures déjà recommandées par le gestionnaire du réseau RTE. « Une climatisation mobile c’est 1 200 Wheure. On analyse chaque jour à 13 h si on dépasse le seuil orange », explique Sandrine Rabeux, contrôleuse à l’échelon national. Chaque Gradateur d’ampoules est désormais surveillé à la loupe.
Quels seront les premiers signes qu’il faut appeler les secours ?
Fréquence cardiaque élevée au repos, absence de sueur malgré la chaleur, peau sèche et chaude, confusion, maux de tête intenses. Si ces symptômes apparaissent, composez le 15 et placez la personne dans un lieu frais. Ces signaux varient peu : l’alerte est essentielle.
Conclusion : un été au long cours où chaque degré compte
La canicule annoncée n’est pas une vague mais un cyclone subtropical qui s’installera. Chaque geste comès, y compris baisser le thermostat de son réfrigérateur d’un cran ou vérifier que son voisin octogénaire a de l’eau. Les records de chaleur seront sans doute battus, mais les records de solidarité peuvent l’être aussi. À chacun de jouer pour transformer la contrainte en coopération.
A retenir
Quelle est la définition d’une nuit “tropicale” ?
C’est une nuit où la température ne descend pas sous 20 °C. Le corps n’a alors aucun répit pour se refroidir, ce qui fatigue et multiplie les risques cardiovasculaires.
À partir de combien de degrés la santé devient-elle réellement menacée ?
À partir de 35 °C température ressentie prolongée ou à partir de 39 °C air sec sans vent. Les enfants, personnes âgées, travailleurs extérieurs et sportifs sont les premiers touchés.
Puis-je encore faire mon barbecue entre amis ?
Oui, mais avant 11 h ou après 20 h seulement, sous abri, avec un brumisateur et sans charbon à mise à feu immédiate. Cela évite d’ajouter chaleur et fumées à un air déjà saturé.
Les animaux de compagnie doivent-ils suivre les mêmes règles ?
Ils sont plus sensibles au coup de chaleur. On adapte : promenade tôt le matin ou tard le soir, eau changeante plusieurs fois par jour, ventilateur au sol, cheveux courts.