Ambroisie : cette plante invasive menace votre santé en 2025

Un matin de juillet, dans un petit village de l’Ardèche, Lucien Royer, retraité de 72 ans, se réveille avec les yeux rouges, le nez qui coule et une toux sèche qui ne le quitte pas de la journée. Il met d’abord cela sur le compte d’un coup de froid, mais au fil des semaines, les symptômes persistent, s’intensifient. Son médecin généraliste, alerté, pense immédiatement à une allergie au pollen d’ambroisie. Ce diagnostic, de plus en plus fréquent dans certaines régions de France, touche désormais des milliers de personnes chaque été. Pourtant, beaucoup ignorent encore cette plante aux allures anodines, capable de transformer une simple saison des pollens en cauchemar médical. L’ambroisie, c’est l’ennemi invisible qui prospère dans l’indifférence, jusqu’à ce qu’il frappe à la porte de chacun.

Qu’est-ce que l’ambroisie, et pourquoi devrions-nous la craindre ?

L’ambroisie, dont le nom scientifique est Ambrosia artemisiifolia, est une plante herbacée originaire d’Amérique du Nord. Elle a fait son entrée en Europe au XIXe siècle, probablement via des cargaisons de graines de céréales contaminées. Aujourd’hui, elle prolifère en France, en particulier dans les régions au climat tempéré et aux sols perturbés. Elle peut atteindre 1,50 mètre de hauteur, avec des feuilles finement découpées et des inflorescences discrètes, qui libèrent des millions de grains de pollen entre août et octobre.

Contrairement à d’autres plantes allergisantes comme le bouleau ou le chardon, le pollen d’ambroisie est particulièrement puissant. Il est capable de provoquer des réactions allergiques sévères chez des personnes auparavant non sensibilisées. Une étude de l’Anses révèle que chaque gramme de pollen contient environ 3 milliards de grains, et qu’un seul plant peut en produire jusqu’à 1 milliard par saison. Transporté par le vent sur des dizaines de kilomètres, il ne respecte aucune frontière communale.

Élodie Vasseur, biologiste spécialisée en botanique invasive à l’université de Lyon, explique : « L’ambroisie est une plante extrêmement compétitive. Elle s’installe rapidement sur les sols nus, en particulier là où l’activité humaine a perturbé l’écosystème. Une fois en place, elle libère des substances chimiques dans le sol qui inhibent la croissance d’autres végétaux. C’est une stratégie d’envahisseur parfaitement rodée. »

Comment l’ambroisie s’étend-elle, et quels territoires sont menacés ?

La région Auvergne-Rhône-Alpes est aujourd’hui le principal foyer de contamination en France, mais la plante gagne chaque année du terrain vers l’ouest et le nord du pays. Des signalements ont été confirmés dans la Drôme, l’Isère, le Rhône, mais aussi en Bourgogne-Franche-Comté, en Occitanie, et même en Île-de-France. Les zones les plus vulnérables sont les friches industrielles, les bords de routes, les terrains non entretenus et les parcelles agricoles laissées à l’abandon.

À Rabouillet, un village de 850 habitants dans les Pyrénées-Orientales, le maire a lancé une initiative locale de lutte contre l’ambroisie en 2021. Depuis, les agents municipaux patrouillent chaque printemps pour arracher les plants dès leur apparition. « On a vu une nette amélioration », témoigne Clara Ménard, adjointe à l’environnement. « Les habitants nous signalent eux-mêmes les plants. Certains ont même créé un groupe WhatsApp pour alerter en temps réel. »

Le problème, c’est que l’ambroisie est redoutablement résistante. Ses graines peuvent rester viables dans le sol pendant plus de trente ans. Une simple tonte ou une fauche ne suffit pas : si la racine n’est pas complètement extraite, la plante repousse avec une vigueur accrue. « Couper, c’est pire que rien », prévient Élodie Vasseur. « Il faut arracher, et surtout, brûler ou composter à haute température pour éviter la dissémination. »

Quels impacts sur l’agriculture et les rendements ?

Pour les agriculteurs, l’ambroisie est une menace économique autant qu’écologique. Elle concurrence directement les cultures de maïs, de tournesol ou de blé, en absorbant l’eau, la lumière et les nutriments du sol. En outre, sa présence peut entraîner une contamination des récoltes : des graines d’ambroisie mélangées aux céréales peuvent rendre les produits non conformes aux normes sanitaires.

À Valence, Julien Faure, exploitant agricole sur une centaine d’hectares, a perdu près de 15 % de son rendement de tournesol en 2022 à cause de l’envahissement de l’ambroisie. « On a dû faire trois passages de désherbage supplémentaires, sans compter le temps passé à former les saisonniers à l’identification de la plante », raconte-t-il. « Et même après tout ça, on a eu des sanctions de la coopérative à cause de la contamination. »

Le coût global pour l’agriculture française est difficile à chiffrer, mais les estimations suggèrent des pertes à plusieurs dizaines de millions d’euros par an. Anne-Marie Ducasse-Cournac, chercheuse à l’INRAE, souligne que « la lutte contre l’ambroisie doit s’intégrer dans une gestion plus globale des sols. La rotation des cultures, l’enherbement, la couverture végétale : ce sont des pratiques simples, mais elles demandent un engagement durable de la part des agriculteurs. »

Quels dangers pour la santé humaine ?

Le pollen d’ambroisie est l’un des allergènes les plus puissants connus. Il peut provoquer des rhinites chroniques, des conjonctivites, des crises d’asthme, voire des eczémas de contact. Chez les personnes déjà sensibles aux allergènes, l’exposition peut déclencher des formes sévères d’asthme, nécessitant parfois une hospitalisation.

À Vichy, le centre hospitalier a observé une hausse de 40 % des admissions en urgence respiratoire durant l’été 2023, principalement liées à l’allergie à l’ambroisie. « On voit arriver des patients qui n’avaient jamais eu d’allergies auparavant », explique le Dr Thomas Lenoir, pneumologue. « Certains ont du mal à respirer, d’autres souffrent d’insomnie à cause de la toux nocturne. Ce n’est pas une simple gêne : c’est une altération majeure de la qualité de vie. »

Les enfants et les personnes âgées sont particulièrement vulnérables. Dans une étude menée en 2022, 27 % des enfants asthmatiques dans le sud de la France ont vu leur état s’aggraver pendant la saison pollinique. Un phénomène que les parents commencent à connaître intimement. « Ma fille de 8 ans a eu sa première crise en août dernier », témoigne Camille Rambert, habitante de Romans-sur-Isère. « On a passé une nuit aux urgences. Depuis, on surveille les bulletins polliniques comme on surveillerait une alerte météo. »

Quel est le coût social et économique de cette invasion ?

Au-delà des souffrances individuelles, l’ambroisie pèse sur l’économie nationale. L’Anses estime que le coût annuel lié à cette plante s’élève à plusieurs centaines de millions d’euros, incluant les frais médicaux, les arrêts maladie, les traitements de fond et les campagnes de sensibilisation. Pour les entreprises, la baisse de productivité liée aux allergies saisonnières représente un enjeu croissant.

Les collectivités locales doivent également investir massivement. Des villes comme Lyon ou Grenoble ont mis en place des cellules de signalement, des campagnes de broyage, et des contrats avec des prestataires spécialisés. « Ce n’est pas une dépense, c’est un investissement de santé publique », insiste Karim Benhaddou, adjoint à l’environnement de la ville de Valence. « À long terme, chaque euro dépensé en prévention évite trois euros en soins. »

Quelles sont les solutions pour lutter contre l’ambroisie ?

Depuis 2017, une réglementation nationale impose aux communes et aux propriétaires de lutter contre l’ambroisie. L’arrachage manuel, le broyat, la couverture des sols avec des plantes compétitives, ou encore l’utilisation de bandes enherbées en bordure de champs sont autant de méthodes efficaces. Le numérique entre aussi en jeu : des plateformes comme Signalement Ambroisie permettent aux citoyens de signaler les plants en quelques clics, alimentant une cartographie nationale en temps réel.

Un numéro vert, le 0 972 376 888, a également été mis en place pour accompagner les collectivités dans leurs actions. « On reçoit des appels de maires qui ne savent pas par où commencer », raconte Sophie Lanoux, chargée de mission au sein de l’Agence régionale de santé. « Notre rôle, c’est de les guider, de leur fournir des fiches techniques, des contacts de prestataires, et parfois, de l’aide financière. »

Que peut-on faire concrètement au quotidien ?

Chaque citoyen peut jouer un rôle. Identifier l’ambroisie (feuilles en forme de filigrane, tige velue, odeur désagréable quand on la froisse), l’arracher avant la floraison, et ne pas la jeter dans le compost ou la poubelle verte. Signaler sa présence via les plateformes dédiées. Pour les propriétaires de terrains, entretenir ses parcelles, éviter les sols nus, et planter des couvertures végétales denses.

Des initiatives citoyennes émergent un peu partout. À Clermont-Ferrand, un groupe de retraités organise des « chasses au pollen » chaque printemps. À Montélimar, des écoliers participent à des ateliers sur les plantes invasives. « On leur montre des échantillons, on leur apprend à les reconnaître, à les arracher », explique Léa Chambon, enseignante en cycle 3. « Ils repartent avec un badge “Ambroisie Hunter”. C’est ludique, mais ça sauve des vies. »

Conclusion

L’ambroisie n’est pas un simple mauvais graminé. C’est un fléau sanitaire, économique et écologique qui progresse silencieusement, alimenté par l’inaction, l’ignorance et la fragmentation des réponses. Pourtant, les solutions existent. Elles reposent sur une mobilisation collective, une vigilance quotidienne, et une prise de conscience que la santé publique passe aussi par la gestion du territoire. Lutter contre l’ambroisie, ce n’est pas seulement protéger les poumons des allergiques : c’est préserver la biodiversité, soutenir les agriculteurs, et renforcer la résilience de nos territoires face aux invasions biologiques. Le combat commence dans nos jardins, sur nos chemins, dans nos champs. Et il ne souffre aucun retard.

A retenir

Quelle est la période la plus dangereuse pour l’allergie à l’ambroisie ?

La saison pollinique de l’ambroisie s’étend généralement de la mi-août à la mi-octobre, avec un pic d’activité en septembre. C’est durant cette période que les concentrations de pollen sont les plus élevées dans l’air, et que les symptômes allergiques sont les plus fréquents et les plus intenses.

Peut-on être allergique à l’ambroisie sans vivre près d’un plant ?

Oui. Le pollen d’ambroisie est transporté par le vent sur de longues distances, parfois jusqu’à 100 kilomètres. Il est donc possible d’être exposé et de développer des symptômes même en l’absence de plant visible à proximité immédiate.

Quelles sont les méthodes les plus efficaces pour éliminer l’ambroisie ?

L’arrachage manuel, effectué avant la floraison et en extrayant toute la racine, reste la méthode la plus sûre. Le broyat peut être utilisé pour couvrir les sols et empêcher la germination. L’utilisation d’herbicides est possible, mais encadrée par la réglementation. La prévention par la couverture végétale et la gestion des sols nus est essentielle.

Qui est responsable de l’éradication de l’ambroisie sur un terrain ?

Le propriétaire ou l’exploitant du terrain est légalement responsable de la lutte contre l’ambroisie. En cas de non-respect, des sanctions peuvent être prononcées. Les communes ont également un rôle de coordination, de sensibilisation et parfois d’intervention directe sur les espaces publics.