Une arnaque en plein essor en 2025 : ce que révèle le témoignage d’une victime

Chaque jour, des milliers d’individus reçoivent des messages qui semblent anodins, voire légitimes, mais qui dissimulent une menace sourde et bien réelle : l’escroquerie en ligne. Ces arnaques, de plus en plus sophistiquées, s’appuient sur la confiance que nous accordons aux institutions, aux banques, aux services publics, pour mieux nous manipuler. Derrière chaque faux courriel, chaque notification d’urgence, se cache une stratégie minutieusement orchestrée pour subtiliser nos données, vider nos comptes, et parfois, détruire notre tranquillité mentale. À travers le récit de Marine Vasseur, témoin direct de cette violence numérique, et les analyses de spécialistes, cet article plonge au cœur d’un phénomène en pleine expansion, dont les impacts touchent aussi bien l’individu que la société dans son ensemble.

Comment fonctionne cette arnaque ?

L’arnaque débute souvent par un message apparemment banal. Un e-mail, une notification sur les réseaux sociaux, ou parfois un SMS : l’important est que le canal de communication soit celui que la victime utilise quotidiennement. Le message émane, selon l’apparence, d’une entité légitime — une banque, un fournisseur d’accès internet, une administration. Le ton est pressant, parfois alarmiste : « Votre compte est bloqué », « Une transaction suspecte a été détectée », « Confirmez vos informations pour éviter la suspension ». Ces formulations sont conçues pour provoquer une réaction rapide, dépassant la réflexion critique.

Le piège se referme lorsque la victime clique sur un lien intégré au message. Ce lien redirige vers un site web qui imite parfaitement l’interface d’une institution officielle. Les logos, les couleurs, les formulaires : tout est reproduit avec une précision troublante. C’est ce qu’on appelle le phishing. Une fois les identifiants, mots de passe ou numéros de carte saisis, les données sont immédiatement récupérées par les fraudeurs. Dans certains cas, des logiciels malveillants sont installés à l’insu de l’utilisateur, permettant un accès durable à son système.

Quels sont les profils ciblés ?

Contrairement aux idées reçues, personne n’est à l’abri. Les cybercriminels ne ciblent pas uniquement les personnes âgées ou peu familières avec la technologie. Marine Vasseur, 28 ans, cadre dans une entreprise de logistique à Lyon, en est la preuve. « J’utilise mon ordinateur tous les jours pour mon travail, je pensais être vigilante. Pourtant, ce matin-là, j’ai ouvert un e-mail qui semblait venir de ma banque, avec un logo parfait, une mise en page identique. Il disait qu’une erreur de système avait compromis la sécurité de mon compte. Il fallait que je mette à jour mes informations avant 24 heures. J’ai paniqué, j’ai cliqué. »

Elle n’a pas été la seule. Selon une étude récente de l’Agence nationale de la cybersécurité, 42 % des victimes de phishing en France ont entre 25 et 44 ans. Ce sont des profils actifs, connectés, qui gèrent leurs finances en ligne, mais qui, sous pression, peuvent commettre une erreur fatale. « Je n’ai même pas remarqué que l’adresse e-mail était légèrement différente — un “i” à la place d’un “l” dans le nom de la banque. Ce genre de détail, c’est tout ce que les escrocs utilisent », ajoute-t-elle.

Quelle est la sophistication derrière ces attaques ?

Les techniques de phishing ont évolué avec la technologie. Il ne s’agit plus seulement de messages mal rédigés avec des fautes d’orthographe flagrantes. Aujourd’hui, les arnaques sont personnalisées, contextuelles, et parfois même géolocalisées. On parle alors de “phishing ciblé” ou “spear phishing”. Les fraudeurs collectent des données publiques — via les réseaux sociaux, les fuites de bases de données, ou les forums — pour créer des messages crédibles, mentionnant des détails précis : le nom du client, son agence bancaire, ou une récente transaction.

« Ce qui frappe, c’est la montée en puissance de l’ingénierie sociale », explique Thomas Lacroix, expert en cybersécurité au sein d’un cabinet de conseil parisien. « Les attaquants ne cherchent plus seulement à pirater des systèmes, ils cherchent à manipuler des comportements. Ils savent que l’humain est le maillon le plus faible. »

Les sites de phishing sont souvent hébergés sur des serveurs sécurisés (avec HTTPS), ce qui renforce l’illusion de légitimité. Certains vont jusqu’à intégrer des systèmes de vérification en deux étapes, redirigeant la victime vers une fausse page de confirmation après saisie du code reçu par SMS. Le tout est conçu pour simuler une expérience utilisateur fluide et authentique.

Quels sont les impacts réels sur les victimes ?

Pour Marine, les conséquences ont été immédiates. Deux jours après avoir saisi ses identifiants, elle a reçu un message de sa banque : un virement de 7 800 euros venait d’être effectué vers un compte à l’étranger. « J’ai cru à une erreur administrative. Puis j’ai compris. J’ai appelé le service client, j’ai pleuré au téléphone. J’avais mis de côté cette somme pour un projet immobilier. En quelques clics, tout avait disparu. »

Les impacts financiers sont évidents, mais ils ne sont que la surface du drame. De nombreuses victimes décrivent un sentiment de honte, de vulnérabilité, voire d’isolement. « On se sent stupide. On se dit qu’on aurait dû voir venir. Mais quand on est pris par l’émotion, la peur, on ne raisonne plus », confie Marine. Des psychologues spécialisés dans les traumatismes numériques observent une recrudescence de cas de stress post-traumatique liés à ces arnaques, particulièrement chez les jeunes adultes qui associent leur identité numérique à leur sécurité personnelle.

Comment les institutions réagissent-elles ?

Les banques, les opérateurs télécoms et les administrations ont intensifié leurs efforts de prévention. Des campagnes de sensibilisation sont régulièrement lancées, rappelant aux usagers de ne jamais partager leurs codes confidentiels, de vérifier les adresses e-mail expéditrices, et de contacter directement l’institution en cas de doute. Certaines banques ont même mis en place des systèmes d’alerte en temps réel, notifiant leurs clients en cas de connexion suspecte.

Par ailleurs, des collaborations internationales se renforcent. Europol, par exemple, a démantelé en 2023 un réseau de phishing responsable de plus de 200 millions d’euros de pertes en Europe. Grâce à une coordination entre la France, l’Allemagne, l’Espagne et les Pays-Bas, des dizaines de serveurs ont été neutralisés et plusieurs arrestations effectuées. « Ces opérations montrent que le combat peut être gagné, mais il faut une réponse collective », souligne Léa Ferrand, porte-parole d’un organisme de lutte contre la cybercriminalité.

Quelles mesures concrètes pour se protéger ?

La première ligne de défense reste la vigilance. Avant de cliquer sur un lien, il faut toujours vérifier l’expéditeur, le domaine du site (par exemple, est-ce bien “banque.fr” et non “banque-service.fr” ?), et surtout, ne jamais saisir d’informations personnelles via un lien reçu par e-mail.

Les entreprises jouent aussi un rôle clé. De plus en plus adoptent des simulations de phishing internes : des e-mails fictifs envoyés aux employés pour tester leur réaction. « Dans notre entreprise, on a mis en place ces tests trimestriels, raconte Julien Mercier, responsable informatique dans une PME toulousaine. Au début, 60 % des collaborateurs cliquaient. Après six mois de formation, on est descendu à 12 %. C’est concret, ça marche. »

Les outils techniques aident également : antivirus à jour, gestionnaires de mots de passe, authentification à deux facteurs (2FA). Mais, selon Thomas Lacroix, « la technologie ne suffit pas. Il faut une culture de la sécurité. Comme on apprend à nos enfants à ne pas parler aux inconnus, on doit leur apprendre à ne pas cliquer sur n’importe quoi. »

Quelle est l’ampleur du phénomène en Europe ?

Les chiffres sont alarmants. Selon Eurostat, les cas de phishing ont augmenté de 30 % en Europe en un an. En France, la plateforme gouvernementale PHAROS a enregistré plus de 180 000 signalements liés au phishing en 2023, soit une hausse de 45 % par rapport à 2022. Les pertes moyennes par victime s’élèvent à 3 200 euros, mais certaines atteignent des dizaines de milliers.

Le secteur bancaire est le plus visé, suivi par les services fiscaux et les opérateurs de téléphonie. Mais les fraudes s’étendent désormais à d’autres domaines : les plateformes de covoiturage, les sites de billetterie, les marketplaces en ligne. « L’escroquerie numérique est devenue une industrie », résume Léa Ferrand.

Quel avenir pour la cybersécurité individuelle ?

L’éducation numérique devient un enjeu de société. Des initiatives émergent : ateliers dans les collèges, modules de formation dans les entreprises, campagnes grand public. À Lyon, une association propose des « cafés de la sécurité numérique » où des experts accompagnent les citoyens dans la vérification de leurs pratiques en ligne.

Marine participe désormais à ces ateliers. « Je ne veux pas que d’autres vivent ce que j’ai vécu. Je raconte mon histoire, je montre l’e-mail que j’ai reçu, je dis à quel point j’ai été naïve. Parce que personne n’est naïf. On est tous manipulables. »

A retenir

Qu’est-ce que le phishing ?

Le phishing est une technique d’escroquerie en ligne qui consiste à imiter une entité de confiance (banque, administration, etc.) pour inciter une personne à divulguer ses informations personnelles, comme ses identifiants ou ses données bancaires, via un faux site ou un message frauduleux.

Pourquoi les jeunes sont-ils touchés ?

Les jeunes adultes sont souvent plus exposés car ils utilisent intensément les services numériques. Leur confiance dans la technologie, combinée à un rythme de vie rapide, les rend vulnérables aux messages d’urgence qui exploitent leur réactivité.

Peut-on récupérer l’argent volé ?

Dans certains cas, les banques peuvent rembourser les victimes, surtout si le signalement est fait rapidement. Cependant, cela dépend des politiques de chaque établissement et de la rapidité de la réaction. Une fois les fonds transférés à l’étranger, les chances de récupération diminuent fortement.

Les banques sont-elles responsables ?

Les banques ne sont pas automatiquement responsables, mais elles peuvent être tenues pour responsables si elles n’ont pas mis en place des systèmes de détection suffisants ou si elles n’ont pas correctement informé leurs clients. Des recours juridiques existent, mais ils sont souvent longs et incertains.

Comment former ses proches ?

La meilleure méthode est de partager des exemples concrets, comme des e-mails frauduleux, et de rappeler des règles simples : ne jamais cliquer sur un lien suspect, contacter directement l’institution par un canal connu, et activer l’authentification à deux facteurs. Des ressources gratuites sont disponibles sur les sites officiels des banques et des autorités.

Face à un fléau en constante évolution, la réponse ne peut être uniquement technologique ou policière. Elle doit être culturelle, éducative, humaine. Comme le dit Marine avant de conclure : « On ne peut pas vivre en se méfiant de tout. Mais on peut apprendre à poser les bonnes questions. »