La gendarmerie alerte sur une arnaque aux faux coursiers en 2025

Chaque jour, des milliers de Français utilisent leur carte bancaire sans y penser, persuadés que leur sécurité est assurée par des systèmes robustes. Pourtant, derrière l’apparente tranquillité numérique, une menace sournoise progresse : l’arnaque aux faux coursiers. La gendarmerie nationale vient de tirer la sonnette d’alarme, alertant sur une vague d’escroqueries particulièrement bien orchestrée, qui exploite la confiance, la peur et l’urgence pour s’emparer des données bancaires des citoyens. Ce phénomène, observé notamment dans l’Indre où près d’une vingtaine de cas ont été recensés en quinze jours, n’épargne aucune tranche d’âge, aucune région. Et les témoignages de victimes montrent à quel point ces arnaques peuvent être dévastatrices, tant sur le plan financier qu’émotionnel.

Comment les escrocs s’infiltrent-ils dans notre quotidien ?

Une mise en scène digne d’un thriller

L’arnaque commence souvent par un appel ou un SMS apparemment anodin. Le téléphone sonne, un numéro inconnu s’affiche. À l’autre bout du fil, une voix calme, professionnelle, qui se présente comme un conseiller bancaire. « Bonjour, nous avons détecté une tentative de fraude sur votre carte Visa, une transaction de 1 200 euros à l’étranger. Pour votre sécurité, nous devons désactiver votre carte immédiatement. » Ce genre de scénario, répété des centaines de fois, fonctionne à merveille.

Émilie Rousseau, 58 ans, habitante de Châteauroux, s’est fait piéger il y a quelques semaines. « J’étais en train de préparer le dîner quand j’ai reçu cet appel. La personne parlait bien, avec un ton rassurant. Elle m’a dit que ma carte avait été compromise, qu’un coursier allait venir la récupérer dans l’heure. Je n’ai pas réfléchi. J’ai pensé que c’était normal, que la banque prenait les choses en main. »

Le piège se referme ensuite avec une précision chirurgicale. Le faux conseiller explique que pour des raisons de sécurité, le coursier devra récupérer non seulement la carte, mais aussi le code confidentiel. « Il m’a dit que c’était une procédure standard en cas de fraude avérée, que le code serait détruit dans les locaux de la banque », raconte Émilie, encore sous le choc. « J’ai remis le tout à un homme en uniforme, qui m’a tendu un reçu. Tout semblait légitime. »

Moins de deux heures plus tard, trois retraits de 500 euros chacun étaient effectués à Paris. Sa carte avait été clonée. « J’ai appelé ma banque en panique. Ils m’ont dit qu’aucun coursier n’était censé venir chez moi, que jamais ils ne demanderaient mon code. J’ai eu l’impression de m’être fait rouler comme une débutante. »

Pourquoi cette arnaque fonctionne-t-elle si bien ?

La clé du succès de ce stratagème réside dans la manipulation psychologique. Les escrocs exploitent deux émotions primaires : la peur et l’urgence. En évoquant une fraude imminente, ils créent un sentiment de danger personnel. La victime, désireuse de protéger son argent, agit vite, sans prendre le temps de vérifier.

David Kessler, spécialiste en psychologie criminelle et formateur au sein de la gendarmerie, explique : « Ces arnaqueurs sont formés à imiter le langage des institutions légitimes. Ils utilisent des termes techniques, des références à des procédures bancaires, parfois même des numéros masqués qui semblent provenir du service client de la banque. C’est une forme de social engineering très élaborée. »

Le fait qu’un « coursier » se présente physiquement à domicile renforce l’illusion de légitimité. « Voir quelqu’un en tenue, avec un badge ou un véhicule marqué, cela rassure, même si tout est faux », ajoute David Kessler. « C’est ce mélange de numérique et de présence physique qui rend cette arnaque redoutable. »

Quels signes doivent alerter les citoyens ?

Des demandes inhabituelles, toujours suspectes

La première règle d’or : aucune banque, aucun établissement financier, ne demandera jamais à un client de remettre sa carte bancaire à un tiers, encore moins son code confidentiel. « Le code, c’est sacré », insiste Camille Dubreuil, chargée de la prévention des fraudes à la Banque de France. « Même si l’interlocuteur semble crédible, même s’il connaît votre nom ou des détails de votre compte, ne cédez jamais. »

Les signaux d’alerte sont multiples : un appel non sollicité, une demande de renseignements personnels, une pression pour agir « immédiatement ». « Si on vous dit : “Nous devons bloquer votre carte dans les cinq minutes, sinon vous perdrez tout”, c’est un drapeau rouge », affirme Camille Dubreuil.

Autre indice : les numéros de téléphone. Les escrocs utilisent souvent des numéros courts ou des lignes masquées. « Méfiez-vous des appels qui semblent venir de votre banque mais que vous ne reconnaissez pas. Raccrochez, et rappelez le service client via le numéro officiel, celui qui est inscrit au dos de votre carte ou sur votre relevé. »

Et si quelqu’un sonne à votre porte ?

Le scénario du coursier à domicile est particulièrement inquiétant. « Il est absolument interdit de remettre sa carte à un inconnu, peu importe ce qu’il affirme », martèle le lieutenant Arnaud Mercier, porte-parole de la gendarmerie en région Centre-Val de Loire. « Si quelqu’un se présente chez vous en disant qu’il vient de votre banque, refusez poliment, fermez la porte, et appelez immédiatement les forces de l’ordre ou votre établissement. »

Des témoignages font état de faux coursiers équipés de véhicules banalisés, parfois même avec des logos approximatifs de transporteurs connus. « On a vu des individus en uniforme, avec des sacoches professionnelles, qui semblaient tout droit sortis d’une entreprise de livraison », raconte le lieutenant Mercier. « Mais tout est fabriqué. Le badge, le reçu, parfois même un faux téléphone portable avec un faux numéro interne. »

Que faire en cas de doute ou de tentative d’escroquerie ?

La règle du double appel

En cas d’appel suspect, la procédure est simple : raccrochez. Ne discutez pas, ne donnez aucune information. Ensuite, composez le numéro officiel de votre banque, celui que vous connaissez personnellement. « C’est la règle du double appel », explique Camille Dubreuil. « Vous ne restez jamais en ligne avec l’appelant. Vous coupez, puis vous rappelez vous-même. »

En cas de remise de carte ou de code, il faut agir dans la minute. « Dès que vous réalisez que vous avez été escroqué, appelez votre banque pour bloquer la carte, puis déposez plainte auprès des gendarmes ou de la police. Plus vite on agit, plus on a de chances de limiter les dégâts », précise le lieutenant Mercier.

Des dispositifs comme le numéro 33700 (Stop phishing) permettent également de signaler rapidement les tentatives d’usurpation d’identité. « Ce numéro est géré par l’Association française pour la sécurité des paiements (AFSP). Il permet de centraliser les signalements et d’alerter les banques concernées », ajoute Camille Dubreuil.

Protéger ses proches, surtout les plus vulnérables

Les seniors sont particulièrement visés par ces arnaques. « Beaucoup d’entre eux ont confiance dans les institutions, et sont moins familiers avec les nouvelles formes de fraude », observe David Kessler. « Les escrocs le savent, et ciblent souvent les personnes âgées vivant seules. »

Le cas de Jeanne Lefebvre, 72 ans, habitante de La Châtre, est emblématique. « Mon fils m’avait dit de ne jamais donner mon code, mais là, c’était la banque qui appelait, avec un ton si sérieux… Je pensais bien faire. » Depuis, elle a reçu la visite d’un gendarme de sa commune, qui lui a expliqué les mécanismes de l’arnaque. « Je me sens honteuse, mais aussi soulagée d’avoir compris. Maintenant, je préviens mes amies au club de bridge. »

Comment les institutions réagissent-elles ?

La gendarmerie nationale a lancé une campagne de sensibilisation d’envergure, avec des affiches dans les mairies, des interventions en maison de retraite, et des spots radio. « On ne peut pas tout faire seul », reconnaît le lieutenant Mercier. « Il faut que les citoyens deviennent des relais d’information. »

Les banques, elles, renforcent leurs systèmes d’alerte. « Nous envoyons désormais des notifications push en cas de transaction suspecte, et nous avons mis en place des protocoles de vérification plus stricts », confirme Camille Dubreuil. « Mais la meilleure défense, c’est encore l’éducation du consommateur. »

La prévention, seule arme efficace

Face à des escrocs de plus en plus organisés, la vigilance individuelle reste le rempart le plus solide. « Ces réseaux sont souvent basés à l’étranger, dans des zones peu coopératives judiciairement », explique David Kessler. « Démanteler un groupe prend des mois, parfois des années. En attendant, c’est à nous, citoyens, de ne pas tomber dans le panneau. »

Des gestes simples peuvent tout changer : surveiller régulièrement ses comptes, activer les alertes SMS ou notifications, ne jamais noter son code confidentiel, et surtout, ne jamais le communiquer. « Votre banque ne vous le demandera jamais », répète inlassablement la gendarmerie.

A retenir

Quelle est la procédure en cas d’appel suspect ?

Raccrochez immédiatement sans donner d’information. Ne restez jamais en ligne. Rappelez ensuite votre banque via un numéro officiel, connu de vous (dos de la carte, site internet officiel, relevé de compte).

Peut-on faire confiance à un coursier qui vient chercher ma carte ?

Non, jamais. Aucune banque ne procède ainsi. Il est strictement interdit de remettre sa carte bancaire ou son code à un tiers, quel qu’il soit, même s’il porte un uniforme ou présente un document officiel.

Que faire si j’ai déjà remis ma carte ?

Appelez immédiatement votre banque pour bloquer la carte, puis déposez plainte auprès des forces de l’ordre. Plus la réaction est rapide, plus les chances de limiter les pertes sont grandes.

Comment signaler une tentative d’escroquerie ?

Vous pouvez appeler le 33700 (Stop phishing) ou vous rendre sur le site officiel de l’AFSP. Vous pouvez aussi en informer votre banque ou déposer plainte en ligne via le site de la gendarmerie ou de la police nationale.

Les banques remboursent-elles en cas de fraude ?

Dans la plupart des cas, les banques remboursent les sommes indûment retirées, à condition que le client n’ait pas commis de faute lourde (comme donner volontairement son code). Toutefois, le processus peut prendre plusieurs jours, et la victime subit souvent un stress important.

L’arnaque aux faux coursiers n’est pas une rumeur, c’est une réalité. Elle prospère dans l’ombre de notre confiance, de notre peur, de notre désir de sécurité. Mais en comprenant ses mécanismes, en parlant autour de nous, en protégeant nos proches, nous pouvons l’endiguer. La vigilance, collective et individuelle, est notre meilleur bouclier.