En France, chaque année, des milliers de patients se voient proposer une prothèse totale du genou en raison d’une arthrose avancée. Pour beaucoup, cette intervention chirurgicale semble inéluctable, presque une fatalité face à la douleur chronique et à la perte de mobilité. Pourtant, dans un contexte de vieillissement de la population et de prévalence croissante de l’obésité, qui sont deux facteurs de risque majeurs pour la gonarthrose, la question se pose : est-il toujours nécessaire de passer sous le bistouri ? De nouvelles approches médicales, multidimensionnelles et personnalisées, montrent qu’il est parfois possible de retarder, voire d’éviter, la pose d’une prothèse. Grâce à une prise en charge globale combinant médicaments, rééducation, changements de mode de vie et innovations thérapeutiques, de nombreux patients retrouvent une qualité de vie satisfaisante sans subir d’intervention chirurgicale.
Qu’est-ce que la gonarthrose et pourquoi conduit-elle souvent à la prothèse ?
La gonarthrose est une dégénérescence du cartilage articulaire du genou, entraînant douleur, raideur et difficultés à marcher. Elle touche particulièrement les personnes âgées, mais peut aussi survenir plus précocement chez des sujets ayant subi des traumatismes articulaires ou souffrant de surpoids. Lorsque les lésions sont sévères et que les traitements conservateurs échouent, la prothèse totale du genou est traditionnellement envisagée. Celle-ci consiste à remplacer les surfaces articulaires endommagées par des implants métalliques et plastiques. Bien que très efficace dans la majorité des cas, cette chirurgie comporte des risques : infection, phlébite, douleur post-opératoire prolongée, ou encore usure prématurée de la prothèse. De plus, elle n’est pas sans conséquence sur la fonction musculaire et la proprioception. C’est pourquoi il est crucial d’explorer toutes les alternatives médicales avant de franchir ce seuil.
Quels sont les traitements médicaux disponibles pour gérer l’arthrose du genou ?
Les antalgiques et anti-inflammatoires : soulagement immédiat mais limites à long terme
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les antalgiques comme le paracétamol sont souvent les premiers traitements prescrits. Ils permettent de réduire la douleur et l’inflammation, offrant un soulagement appréciable au quotidien. Cependant, leur usage prolongé peut entraîner des effets secondaires, notamment gastro-intestinaux, rénaux ou cardiovasculaires. Leur efficacité diminue aussi avec le temps, ce qui pousse certains patients à augmenter les doses, augmentant ainsi les risques. Pour Élodie Ravel, kinésithérapeute à Lyon, beaucoup de patients arrivent en cabinet avec une dépendance aux AINS, sans avoir exploré d’autres pistes. On les accompagne alors vers des solutions plus durables .
Les infiltrations : un recours ciblé mais pas miracle
Les infiltrations de corticoïdes ou d’acide hyaluronique sont fréquemment utilisées pour calmer les poussées inflammatoires. Les corticoïdes agissent rapidement, mais leurs effets sont temporaires et répétés trop souvent, ils peuvent accélérer la dégradation du cartilage. L’acide hyaluronique, quant à lui, vise à lubrifier l’articulation, mais son efficacité reste débattue dans la littérature scientifique. Selon le Dr Antoine Lefebvre, rhumatologue à Bordeaux, ces infiltrations ont leur place, mais uniquement dans un cadre bien défini : entre deux phases de rééducation, pour permettre au patient de mieux travailler sur sa mobilité .
Peut-on vraiment éviter la chirurgie grâce à la rééducation ?
Le renforcement musculaire : un pilier du traitement conservateur
Le quadriceps, muscle principal du genou, joue un rôle crucial dans la stabilité articulaire. Lorsqu’il s’affaiblit, la pression sur le cartilage augmente, aggravant l’arthrose. Une rééducation ciblée, supervisée par un kinésithérapeute, permet de renforcer cette chaîne musculaire, de corriger les déséquilibres posturaux et d’améliorer la fonction globale du genou. Marc Thibault, 68 ans, ancien professeur d’EPS, en témoigne : À 65 ans, on m’a parlé de prothèse. J’ai refusé. J’ai commencé une rééducation intensive, trois fois par semaine. Au bout de six mois, je marchais sans canne, sans douleur majeure. Aujourd’hui, je fais encore des randonnées.
La proprioception et la marche : des éléments souvent négligés
La proprioception, c’est-à-dire la perception du corps dans l’espace, est altérée chez les patients arthrosiques. Des exercices spécifiques, comme le travail sur sol instable ou les plateformes vibrantes, permettent de la restaurer. Cela réduit les risques de chutes et améliore la coordination. De même, une analyse de la foulée peut révéler des anomalies mécaniques à corriger par des semelles orthopédiques ou des ajustements posturaux. Pour la patiente Sophie Maran, 71 ans, ces petits ajustements ont fait la différence : Je pensais que mon genou était foutu. Mais en changeant mes chaussures et en rééduquant ma marche, j’ai gagné en confort. La douleur n’a pas disparu, mais elle est devenue gérable.
Le rôle du poids et de l’activité physique dans la gestion de l’arthrose
Perte de poids : un levier majeur pour soulager le genou
Le surpoids est l’un des facteurs les plus modifiables dans l’évolution de la gonarthrose. Chaque kilogramme perdu réduit de quatre fois la pression exercée sur le genou lors de la marche. Une perte de 5 à 10 % du poids corporel peut suffire à améliorer significativement la douleur et la fonction. Le Dr Lefebvre insiste : Je vois des patients qui refusent la chirurgie, mais refusent aussi de perdre du poids. C’est contradictoire. On ne peut pas soigner l’arthrose sans agir sur ce paramètre.
Activité physique adaptée : marche, vélo, natation
Contrairement aux idées reçues, l’activité physique n’aggrave pas l’arthrose. Bien au contraire, elle entretient la mobilité articulaire, renforce les muscles et favorise la libération d’endorphines, naturellement antalgiques. La natation, le vélo d’appartement ou la marche en terrain plat sont particulièrement recommandés. Pierre Aumont, 74 ans, diagnostiqué il y a cinq ans, a intégré une routine d’exercices doux : Je nage deux fois par semaine, je fais du vélo en intérieur l’hiver. Mon médecin me dit que mon genou a l’air plus “calme” sur les dernières radios. Je ne sais pas si c’est stabilisé, mais en tout cas, je vis mieux.
Et les traitements innovants ? Vers une médecine personnalisée
Les injections de PRP (plasma riche en plaquettes)
Le PRP consiste à prélever le sang du patient, à concentrer les plaquettes, puis à les réinjecter dans l’articulation. Ces plaquettes libèrent des facteurs de croissance qui pourraient stimuler la régénération tissulaire. Bien que prometteur, ce traitement reste expérimental en France et n’est pas remboursé. Les résultats varient selon les patients. Selon une étude menée à l’hôpital de Montpellier en 2022, environ 60 % des patients ont ressenti une amélioration significative après trois injections, mais l’effet n’a duré qu’en moyenne 12 à 18 mois. Ce n’est pas une solution miracle, tempère le Dr Lefebvre, mais pour certains patients, cela peut gagner deux ou trois années sans chirurgie.
Les cellules souches et la médecine régénérative
Encore plus expérimentales, les thérapies par cellules souches suscitent beaucoup d’espoir. Elles visent à réparer le cartilage endommagé. Toutefois, leur efficacité n’est pas encore prouvée à grande échelle, et les risques d’effets indésirables, comme une inflammation ou une différenciation anarchique des cellules, sont réels. En Europe, ces traitements sont strictement encadrés et ne sont autorisés que dans le cadre de protocoles de recherche. Pour l’heure, ils ne constituent pas une alternative viable à la prothèse, mais ils ouvrent des perspectives pour l’avenir.
Quand la chirurgie devient incontournable ?
Malgré les progrès des traitements médicaux, il existe des situations où la prothèse du genou reste la meilleure option. C’est le cas lorsque la douleur est permanente, nuit au sommeil, limite fortement les activités quotidiennes, et que les traitements conservateurs ont échoué. Une déformation osseuse importante, une instabilité articulaire ou une perte de mobilité sévère sont aussi des signes d’indication chirurgicale. Le Dr Lefebvre précise : On ne doit pas refuser la chirurgie par idéologie. Quand le cartilage est complètement usé, que l’os frotte contre l’os, il n’y a plus de solution médicale efficace. La prothèse, bien posée, peut rendre dix bonnes années de qualité de vie.
Comment construire un parcours de soins équilibré ?
Le meilleur traitement contre l’arthrose du genou n’est ni purement médical, ni exclusivement chirurgical. Il repose sur une approche intégrée, personnalisée, et progressive. Elle commence par un diagnostic précis, incluant imagerie (radiographies, IRM) et évaluation fonctionnelle. Ensuite, un plan est établi avec le patient : perte de poids, rééducation, traitement médicamenteux, infiltrations si besoin, et suivi régulier. La communication entre le rhumatologue, le kinésithérapeute, le médecin généraliste et, éventuellement, le diététicien ou le psychologue, est essentielle. Pour Élodie Ravel, le patient doit être acteur. Il ne s’agit pas de subir un traitement, mais de construire une stratégie sur le long terme.
Conclusion
La prothèse du genou reste une intervention chirurgicale majeure, efficace, mais qui ne doit pas être envisagée à la légère. Grâce à une prise en charge médicale complète, multidisciplinaire et adaptée, il est souvent possible de retarder, voire d’éviter, la chirurgie. La clé réside dans une action précoce, une adhésion du patient au traitement, et une vision globale de la santé articulaire. L’arthrose n’est pas une fatalité, et vivre avec un genou douloureux ne signifie pas obligatoirement finir sous le scalpel.
A retenir
Peut-on vraiment éviter la prothèse du genou avec un traitement médical ?
Oui, dans de nombreux cas, notamment lorsque l’arthrose est modérée. Un traitement médical complet, associant perte de poids, rééducation, médicaments et parfois infiltrations ou thérapies innovantes, peut suffire à contrôler la douleur et maintenir une bonne qualité de vie.
Quel est le rôle du poids dans l’évolution de l’arthrose du genou ?
Le surpoids est un facteur aggravant majeur. Réduire son poids, même légèrement, diminue considérablement la pression sur le genou et peut ralentir la progression de la maladie.
La rééducation est-elle vraiment efficace ?
Oui. Le renforcement musculaire, la rééducation de la marche et la reprise d’une activité physique adaptée sont des piliers du traitement conservateur. Ils améliorent la stabilité articulaire et réduisent la douleur.
Les traitements comme le PRP ou les cellules souches sont-ils fiables ?
Le PRP montre des résultats encourageants chez certains patients, mais son effet est temporaire. Les thérapies par cellules souches sont encore expérimentales et ne sont pas disponibles en dehors de protocoles de recherche.
Quand faut-il envisager la chirurgie ?
Lorsque la douleur est sévère, permanente, et que les traitements médicaux n’apportent plus de soulagement. Une déformation osseuse ou une perte de mobilité importante sont aussi des signes d’indication chirurgicale.