Chaque jour, des millions de personnes s’assoient sans y penser, plongées dans leur travail, leurs écrans ou leurs trajets. Ce geste anodin, répété des heures durant, cache pourtant un danger silencieux : la formation de caillots sanguins. Loin d’être un risque réservé aux personnes âgées ou malades, cette menace touche aussi les jeunes actifs, les voyageurs, les salariés en open space. Le sang, lorsqu’il stagne trop longtemps dans les veines des jambes, peut coaguler, provoquant une phlébite, voire une embolie pulmonaire mortelle. Pourtant, la solution est à la portée de tous : bouger, simplement, régulièrement. Ce n’est pas une révolution, mais une vigilance quotidienne qui peut sauver des vies. À travers les expériences de personnes réelles, les recommandations des spécialistes et les signaux à ne pas ignorer, découvrez pourquoi il est urgent de repenser votre posture – littéralement.
Quel est le lien entre sédentarité et formation de caillots sanguins ?
Le corps humain n’est pas conçu pour rester immobile des heures d’affilée. Lorsque nous marchons, les muscles des jambes agissent comme une pompe secondaire, aidant le sang à remonter vers le cœur. En position assise prolongée, ce mécanisme s’affaiblit. Le sang circule moins vite, surtout dans les veines profondes des mollets, où il peut ralentir au point de former un thrombus. Ce phénomène, appelé thrombose veineuse profonde (TVP), est insidieux : il ne provoque souvent aucun symptôme visible au début. Pourtant, si un fragment de ce caillot se détache, il peut voyager jusqu’aux poumons et provoquer une embolie pulmonaire – une urgence médicale qui cause chaque année entre 10 000 et 20 000 décès en France.
Élodie Rivière, 38 ans, consultante en stratégie, a vécu cette alerte sans l’avoir anticipée. Après un vol long-courrier de 12 heures, elle a ressenti une douleur vive au mollet droit, accompagnée d’un gonflement inexpliqué. « Je pensais à une crampe, une mauvaise posture. Mais la douleur s’est intensifiée, et j’ai eu du mal à marcher. Aux urgences, on m’a diagnostiqué une phlébite. » Son médecin a été clair : le manque de mouvement pendant le vol, combiné à une légère déshydratation, avait favorisé la formation du caillot. Depuis, elle se lève toutes les heures, même au bureau, et privilégie les escaliers.
Comment l’immobilité affecte-t-elle la circulation sanguine ?
La circulation veineuse dépend fortement de l’activité musculaire. En position assise, surtout avec les jambes fléchies, les veines des membres inférieurs sont comprimées. Le sang stagne, augmentant la viscosité et favorisant l’agrégation des plaquettes. Ce phénomène est amplifié par la chaleur, la déshydratation ou un faible apport hydrique. Le retour veineux, essentiel pour éviter la stase sanguine, est alors compromis.
Le Dr Jayne Morgan, cardiologue à Paris, insiste sur l’importance d’interrompre régulièrement l’immobilité : « Une étude a montré qu’une simple marche de deux minutes par heure réduit de 33 % le risque de thrombose. Ce n’est pas une performance sportive, c’est une hygiène de vie. » Elle ajoute que ce geste améliore aussi la concentration, la respiration et le bien-être général. « Le corps est un système dynamique. Quand on bouge, tout fonctionne mieux. »
Antoine Delval, 52 ans, cadre dans une entreprise de logistique, a intégré cette routine après un AVC mineur lié à des antécédents cardiovasculaires. « Mon médecin m’a dit : ‘Votre bureau est une zone à risque.’ Je me suis mis à programmer des rappels toutes les 50 minutes. Je marche, je m’étire, parfois je fais des rotations de chevilles assis. En trois mois, mes jambes ne gonflent plus, je dors mieux. »
Quels gestes simples peuvent prévenir les caillots ?
La prévention ne demande pas de bouleverser son emploi du temps. Elle repose sur des micro-ruptures d’immobilité. Mohanakrishnan Sathyamoorthy, spécialiste de la circulation sanguine, recommande d’activer les muscles des jambes même sans quitter son siège : « Faire rouler les pieds, contracter les mollets, lever les talons – ces mouvements minimes stimulent le flux sanguin. »
Pour ceux qui peuvent se déplacer, marcher pendant les appels téléphoniques, aller chercher un collègue plutôt que d’envoyer un e-mail, ou prendre un déjeuner en marchant, sont des habitudes faciles à adopter. Dans les transports, sortir du wagon pour longer le couloir du train ou se lever pendant les escales d’avion peut faire la différence.
L’eau joue aussi un rôle clé. La déshydratation épaissit le sang, augmentant le risque de coagulation. Boire régulièrement, même sans soif, maintient une bonne fluidité. « J’ai mis une bouteille d’eau sur mon bureau, et je la vide avant 14 heures », raconte Camille Fournier, 44 ans, enseignante. « C’est devenu un rituel. Et chaque fois que je bois, je me lève pour la remplir. »
Quels sont les signes d’alerte d’une phlébite ou d’une embolie ?
La phlébite ne se manifeste pas toujours de façon spectaculaire. Les signes peuvent être subtils : une douleur au mollet, un gonflement unilatéral, une chaleur locale, une rougeur ou une tension inhabituelle de la peau. Souvent, la personne pense à une fatigue musculaire ou une entorse. Mais lorsque ces symptômes apparaissent après une période d’immobilité – un voyage, une hospitalisation, un arrêt maladie –, ils doivent être pris au sérieux.
Les signes d’embolie pulmonaire sont plus urgents : essoufflement soudain, douleur thoracique en cas d’inspiration, toux avec expectoration sanglante, étourdissements ou perte de connaissance. « Ce sont des alertes rouges », prévient le Dr Peter Kowey, pneumologue à Lyon. « Si vous ressentez l’un de ces symptômes, appelez les secours immédiatement. Le temps est critique. »
Ilana Béranger, 31 ans, a été sauvée grâce à sa vigilance. Après trois jours de télétravail intense, elle a noté une douleur persistante au mollet gauche. « Je me suis dit que c’était le stress, le manque de sport. Mais j’ai vu un reportage sur les caillots et j’ai fait le lien. J’ai consulté. C’était une TVP débutante. » Un traitement anticoagulant a été instauré rapidement, évitant toute complication.
Qui est particulièrement à risque ?
Tout le monde peut être touché, mais certains facteurs augmentent la vulnérabilité. Le surpoids, le tabagisme, le diabète, l’âge avancé, les antécédents familiaux de thrombose ou une grossesse augmentent le risque. Les femmes sous contraception hormonale, notamment les pilules combinées, doivent aussi être particulièrement attentives, surtout si elles voyagent ou sont immobilisées.
Les chirurgies, les traitements contre le cancer, ou les maladies inflammatoires chroniques sont également des facteurs de risque connus. « Pendant mon traitement pour une maladie auto-immune, mon hématologue m’a donné une feuille de route très claire : marcher 5 minutes toutes les heures, porter des bas de contention, et surveiller mes jambes », témoigne Raphaël Thierry, 47 ans. « C’était contraignant, mais rassurant. »
Les longs voyages restent une situation à haut risque. Un vol intercontinental en classe économique, surnommé « syndrome de la classe économique », peut provoquer une thrombose chez des personnes en apparence en bonne santé. La prévention passe par des chaussures confortables, des vêtements amples, une hydratation constante et des mouvements réguliers.
Comment réagir en cas de suspicion de caillot ?
À la moindre suspicion, il ne faut pas attendre. Consulter un médecin, idéalement en urgence, permet de confirmer ou d’écarter le diagnostic. L’échographie doppler des membres inférieurs est un examen non invasif, rapide et fiable pour détecter une thrombose veineuse.
Si le diagnostic est posé, un traitement anticoagulant est instauré, sous forme d’injections ou de comprimés. La durée varie selon la gravité, mais s’étend souvent sur plusieurs semaines. Le suivi médical est essentiel pour ajuster les doses, éviter les saignements et prévenir les récidives.
« J’ai été sous anticoagulants pendant trois mois, et j’ai dû apprendre à vivre avec des précautions : pas de sport violent, attention aux coupures, surveillance des gencives », explique Élodie Rivière. « Mais c’était un mal pour un bien. Aujourd’hui, je suis plus attentive à mon corps, et je ne considère plus le mouvement comme une option, mais comme une nécessité. »
Comment intégrer ces préventions dans la vie quotidienne ?
La clé est la régularité, pas l’intensité. Programmer des alertes sur son téléphone, utiliser des applications de bien-être ou simplement s’associer à un collègue pour se rappeler de bouger peut suffire. Certains bureaux adoptent désormais des postes debout ou des tapis de marche, mais même sans équipement, l’essentiel est de rompre l’immobilité.
Le Dr Jayne Morgan propose une règle simple : « Pour chaque heure assise, deux minutes debout ou en mouvement. C’est réalisable, efficace, et bénéfique bien au-delà de la circulation sanguine. »
Antoine Delval a mis en place un système avec son équipe : « On fait une ‘pause mouvement’ à 10h30 et 15h30. On sort cinq minutes, on marche, on parle d’autre chose que du travail. C’est devenu un moment apprécié. Et personne n’a plus de jambes lourdes. »
Conclusion
Le risque de caillots sanguins liés à l’immobilité est réel, mais largement évitable. Il ne s’agit pas de devenir un athlète, mais d’adopter des gestes simples, répétés au bon moment. Marcher, s’étirer, boire, surveiller son corps – autant de pratiques qui, intégrées au quotidien, transforment durablement la santé. Les témoignages d’Élodie, Antoine, Camille ou Ilana montrent que la vigilance peut sauver des vies. Le message est clair : bouger, c’est vivre. Et parfois, rester assis, c’est risquer de ne plus pouvoir le faire du tout.
A retenir
Quel est le principal danger du temps passé assis ?
Le principal danger est la formation de caillots sanguins dans les veines profondes des jambes, pouvant mener à une phlébite ou une embolie pulmonaire, une complication potentiellement mortelle.
Quelle fréquence de mouvement est recommandée ?
Il est conseillé de se lever et de bouger pendant deux à cinq minutes toutes les heures, même brièvement, pour activer la circulation sanguine.
Quels sont les signes d’une phlébite ?
Une douleur localisée au mollet, un gonflement d’un seul côté, une chaleur ou une rougeur de la peau, parfois accompagnés d’une sensation de tension.
Quand faut-il consulter en urgence ?
En cas d’essoufflement soudain, de douleur thoracique, de toux avec sang ou d’étourdissements, il faut appeler les secours immédiatement : ce sont des signes d’embolie pulmonaire.
Qui doit être particulièrement vigilant ?
Les personnes en surpoids, fumeuses, diabétiques, enceintes, sous contraception hormonale, âgées ou ayant des antécédents médicaux de thrombose ou de maladies chroniques.
Le voyage en avion est-il un risque ?
Oui, surtout les vols long-courriers. Il est recommandé de marcher dans l’allée toutes les deux heures, de boire de l’eau et d’éviter l’alcool et la caféine.
Peut-on prévenir sans faire de sport ?
Oui, des mouvements simples comme lever les talons, faire rouler les pieds ou marcher quelques minutes suffisent à stimuler la circulation, même sans activité sportive intense.