En France, la sécurité routière repose sur un pilier fondamental : la responsabilité de chaque usager. Derrière les panneaux de signalisation, les limitations de vitesse ou les contrôles policiers, il existe une obligation discrète mais cruciale, souvent sous-estimée, qui s’applique à tous les types de véhicules motorisés. Il ne s’agit pas seulement de respecter le code de la route, mais de garantir une protection pour soi et pour les autres. À l’ère des nouvelles mobilités, cette exigence prend une dimension encore plus importante, notamment avec l’essor des trottinettes électriques. Pourtant, malgré sa simplicité apparente, cette règle est de plus en plus fréquemment ignorée, au risque de coûter cher.
Pourquoi l’assurance est-elle obligatoire, même pour une trottinette ?
Le Code de la route français ne fait pas de distinction arbitraire entre les véhicules. Depuis 2019, les trottinettes électriques sont officiellement classées comme des « véhicules terrestres à moteur ». Cette qualification, bien que surprenante pour certains, implique une obligation claire : l’assurance responsabilité civile. En d’autres termes, peu importe que le véhicule soit une berline de deux tonnes ou un engin de 25 kg filant à 25 km/h, le principe reste le même : tout ce qui roule et possède un moteur doit être assuré.
Cette règle repose sur une logique de protection des tiers. En cas d’accident, qu’il implique un piéton, un cycliste ou un autre usager, la victime doit pouvoir être indemnisée. Sans assurance, le conducteur devient seul responsable des dommages, ce qui peut se traduire par des dettes colossales. Camille Lenoir, professeur de droit à l’université de Lyon, explique : « L’assurance n’est pas une simple formalité administrative. C’est un mécanisme de solidarité qui évite que des accidents de la route plongent des familles dans la précarité. »
Quelles sanctions en cas de non-assurance ?
Les conséquences d’un oubli ou d’un refus de s’assurer sont loin d’être anodines. Pour une première infraction, l’amende peut atteindre 500 euros. Ce montant peut être réduit à 400 euros si le conducteur règle rapidement, mais il grimpe à 1 000 euros en cas de retard. Pourtant, ce n’est pas là le pire.
En cas de récidive, le conducteur s’expose à des sanctions bien plus lourdes : une amende pouvant atteindre 7 500 euros, une suspension de permis pouvant durer jusqu’à trois ans, voire son annulation. Ces mesures ne sont pas théoriques. En 2022, à Bordeaux, un livreur de repas, Julien Marceau, a vu son permis annulé après avoir été contrôlé deux fois en six mois sans assurance sur sa trottinette. « Je pensais que c’était réservé aux voitures », confie-t-il. « J’ai perdu mon travail parce que je ne pouvais plus me déplacer. C’était une erreur bête, mais elle m’a coûté très cher. »
Les forces de l’ordre renforcent également les contrôles. Depuis 2021, les policiers municipaux peuvent verbaliser les usagers de trottinettes, et les radars automatiques sont désormais capables d’identifier les véhicules non assurés grâce à des bases de données croisées.
Et si l’accident survient ?
L’amende est une chose, mais les conséquences en cas d’accident sont d’un autre ordre. Sans assurance, le conducteur doit assumer seul les frais médicaux, les réparations matérielles, et éventuellement les pertes de revenus de la victime. Dans certains cas, cela peut représenter des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros.
En 2021, à Marseille, une collision entre une trottinette non assurée et un cycliste a entraîné une fracture du crâne chez ce dernier. Le conducteur, un étudiant de 20 ans, a dû rembourser plus de 120 000 euros en frais médicaux et indemnités. « Je n’avais pas les moyens. J’ai dû vendre mon appartement, et mes parents ont dû emprunter », raconte-t-il sous anonymat. « Aujourd’hui, je vis avec une dette qui me suivra pendant des années. »
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), qui intervient parfois en dernier recours, ne couvre pas les accidents causés par des véhicules non assurés en circulation normale. Autrement dit, il n’y a pas de filet de sécurité.
Combien coûte réellement l’assurance d’une trottinette ?
Face à de tels risques, le coût de l’assurance semble dérisoire. En moyenne, une couverture responsabilité civile pour trottinette électrique coûte entre 5 et 7 euros par mois. Certaines compagnies proposent même des formules à partir de 3 euros, parfois intégrées dans des contrats d’assurance habitation.
Élodie Tchekhov, ingénieure en mobilité urbaine à Lille, a choisi d’assurer ses deux trottinettes en même temps que son appartement. « C’était 6 euros de plus par mois pour les deux », explique-t-elle. « C’est moins cher qu’un abonnement de streaming. Et ça me permet de rouler sans stress. »
Pourtant, cette petite dépense est souvent évitée par méconnaissance ou par calcul erroné. « Beaucoup pensent que les trottinettes sont trop petites pour causer des dégâts », souligne Camille Lenoir. « Mais à 25 km/h, un impact peut être violent, surtout si la victime est un piéton âgé ou un enfant. »
Pourquoi autant de véhicules circulent-ils sans assurance ?
Entre 2017 et 2023, le nombre de véhicules non assurés en France a bondi de plus de 200 %. Ce phénomène touche autant les voitures que les deux-roues motorisés, mais il est particulièrement marqué chez les nouveaux usagers de trottinettes électriques.
Plusieurs facteurs expliquent cette hausse. D’abord, une méconnaissance du cadre légal. Beaucoup d’utilisateurs, notamment les jeunes adultes ou les livreurs indépendants, ignorent que leur trottinette nécessite une assurance. Ensuite, une perception erronée du risque : « C’est juste une trottinette, je fais attention », est une phrase fréquemment entendue lors des contrôles.
Enfin, le marché des trottinettes a explosé avec des modèles vendus en ligne, parfois sans information claire sur les obligations légales. Raphaël Koffi, livreur à Paris, témoigne : « J’ai acheté ma trottinette sur un site chinois. Rien n’était indiqué sur l’assurance. Je me suis fait verbaliser au bout de deux semaines. Personne ne m’avait prévenu. »
Un problème de sécurité publique
La montée en puissance des véhicules non assurés n’est pas qu’un problème juridique : c’est un enjeu de sécurité publique. Chaque engin non couvert représente un risque potentiel pour les autres usagers. En cas d’accident, les victimes peuvent attendre des mois, voire des années, avant d’obtenir une indemnisation, voire ne jamais en obtenir.
Le cas de Lucie Béranger, piétonne renversée par une trottinette à Montpellier, illustre cette réalité. « J’ai passé trois mois à l’hôpital. Fracture du fémur, séquelles neurologiques. Et l’homme qui m’a heurtée n’était pas assuré », raconte-t-elle. « J’ai dû me battre pour avoir accès à une aide financière. C’était humiliant. »
Les associations de victimes de la route, comme Prévention Routière, alertent régulièrement sur ce sujet. « On voit arriver des usagers qui pensent que les nouvelles mobilités sont un espace de liberté sans règles », déclare un porte-parole. « Mais la liberté ne peut pas se faire au détriment de la sécurité des autres. »
Comment s’assurer facilement ?
S’assurer n’a jamais été aussi simple. De nombreuses compagnies proposent des contrats en ligne, en quelques clics. Il suffit de fournir le numéro de série de la trottinette, son type, et l’usage prévu (personnel, professionnel). En moins de 24 heures, une attestation d’assurance est délivrée, à présenter en cas de contrôle.
Des assureurs comme MAIF, Allianz ou des start-ups spécialisées (Luko, Zego, etc.) proposent des offres adaptées aux trottinettes, parfois couplées à une protection contre le vol ou les bris. Certaines incluent même une assistance juridique en cas d’accident.
Thomas Ricard, entrepreneur à Nantes, a opté pour une assurance mensuelle à 6,50 euros. « Je roule tous les jours en trottinette pour aller au bureau. Je me suis dit que 78 euros par an, c’était le prix d’un repas au restaurant. Mais ça me protège contre l’inattendu. »
La responsabilité, au-delà de la loi
L’obligation d’assurance ne se résume pas à une question de conformité. Elle s’inscrit dans une culture de la responsabilité. Conduire, c’est accepter de partager l’espace public avec d’autres, en assumant les risques que cela implique.
Comme le souligne Camille Lenoir, « la route est un bien commun. Chaque conducteur, quel que soit son mode de transport, a une responsabilité morale et légale. Ignorer l’assurance, c’est refuser cette responsabilité. »
À l’heure où les villes se transforment, où les nouvelles mobilités redéfinissent nos déplacements, il est essentiel que les règles évoluent aussi dans les esprits. L’assurance n’est pas une contrainte, mais un outil de paix sociale.
A retenir
Est-ce que l’assurance est obligatoire pour toutes les trottinettes électriques ?
Oui, depuis 2019, toute trottinette électrique circulant sur la voie publique doit être couverte par une assurance responsabilité civile, comme n’importe quel véhicule motorisé.
Quelle est la sanction pour conduite sans assurance ?
La première infraction peut entraîner une amende de 500 euros (réductible à 400 euros si payée rapidement). En cas de récidive, l’amende peut atteindre 7 500 euros, accompagnée d’une suspension ou d’une annulation du permis de conduire.
Combien coûte l’assurance d’une trottinette électrique ?
En moyenne entre 5 et 7 euros par mois. Certaines formules incluent des garanties complémentaires comme la protection contre le vol ou les dommages matériels.
Que se passe-t-il si je cause un accident sans assurance ?
Vous êtes seul responsable des dommages causés. Cela peut entraîner des dettes importantes, des poursuites judiciaires, et une absence d’indemnisation pour les victimes, qui devront engager des procédures complexes pour obtenir réparation.
Peut-on être assuré via son assurance habitation ?
Oui, certaines assurances multirisques habitation incluent une garantie responsabilité civile pour les véhicules légers comme les trottinettes. Il faut toutefois vérifier les conditions du contrat et demander une attestation spécifique.