La CDHR, un impôt sur les riches en échec en 2025 : seulement 1,2 milliard collecté

Depuis son lancement, la Contribution Différentielle sur les Hauts Revenus (CDHR) a été présentée comme un outil moderne et ciblé pour renforcer l’équité fiscale en France. Conçue pour s’appliquer exclusivement aux foyers les plus aisés, elle devait non seulement augmenter les recettes de l’État, mais aussi renvoyer un message clair : chacun doit contribuer selon ses moyens. Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Loin des deux milliards d’euros espérés, la CDHR n’aurait rapporté que 1,2 milliard, soit un déficit de 40 % par rapport aux prévisions. Pire encore : sur les 66 000 foyers éligibles, seulement 16 000 seraient réellement redevables. Ce décalage entre ambition et réalité soulève des questions cruciales sur l’efficacité du système fiscal, la capacité de l’administration à contrôler les hauts revenus, et la confiance des citoyens dans la justice fiscale.

La CDHR fonctionne-t-elle comme prévu ?

L’objectif initial de la CDHR était simple : instaurer une progressivité accrue dans l’impôt sur le revenu en ciblant les foyers dont les revenus dépassent un certain seuil. En théorie, cette contribution devait s’ajouter naturellement aux autres prélèvements, sans alourdir la charge pour les classes moyennes. Mais en pratique, les mécanismes d’optimisation fiscale ont permis à de nombreux contribuables de contourner l’impôt. Selon une étude de l’Institut des politiques publiques, des dispositifs comme la décote, le forfait familial ou encore les crédits d’impôt massifs ont été utilisés à grande échelle pour réduire l’assiette taxable.

Prenez le cas de Camille Lefebvre, cadre supérieur dans une multinationale, dont le foyer fiscal a vu ses revenus atteindre 220 000 euros en 2023. « J’ai reçu un courrier de l’administration m’informant que je pouvais bénéficier de plusieurs dispositifs d’allégement, explique-t-elle. Entre les réductions pour dons à des œuvres caritatives, les crédits liés à l’emploi à domicile, et la décote, mon impôt final a été largement compensé. » Des situations comme celle de Camille ne sont pas isolées. Elles illustrent comment, même avec une volonté de transparence, le système permet des ajustements qui sapent l’efficacité d’un impôt censé être incontournable pour les plus fortunés.

Quelles sont les causes de ce faible rendement ?

Les failles dans l’assiette fiscale

Le principal problème réside dans la complexité même du système fiscal français. L’accumulation de niches, de déductions et de report de plus-values crée des marges de manœuvre considérables. Un contribuable aisé peut, par exemple, différer la vente d’un bien immobilier ou d’actions pour reporter une plus-value à une année où son revenu global sera moindre, évitant ainsi de franchir le seuil déclencheur de la CDHR.

Étienne Rousseau, expert-comptable à Lyon, observe : « Beaucoup de mes clients, même parmi les plus riches, ne paient pas la CDHR. Ce n’est pas qu’ils trichent, c’est qu’ils optimisent légalement. Le système est conçu de telle manière que la planification fiscale devient une obligation pour rester compétitif. » Cette réalité montre que la loi, bien que bien intentionnée, est trop poreuse pour être pleinement efficace.

L’absence de coordination entre dispositifs fiscaux

Un autre obstacle est l’absence de coordination entre les différents mécanismes fiscaux. La CDHR a été mise en place sans réévaluer en profondeur les autres avantages existants. Résultat : les réductions d’impôt s’accumulent, annulant parfois l’effet de la contribution. L’administration fiscale, quant à elle, peine à croiser les données en temps réel, ce qui rend difficile la détection des abus ou des optimisations excessives.

Quelles alternatives envisager ?

Une réforme en profondeur de l’imposition des hauts revenus

Face à ces échecs, plusieurs voix s’élèvent pour demander une refonte du système. Charles de Courson, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, a récemment exprimé son scepticisme : « La CDHR ne remplit pas son rôle. Il faut repenser l’ensemble de la fiscalité des hauts revenus, pas seulement ajouter une taxe à la marge. » Il appelle à élargir l’assiette fiscale, en limitant les déductions et en rendant les seuils de déclenchement de la contribution moins sensibles aux manipulations comptables.

Des propositions circulent, comme l’instauration d’un taux d’imposition effectif minimum pour les foyers les plus riches, similaire au « minimum tax » discuté au niveau européen. Ce mécanisme obligerait les contribuables à payer au moins 20 % de leur revenu total en impôts, quelles que soient les déductions utilisées. Une telle règle rendrait les stratégies d’optimisation moins efficaces et garantirait une contribution plus juste.

Le rôle de la technologie dans la lutte contre l’optimisation

La modernisation des outils de contrôle fiscal est également cruciale. Aujourd’hui, l’administration dispose de données massives, mais peine à les exploiter de manière proactive. Un système d’analyse prédictive, alimenté par l’intelligence artificielle, pourrait identifier les schémas d’optimisation récurrents et alerter les agents fiscaux.

Clémentine Dubois, ingénieure en données et consultante pour plusieurs ministères, affirme : « On a les outils techniques pour croiser les déclarations, les plus-values, les donations, les revenus étrangers. Ce qui manque, c’est une volonté politique de les déployer massivement. » Elle cite l’exemple de la Norvège, où l’accès en ligne aux déclarations fiscales de chaque citoyen (y compris les plus riches) favorise la transparence et dissuade les abus.

Quelles conséquences économiques et sociales ?

Un impact sur la confiance citoyenne

Le faible rendement de la CDHR ne nuit pas seulement aux finances publiques : il fragilise la confiance des Français dans la justice fiscale. Lorsque des citoyens voient que les plus aisés paient finalement peu, malgré des revenus très élevés, cela alimente un sentiment d’injustice.

C’est ce que ressent Karim Benali, enseignant dans une banlieue sensible de Marseille. « Mes élèves me demandent souvent : “Pourquoi on paie tous des impôts si les riches trouvent toujours des moyens d’y échapper ?” C’est une question simple, mais elle touche au cœur du contrat social. » Ce type de question, de plus en plus fréquent, montre que la perception de l’équité fiscale influence directement l’adhésion des citoyens à l’effort collectif.

Des effets ambivalents sur l’économie

Il est vrai que l’optimisation fiscale laisse plus de liquidités aux contribuables fortunés, qui peuvent alors investir dans des entreprises, des start-ups ou des biens immobiliers. Mais cet effet positif est limité s’il se fait au détriment du financement des services publics. Les recettes manquantes de la CDHR auraient pu servir à renforcer l’éducation, la santé ou la transition écologique.

Le débat n’est donc pas uniquement technique : il est aussi philosophique. Faut-il privilégier la compétitivité des plus riches pour stimuler la croissance, ou imposer une contribution plus forte pour renforcer la cohésion sociale ? La réponse, selon de nombreux économistes, réside dans un juste équilibre. « On peut être ambitieux sans être confiscatoire », résume Lucien Marchand, professeur d’économie à Sciences Po.

Quel avenir pour la fiscalité des hauts revenus ?

Le gouvernement semble conscient de l’enjeu. Plusieurs pistes sont à l’étude, notamment une harmonisation des seuils d’imposition, une limitation des niches fiscales pour les revenus supérieurs à un certain plafond, ou encore la mise en place d’un barème progressif plus strict. Mais ces réformes, pour être efficaces, doivent être accompagnées d’une communication claire et d’une volonté politique forte.

La CDHR, telle qu’elle existe aujourd’hui, risque d’être perçue comme un symbole de l’impuissance de l’État face aux stratégies des plus aisés. Pour éviter cela, il ne suffit pas de corriger les chiffres : il faut repenser le système dans sa globalité, en tenant compte des réalités économiques, des comportements des contribuables, et surtout des attentes des citoyens.

A retenir

Qu’est-ce que la CDHR et pourquoi a-t-elle été créée ?

La Contribution Différentielle sur les Hauts Revenus (CDHR) est un impôt supplémentaire destiné aux foyers fiscaux les plus aisés. Elle a été mise en place pour renforcer l’équité fiscale et augmenter les recettes de l’État en s’assurant que les plus fortunés contribuent davantage au financement des services publics.

Pourquoi la CDHR rapporte-t-elle moins que prévu ?

Le rendement inférieur aux attentes s’explique par l’utilisation massive de mécanismes d’optimisation fiscale, tels que les crédits d’impôt, la décote, le forfait familial et le report de plus-values. Ces dispositifs, bien que légaux, permettent à de nombreux contribuables éligibles d’échapper à la contribution.

Combien de foyers paient réellement la CDHR ?

Sur les 66 000 foyers fiscaux concernés, environ 16 000 seulement sont redevables de la CDHR. Ce faible taux d’application souligne les limites du dispositif dans sa forme actuelle.

Existe-t-il des projets de réforme fiscale en cours ?

Oui. Des discussions sont en cours pour repenser l’imposition des hauts revenus, notamment en instaurant un taux d’imposition effectif minimum ou en limitant les niches fiscales pour les plus aisés. Le but est de garantir une contribution plus juste et plus prévisible.

La CDHR affecte-t-elle la confiance des citoyens dans le système fiscal ?

Oui. Le fait que peu de riches paient cette contribution, malgré des revenus très élevés, alimente un sentiment d’injustice. Cela peut nuire à la légitimité du système fiscal et à la participation citoyenne à l’effort d’impôt.