Une clinique pour hérissons ouverte dans le Finistère, une initiative rare pour leur survie

Chaque année, des milliers d’animaux sauvages sont victimes de situations imprévues qui les mettent en danger : accidents domestiques, interventions humaines maladroites, maladies ou abandon. Parmi eux, les hérissons occupent une place particulière. Fragiles, nocturnes et de plus en plus menacés par les perturbations de leur environnement, ces petits mammifères ont besoin d’un accompagnement spécifique lorsqu’ils sont en détresse. En Bretagne, une initiative inédite a vu le jour cet été : le Hameau des Hérissons, premier centre de soins dédié exclusivement à ces animaux dans le Finistère. Fruit d’un engagement personnel et d’une passion partagée, ce refuge incarne une réponse concrète à une urgence écologique silencieuse.

Qu’est-ce que le Hameau des Hérissons ?

Situé au Tréhou, un petit village niché entre mer et campagne, le Hameau des Hérissons est un centre de soins spécialisé dans la réhabilitation des hérissons blessés, malades ou orphelins. Concrètement, il s’agit d’un lieu sécurisé, équipé de boxes médicaux, d’espaces de quarantaine et de zones de pré-revalidation, où chaque animal reçoit un traitement adapté à son état. L’objectif ? Soigner, nourrir, puis relâcher les hérissons dans leur milieu naturel, une fois leur santé stabilisée.

Le centre a ouvert ses portes en juin dernier, après des mois de préparation, de démarches administratives et de mobilisation de bénévoles. Il est porté par deux femmes aux parcours atypiques : Marie-Agnès Guichard, ancienne maquettiste, et Meggy Grun, passionnée de faune locale. Leur rencontre, fortuite mais providentielle, a donné naissance à un projet qui allie expertise technique, amour des animaux et sensibilité écologique.

Pourquoi les hérissons sont-ils de plus en plus en danger ?

Les causes de détresse des hérissons sont multiples, et souvent liées à l’activité humaine. Les accidents de jardinage, par exemple, sont fréquents : tondeuses, cisailles ou herses peuvent blesser gravement ces animaux qui se réfugient dans les haies ou sous les tas de feuilles. Les morsures de chiens, même bien intentionnés, entraînent des infections parfois fatales. Mais les menaces sont aussi invisibles : les parasites internes, comme les vers ou les acariens, affaiblissent les hérissons, en particulier les jeunes ou les femelles épuisées après la mise bas.

Élodie Lefort, vétérinaire bénévole au centre, raconte :  Nous avons accueilli un petit mâle de trois mois, trouvé immobile dans un jardin à Quimper. Il pesait à peine 200 grammes, alors qu’il devrait en faire au moins 600 avant l’hiver. Après analyse, nous avons découvert une forte infestation de vers. Sans intervention rapide, il n’aurait pas survécu à l’hibernation. 

Autre drame fréquent : la mort de la mère. Lorsqu’une femelle hérisson décède, ses petits, souvent âgés de quelques semaines seulement, sont livrés à eux-mêmes. Incapables de se nourrir seuls, ils risquent rapidement la déshydratation et la malnutrition. C’est ce qui est arrivé à une portée découverte sous une cabane de jardin à Pont-l’Abbé. Les quatre petits ont été transportés au Hameau, où ils ont été nourris au biberon toutes les deux heures pendant plusieurs semaines.

Comment fonctionne un centre de soins pour hérissons ?

Le Hameau des Hérissons suit un protocole rigoureux, inspiré des meilleures pratiques européennes en matière de soins à la faune sauvage. Dès qu’un animal est signalé, un réseau de correspondants locaux est activé. Si le hérisson peut être récupéré, il est transporté dans une boîte aérée, sans nourriture ni eau – car une ingestion inadaptée peut être dangereuse.

À l’arrivée, un bilan vétérinaire est effectué : pesée, examen visuel, recherche de parasites, évaluation de l’état de déshydratation. En fonction des constatations, l’animal est orienté vers un traitement médical, une période de repos ou une alimentation spéciale. Les jeunes orphelins, par exemple, sont placés dans un incubateur à température contrôlée et nourris avec un lait adapté, plusieurs fois par jour.

Clément Moreau, bénévole depuis l’ouverture du centre, témoigne :  J’ai été touché par un petit hérisson qu’on a surnommé “Pépin”. Il avait une patte arrière broyée par une tondeuse. Après deux semaines de soins, il a commencé à marcher de nouveau. Le jour où on l’a relâché, dans une zone boisée éloignée des routes, j’étais ému. On ne sauve pas un animal, on redonne une chance à une espèce entière. 

La phase de réhabilitation dure en moyenne de deux à six semaines, parfois plus en cas de blessures sévères. Avant la remise en liberté, les animaux doivent atteindre un poids suffisant – généralement 600 grammes minimum – et montrer des comportements naturels : recherche de nourriture, réaction à la lumière, capacité à se rouler en boule.

Qui sont les fondateurs du Hameau des Hérissons ?

Marie-Agnès Guichard n’était pas destinée à devenir une spécialiste des hérissons. Ancienne infographiste à Paris, elle a toujours eu une sensibilité pour la nature.  J’avais un centre de soin aux hérissons en région parisienne et je souhaitais en ouvrir un dans le Finistère où j’ai déménagé , explique-t-elle.  J’ai appris toute seule, par passion. J’ai lu des dizaines d’ouvrages, suivi des formations, échangé avec des spécialistes en Allemagne et en Angleterre, où les centres de soins sont bien plus développés. 

Elle est rapidement rejointe par Meggy Grun, une naturaliste autodidacte originaire de Brest. Meggy passe ses week-ends à observer la faune locale, participe à des inventaires citoyens et anime des ateliers de sensibilisation dans les écoles.  Les hérissons sont des indicateurs de la santé de nos écosystèmes , affirme-t-elle.  Quand ils disparaissent des jardins, c’est que quelque chose ne va pas : trop de pesticides, trop de béton, pas assez de corridors de biodiversité. 

Leur complémentarité est frappante : Marie-Agnès apporte la rigueur organisationnelle, la gestion des protocoles médicaux et la communication. Meggy, elle, cultive le lien avec la population, forme les bénévoles et développe des partenariats avec des associations de protection de la nature.

Comment la population peut-elle aider ?

Le Hameau des Hérissons fonctionne grâce à un réseau de citoyens vigilants. Toute personne qui découvre un hérisson en difficulté – immobile en plein jour, hurlant, saignant, ou encore un petit sans sa mère – est invitée à contacter le centre. Mais attention : il ne faut pas manipuler l’animal à mains nues, ni lui donner à manger ou à boire. Le mieux est de le placer dans une boîte en carton avec des trous, avec une couverture chaude à l’intérieur, et d’appeler un professionnel.

Des ateliers de sensibilisation sont régulièrement organisés dans les communes alentour. Lors d’une réunion à Clohars-Carnoët, une habitante, Solène Berthier, raconte avoir libéré un hérisson coincé dans un filet de protection pour potager.  Je ne savais pas quoi faire, j’ai appelé le centre. Ils m’ont guidée au téléphone, puis sont venus le chercher. Depuis, j’ai installé une petite mangeoire à l’arrière de mon jardin, avec de l’eau fraîche et des croquettes spéciales. Je le vois parfois le soir, il va bien. 

Le centre accepte également des dons de matériel : couvertures, boîtes de transport, thermomètres, balances de précision. Des bénévoles sont formés chaque mois pour assurer les gardes, les soins quotidiens et les sorties de relâcher.

Quel avenir pour les hérissons en France ?

En Europe, les populations de hérissons déclinent fortement. En Grande-Bretagne, certaines études estiment une baisse de 30 % en dix ans. En France, les données sont moins précises, mais les signaux sont inquiétants. Urbanisation, fragmentation des habitats, usage des pesticides et présence accrue de chiens non tenus en laisse contribuent à cette tendance.

Le Hameau des Hérissons s’inscrit dans une dynamique plus large de protection de la biodiversité. Il collabore avec des naturalistes, des collectivités locales et des écoles pour promouvoir des jardins “hérisson-friendly” : sans produits chimiques, avec des abris naturels (tas de branches, cabanes), et des passages aménagés sous les clôtures.

 On ne peut pas sauver tous les hérissons du monde , reconnaît Marie-Agnès Guichard.  Mais chaque vie sauvée compte. Et chaque jardin transformé en refuge, chaque enfant qui apprend à respecter ces animaux, c’est une avancée pour la cohabitation homme-nature. 

Quelles sont les leçons à tirer de cette initiative ?

Le succès du Hameau des Hérissons montre que des projets locaux, portés par des individus engagés, peuvent avoir un impact significatif. Il démontre aussi que la protection de la faune sauvage n’est pas réservée aux grandes structures : un terrain, un peu de matériel, et beaucoup de cœur, suffisent pour commencer.

Il souligne enfin l’importance de la prévention. Beaucoup d’accidents pourraient être évités si les jardiniers inspectaient leurs haies avant de tondre, si les propriétaires de chiens surveillaient leurs animaux la nuit, ou si les habitants connaissaient les signes de détresse d’un hérisson.

A retenir

Que faire si je trouve un hérisson en détresse ?

Ne pas le manipuler directement. Le placer dans une boîte en carton aérée, avec une couverture chaude, et contacter immédiatement un centre de soins spécialisé ou une association de protection de la faune. Ne pas lui donner à manger ni à boire.

Peut-on nourrir les hérissons dans son jardin ?

Oui, mais avec précaution. On peut proposer des croquettes pour chats sans céréales, de l’eau fraîche, ou des vers de terre. Éviter le pain, le lait ou les restes de repas, qui peuvent être toxiques.

Comment rendre son jardin accueillant pour les hérissons ?

Créer des zones de refuge (tas de branches, cabanes en bois), limiter l’usage des pesticides, installer des passages sous les clôtures, et laisser des coins de jardin un peu sauvages.

Le Hameau des Hérissons accueille-t-il d’autres animaux ?

Non, le centre est exclusivement dédié aux hérissons. Cela permet une spécialisation fine des soins, des protocoles adaptés, et une meilleure efficacité dans la réhabilitation.

Comment devenir bénévole ?

Le centre organise des sessions de formation plusieurs fois par an. Les candidats doivent être disponibles, respectueux des protocoles sanitaires, et motivés par la cause animale. Les inscriptions se font via le site du centre ou lors des portes ouvertes.