Un colorant alimentaire courant sous le feu des critiques pour ses dangers sanitaires, alerte l’UFC–Que Choisir

Chaque jour, des milliards de personnes consomment des aliments et boissons contenant des additifs destinés à améliorer leur apparence, leur goût ou leur durée de conservation. Parmi ces substances, l’un des colorants les plus utilisés, mais aussi des plus controversés, est l’E150d. Bien qu’il soit invisible au goût, il colore discrètement une grande partie de notre alimentation industrielle. Pourtant, derrière cette teinte ambrée se cachent des questions de santé que les consommateurs ne devraient pas ignorer. Entre alertes d’associations de consommateurs, divergences réglementaires et incertitudes scientifiques, il est temps de faire le point sur ce que l’on sait — et ce que l’on ignore — de cet additif omniprésent.

Qu’est-ce que l’E150d ?

L’E150d, connu aussi sous le nom de caramel au sulfite d’ammonium ou caramel colorant de classe IV, est un additif alimentaire conçu pour donner une couleur brun foncé aux produits industriels. Contrairement au caramel traditionnel obtenu par simple chauffage du sucre, l’E150d est produit à partir de sucres soumis à des réactions chimiques complexes impliquant des composés d’ammonium et de sulfite. Ce processus permet une coloration plus intense et plus stable, ce qui explique son succès dans l’industrie agroalimentaire.

On le retrouve fréquemment dans des boissons gazeuses comme les colas, certaines sauces (sauces soja, sauces barbecue), vinaigres, plats préparés, ou encore soupes en conserve. Son rôle est purement esthétique : il donne aux produits une apparence plus appétissante, plus naturelle ou plus riche en goût, même si la saveur n’est pas altérée.

Clara, 42 ans, diététicienne à Lyon, explique : Beaucoup de mes patients sont surpris d’apprendre que la couleur foncée d’un cola n’est pas due à la caramélisation naturelle, mais à un additif chimique. L’E150d est là pour vendre une image, pas pour améliorer la qualité nutritionnelle.

Pourquoi l’UFC-Que Choisir critique-t-elle l’E150d ?

L’association UFC-Que Choisir a lancé plusieurs alertes sur l’utilisation de l’E150d, notamment en raison de la formation d’un sous-produit lors de sa fabrication : le 4-méthylimidazole (4-MEI). Cette substance, présente en quantité variable selon les procédés industriels, a été identifiée comme potentiellement cancérogène dans des études menées sur des rongeurs.

En Californie, le 4-MEI est classé comme substance pouvant provoquer le cancer ou des anomalies congénitales, ce qui oblige les fabricants à apposer un avertissement sur les produits dépassant un certain seuil. Pourtant, en Europe, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) considère que les niveaux présents dans l’alimentation ne posent pas de risque significatif pour la santé humaine, à condition que les doses restent dans les limites autorisées.

Cette divergence inquiète Élias Boukari, chercheur en toxicologie alimentaire à Toulouse : Il y a une incohérence réglementaire entre les continents. Si la Californie exige des étiquettes d’avertissement, c’est qu’il existe une base scientifique sérieuse pour s’interroger. En Europe, on se base sur des modèles de consommation moyenne, mais que devient le risque pour les gros consommateurs de sodas ou de sauces industrielles ?

Quels sont les risques associés à l’E150d ?

Le 4-MEI est-il un danger réel ?

Les études animales montrent qu’une exposition prolongée à de fortes doses de 4-MEI peut entraîner le développement de tumeurs, notamment au niveau du poumon. Cependant, les doses utilisées dans ces expériences sont bien supérieures à celles que l’on ingère par l’alimentation. L’EFSA estime que, pour atteindre les niveaux de risque observés chez les rongeurs, un adulte devrait consommer plusieurs litres de cola par jour, tous les jours, pendant des années.

Néanmoins, cette estimation ne prend pas en compte les expositions cumulées à travers d’autres produits contenant l’E150d. De plus, les enfants, dont le poids corporel est moindre, pourraient être plus vulnérables à des effets à long terme. Léa, mère de deux enfants, témoigne : Depuis que j’ai lu l’alerte de l’UFC-Que Choisir, j’ai banni les sodas de notre table. Même si le risque est faible, je préfère éviter d’exposer mes enfants à des substances potentiellement cancérigènes.

L’E150d peut-il provoquer des allergies ou de l’asthme ?

Oui, dans certains cas. La présence de sulfites dans la fabrication de l’E150d est particulièrement préoccupante pour les personnes sensibles. Les sulfites sont connus pour déclencher des crises d’asthme chez les sujets allergiques, surtout lorsqu’ils sont inhalés ou ingérés en grande quantité. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) recommande d’indiquer clairement la présence de sulfites sur les étiquettes, même en faible concentration.

Samir, 38 ans, asthmatique depuis l’enfance, raconte : J’ai eu une crise assez violente après avoir mangé une sauce barbecue industrielle. En lisant l’étiquette, j’ai vu qu’elle contenait de l’E150d. Depuis, je vérifie systématiquement les ingrédients. Ce n’est pas forcément le colorant lui-même, mais les sulfites associés qui peuvent poser problème.

L’additif affecte-t-il le système immunitaire ?

Des recherches encore préliminaires suggèrent que certains colorants de type caramel, dont l’E150d, pourraient influencer la réponse immunitaire. Des expériences in vitro ont montré une modification de l’activité de certaines cellules immunitaires après exposition à des concentrations élevées de ces composés. Toutefois, ces résultats n’ont pas encore été confirmés chez l’humain, et les doses utilisées dépassent largement celles rencontrées dans une alimentation normale.

Malgré tout, ces pistes inquiètent les spécialistes de la santé publique. On ne peut pas ignorer les signaux d’alerte, même s’ils viennent de modèles expérimentaux, souligne Élias Boukari. Le système immunitaire est complexe, et des perturbations subtiles peuvent avoir des effets à long terme, notamment chez les personnes déjà fragilisées.

Comment limiter son exposition à l’E150d ?

Pourquoi lire les étiquettes est essentiel

La première étape pour réduire sa consommation d’E150d est de prendre l’habitude de lire les listes d’ingrédients. L’additif peut être mentionné sous plusieurs formes : E150d , caramel colorant (IV) , caramel au sulfite d’ammonium . En privilégiant les produits sans additifs ou avec des alternatives naturelles, on diminue significativement son exposition.

Camille, 35 ans, éducatrice à Bordeaux, partage son expérience : J’ai commencé à décrypter les étiquettes après une formation sur l’alimentation durable. C’est fou ce qu’on trouve dans des sauces censées être naturelles. Maintenant, je choisis des marques transparentes, et mes enfants mangent mieux.

Quelles alternatives naturelles privilégier ?

De nombreux produits artisanaux ou bio évitent l’E150d. Par exemple, certaines sauces soja sont obtenues par fermentation naturelle et n’ont pas besoin d’être colorées artificiellement. Les vinaigres balsamiques authentiques, élaborés par concentration de moût de raisin, offrent une couleur profonde sans additif.

Il est aussi possible de remplacer certains produits industriels par des versions maison. Une crème balsamique, par exemple, peut être réalisée en réduisant du vinaigre balsamique pur avec un peu de miel ou de sucre. Résultat : une sauce onctueuse, savoureuse, et sans trace d’E150d.

La cuisine maison, une solution durable

Préparer ses repas soi-même permet non seulement de contrôler les ingrédients, mais aussi de redécouvrir les saveurs authentiques. Depuis que je cuisine mes sauces barbecue, mes amis me demandent la recette, rigole Julien, 40 ans, amateur de grillades à Marseille. Je les fais avec du ketchup bio, du sirop d’érable, de la moutarde et un peu de paprika. Elles sont meilleures, et je sais exactement ce qu’il y a dedans.

Quelle est la position des autorités sanitaires ?

L’EFSA maintient que l’E150d est sûr à des niveaux d’utilisation réglementés. Elle a fixé une dose journalière admissible (DJA) de 100 mg par kilogramme de poids corporel. À ce jour, aucun lien causal n’a été établi entre la consommation normale d’E150d et des effets néfastes chez l’humain.

Cependant, l’UFC-Que Choisir et d’autres organisations de consommateurs insistent sur le principe de précaution. Elles estiment que, face à des incertitudes scientifiques persistantes, il serait judicieux de limiter l’exposition, surtout chez les enfants et les personnes vulnérables.

A retenir

Qu’est-ce que l’E150d exactement ?

L’E150d est un colorant alimentaire de type caramel, produit à partir de sucres traités avec des composés d’ammonium et de sulfite. Il est utilisé pour donner une couleur brun foncé à des produits comme les boissons gazeuses, les sauces ou les plats préparés.

Est-il dangereux pour la santé ?

Le principal risque provient du 4-MEI, un sous-produit de sa fabrication, identifié comme cancérogène potentiel à forte dose chez l’animal. Des réactions allergiques peuvent aussi survenir chez les personnes sensibles aux sulfites. Toutefois, les autorités européennes jugent les niveaux présents dans l’alimentation comme peu préoccupants.

Doit-on l’éviter complètement ?

Il n’est pas nécessaire de l’éviter de façon absolue, mais il est recommandé de limiter sa consommation, surtout si l’on consomme régulièrement des sodas, sauces industrielles ou plats transformés. Privilégier des aliments moins transformés et lire les étiquettes sont des gestes simples pour réduire son exposition.

Existe-t-il des alternatives naturelles ?

Oui, de nombreuses alternatives existent : sauces artisanales sans additifs, vinaigres balsamiques purs, ou recettes maison. Ces choix permettent de conserver la saveur et l’esthétique des plats tout en évitant les additifs controversés.

Conclusion

L’E150d n’est pas interdit, et sa consommation occasionnelle ne devrait pas inquiéter la majorité des personnes. Pourtant, son omniprésence dans l’alimentation industrielle, couplée à des incertitudes scientifiques sur ses effets à long terme, justifie une vigilance accrue. Adopter une alimentation plus consciente, basée sur des produits bruts ou peu transformés, reste la meilleure stratégie pour préserver sa santé. Comme le dit Clara, la diététicienne lyonnaise : On ne mange pas pour la couleur. On mange pour se nourrir. Et parfois, le plus simple est le plus sûr.