Colruyt quitte la France en 2025 : 3 magasins sans repreneurs

En ce matin d’octobre, Élodie Lambert, employée de 34 ans dans un supermarché Colruyt de Metz, arrive devant les portes closes de son lieu de travail. Une pancarte indique : « En rénovation jusqu’en janvier 2026 ». Pour elle, comme pour des centaines de salariés, cette annonce marque la fin d’une époque. La retraite de Colruyt du marché français, officialisée après des mois de rumeurs, bouleverse non seulement des trajectoires professionnelles mais aussi l’équilibre économique de régions entières. Derrière les chiffres froids de fermetures et de reprises se cachent des visages, des inquiétudes, et des opportunités inattendues.

Pourquoi Colruyt quitte-t-il le marché français après deux décennies d’implantation ?

La décision de Colruyt, géant belge de la distribution, de se retirer de France s’inscrit dans un contexte complexe. Créée en 2004, sa filiale française comptait 108 magasins, principalement dans l’Est du pays. Pourtant, malgré des efforts de modernisation, l’enseigne peine à s’adapter à la concurrence locale. « Nous avons sous-estimé la spécificité du marché français », confesse Luc Vandevelde, ancien responsable commercial de Colruyt France, dans un entretien exclusif. La pression des hard-discounters, la montée en puissance des enseignes locales et les contraintes logistiques liées à la distance avec les centres de distribution belges auraient précipité le déclin.

Thomas Renaud, économiste spécialisé dans le retail, analyse : « Colruyt a bénéficié d’un premier souffle en rachetant des sites Casino en difficulté. Mais sans stratégie d’intégration locale suffisamment forte, la croissance est restée fragile. La crise sanitaire et l’inflation ont accéléré un processus déjà amorcé. »

Comment les employés vivent-ils cette transition ?

Quels sont les impacts immédiats sur les salariés ?

Sur les 81 magasins concernés par la reprise ou la fermeture, environ 2 500 emplois sont en jeu. Si Intermarché a annoncé offrir des CDI à 175 salariés de la plateforme logistique de Gondreville-Fontenoy, le sort des autres reste incertain. « Je travaille ici depuis 12 ans. Personne ne nous a encore parlé de notre avenir », déplore Sophie Marchand, responsable de rayon à Moyeuvre-Grande. Son magasin figure parmi les trois en Moselle sans repreneur identifié.

Les syndicats dénoncent un manque de communication. « Les salariés apprennent les nouvelles par la presse, pas par leur direction », accuse Pierre Lefebvre, délégué CFTC. Une situation qui nourrit l’anxiété, d’autant que les conditions de reclassement varient selon les régions.

Qui sont les nouveaux acteurs en position de force ?

Comment Intermarché et Leclerc comptent-ils capitaliser sur ce changement ?

Intermarché, via le groupement Les Mousquetaires, devient le principal bénéficiaire de ce bouleversement. Les 81 magasins repris s’ajouteront à son réseau national, avec une stratégie hybride : 60 points de vente deviendront des Intermarché et 21 des Netto. « Cela renforce notre présence dans l’Est, un territoire où nous étions moins implantés », explique Camille Dubois, porte-parole du groupement. La priorité sera la rénovation des bâtiments, avec un investissement estimé à 15 millions d’euros.

Leclerc, quant à lui, cible des zones spécifiques. Ses trois reprises dans le Grand Est visent à contrer la montée de Carrefour et à renforcer son maillage territorial. « Ces magasins complètent notre offre dans des communes où nous n’avions pas de présence », précise Hervé Colin, directeur régional. Une opportunité stratégique, mais aussi un défi logistique pour intégrer rapidement ces nouveaux sites.

Quel avenir pour les magasins sans repreneurs ?

Les trois sites de Faulquemont, Carling et Moyeuvre-Grande : une impasse économique ?

Ces trois magasins, situés dans des zones périurbaines à faible densité commerciale, illustrent les limites de la reprise. « Les coûts de rénovation sont élevés, et la clientèle est divisée entre des grandes surfaces concurrentes », analyse Luc Vandevelde. La municipalité de Moyeuvre-Grande tente de mobiliser des investisseurs locaux. « Nous proposons des aides fiscales et un accompagnement technique », affirme le maire, Jean-Marc Fournier.

Pour les 80 employés concernés, l’incertitude se prolonge. « J’ai refusé des offres dans d’autres secteurs, espérant une solution ici », confesse Élodie Lambert. Son témoignage résonne comme un appel à l’action, alors que des collectifs citoyens se forment pour éviter la fermeture définitive.

La transition vers 2026 : un calendrier serré

Comment les magasins seront-ils transformés sous les nouvelles enseignes ?

Les travaux débuteront en février 2025, après la fin des fêtes de fin d’année, période clé pour les ventes. Les priorités : moderniser les infrastructures, adapter l’offre produits et recruter des équipes. « Nous prévoyons d’intégrer davantage de bio et de produits locaux », annonce Camille Dubois. Un virage écologique qui pourrait séduire une clientèle exigeante.

Thomas Renaud souligne cependant les risques : « La réussite dépendra de la capacité à conserver les clients actuels tout en attirant de nouveaux segments. Le changement d’enseigne peut créer une rupture de confiance. » Des campagnes de communication locales sont prévues pour rassurer les habitués.

Conclusion : Un paysage de la grande distribution en mutation

Le retrait de Colruyt marque une étape symbolique dans la recomposition du secteur. Alors que les grandes surfaces traditionnelles luttent contre la concurrence des drive et des pure players, la capacité à s’adapter localement devient un impératif. Pour les employés, les prochains mois seront décisifs. Pour les consommateurs, le défi sera de voir dans ces changements une opportunité de diversification plutôt qu’une perte de repères.

A retenir

Quels sont les chiffres clés de cette restructuration ?

Sur 108 magasins Colruyt en France, 81 seront repris (71 par Intermarché/Netto, 3 par Leclerc) et 3 restent sans solution. La transition affecte environ 2 500 emplois, avec des promesses de reclassement pour 175 salariés logistiques.

Quelles régions sont les plus impactées ?

La Lorraine et le Grand Est concentrent 26 des 81 magasins concernés. Les départements de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle et de la Meuse sont particulièrement touchés, avec des communautés locales dépendant parfois d’un seul point de vente.

Quelles assurances ont été données aux employés ?

Intermarché a garanti des CDI aux 175 salariés de la plateforme logistique de Gondreville-Fontenoy. Pour les autres, les conditions varient selon les négociations locales. Les syndicats demandent des garanties sur les salaires et les statuts.

Quels délais sont prévus pour la réouverture des magasins ?

Les transformations architecturales et commerciales débuteront en février 2025, avec une réouverture prévue pour janvier 2026. Cette pause pendant la période des fêtes vise à minimiser la perte de chiffre d’affaires pour les nouvelles enseignes.