En ce printemps 2025, alors que les bourgeons explosent et que les jardiniers sortent leurs bêches, un geste anodin, répété chaque jour dans des milliers de jardins, menace de transformer un geste vert en véritable nid à problèmes. Ce geste ? Jeter les épluchures de carottes ou les restes de repas dans le compost sans y penser à deux fois. Pourtant, ce simple acte, s’il n’est pas encadré, peut attirer silencieusement des hôtes indésirables : les rats. Ces rongeurs, discrets mais tenaces, trouvent dans un compost mal géré un paradis de chaleur, d’humidité et de nourriture. Et ce n’est pas une simple impression : les données scientifiques et les témoignages de jardiniers expérimentés convergent vers la même conclusion. Mais rassurez-vous : il est possible de composter sans ouvrir les portes à une invasion. Il suffit de comprendre les erreurs communes, d’adopter les bonnes pratiques, et d’anticiper les signaux d’alerte.
Qu’est-ce qui rend le compost si attractif pour les rats ?
À première vue, un compost est un tas de déchets organiques en décomposition. Mais pour un rat, c’est bien plus qu’un simple amas de végétaux. C’est un refuge thermique, une source de nourriture constante, et un abri protégé des prédateurs. Lorsque des restes de cuisine — épluchures, marc de café, coquilles d’œufs — sont déposés en surface sans être recouverts, ils dégagent des odeurs volatiles que les rats perçoivent à plusieurs mètres. Ces effluves, amplifiés par la chaleur estivale, agissent comme un signal olfactif irrésistible. Selon le Cornell Waste Management Institute, les déchets riches en azote, surtout s’ils ne sont pas intégrés correctement dans le tas, sont parmi les principales causes d’infestation de rongeurs dans les composts domestiques. Le problème s’aggrave encore lorsque le compost est posé à même la terre, ce qui permet aux rats de creuser des galeries directement sous le bac, créant un terrier sécurisé et invisible.
Un témoignage : quand le compost devient une scène de crime
Clémentine Dubreuil, maraîchère bio à Saint-Rémy-de-Provence, a vécu cette situation de près. « J’étais fière de mon compost, raconte-t-elle. Je pensais faire bien en recyclant tous mes déchets. Mais un matin, j’ai vu des petites crottes noires près du bac. Puis des traces de griffes sur les parois. En creusant, j’ai découvert un tunnel qui partait sous le composteur. » Son erreur ? Elle jetait quotidiennement les restes de pain et de fromage à la surface, sans les enfouir ni les couvrir de matières brunes. « Je pensais que ça se décomposerait vite. Mais en réalité, j’avais créé un buffet 24h/24 pour rongeurs. »
Quelles sont les erreurs les plus fréquentes dans la gestion du compost ?
Beaucoup de jardiniers, même les plus attentifs, commettent des erreurs qui, cumulées, transforment un compost vertueux en zone d’attraction pour nuisibles. Ces erreurs sont souvent banalisées, car elles semblent anodines. Pourtant, elles ont un impact direct sur l’équilibre du tas et sa sécurité sanitaire.
1. Ne pas enfouir les déchets de cuisine
Laisser les épluchures, les restes de fruits ou les coquilles d’œufs en surface est une invitation ouverte. Les rats sont attirés par les odeurs, et un déchet exposé est un signal clair : « nourriture ici ». Il est crucial d’enfouir ces matières au cœur du compost, à une profondeur d’au moins 20 centimètres, pour couper le lien olfactif.
2. Oublier les matières brunes
Le compost équilibré repose sur un ratio de 2/1 entre matières brunes (feuilles mortes, carton, paille) et matières vertes (épluchures, tontes de gazon). Sans matières brunes, le tas devient trop humide, trop dense, et favorise la fermentation anaérobie — un processus lent qui produit des odeurs putrides. Ces odeurs attirent non seulement les rats, mais aussi les mouches et les limaces.
3. Laisser le compost à découvert ou mal fermé
Un composteur sans couvercle hermétique ou avec des interstices est une porte d’entrée pour les rongeurs. Ces animaux peuvent se faufiler dans des ouvertures de seulement 10 mm. Un bac en bois mal assemblé ou un couvercle qui ne ferme pas correctement devient alors un accès facile.
4. Poser le bac directement sur la terre
Cette pratique, courante dans les jardins, permet aux rats de creuser sous le composteur sans obstacle. Le sol nu devient une zone de transit idéale pour des galeries souterraines. En revanche, un bac posé sur une dalle, un grillage métallique ou une plaque de béton bloque efficacement cette intrusion.
5. Composter des aliments interdits
Viande, poisson, produits laitiers, pain, huiles — tous ces déchets sont à proscrire du compost domestique. Ils attirent fortement les rongeurs et ralentissent la décomposition. Le pain, en particulier, est un aimant pour les rats, surtout s’il fermente. Une étude de Compost Magazine en 2023 a révélé que 82 % des jardiniers ayant subi une infestation avaient ajouté ces types de déchets, souvent sans s’en rendre compte.
Comment transformer son compost en zone sécurisée ?
Il ne s’agit pas d’arrêter de composter, mais de le faire intelligemment. Les experts du site Les-composteurs.fr et du réseau Siredom recommandent une série de bonnes pratiques simples, mais essentielles, pour éviter les intrusions tout en optimisant la qualité du compost.
1. Enfouir systématiquement les déchets verts
Tout déchet alimentaire doit être enfoui au centre du tas, jamais déposé en surface. Cette règle simple réduit drastiquement les odeurs et rend l’accès plus difficile pour les rongeurs.
2. Maintenir un bon équilibre entre bruns et verts
Pour chaque seau d’épluchures, ajoutez deux volumes de matières brunes. Cela absorbe l’humidité, régule la température et empêche les fermentations malodorantes. Le carton déchiré, les feuilles mortes ou la paille sont des alliés précieux.
3. Choisir un composteur fermé et robuste
Privilégiez un bac en bois dense ou en plastique épais, équipé d’un couvercle verrouillable. Les modèles sur pieds ou avec une base grillagée offrent une protection supplémentaire contre les galeries.
4. Retourner régulièrement le compost
Le retournement, toutes les deux à trois semaines, active la décomposition aérobie, augmente la température du tas (ce qui décourage les rongeurs), et dérange les éventuels occupants. C’est aussi un excellent moyen de vérifier l’état du compost.
5. Installer des répulsifs naturels
Autour du bac, plantez des herbes aromatiques que les rats détestent : romarin, lavande, menthe poivrée, eucalyptus ou encore tagète. Ces plantes libèrent des senteurs fortes qui masquent les odeurs de nourriture et créent une barrière olfactive. On peut aussi disposer des feuilles de laurier ou des écorces d’agrumes à la surface du compost.
Un exemple concret : la solution de Julien Morel
Julien Morel, jardinier urbain à Lyon, a mis au point un système efficace après avoir subi deux invasions. « J’ai changé complètement ma méthode, explique-t-il. J’ai installé mon composteur sur une grille métallique de 1 cm de maille, posée sur une dalle. J’ajoute systématiquement du carton broyé sur chaque couche d’épluchures. Et j’ai planté un cercle de lavande et de romarin autour. Depuis, plus aucun rat. Mon compost est plus sain, plus rapide, et mes voisins ne se plaignent plus. »
Quels sont les signes précoces d’une présence de rats ?
Les rats sont discrets, mais ils laissent des traces. Savoir les reconnaître permet d’agir avant que l’infestation ne s’aggrave.
1. Petites crottes noires et pointues
Présentes près du compost ou dans les galeries, elles mesurent environ 1 cm et sont souvent groupées. Leur aspect brillant indique une présence récente.
2. Traces de griffes ou de dents
Des marques sur les parois du bac, des morceaux de bois rongés, ou des déchirures dans les sacs de déchets sont des indices clairs.
3. Galeries sous le composteur
Un trou de 5 à 8 cm de diamètre, souvent orienté vers un mur ou une haie, peut être l’entrée d’un terrier. Le sol autour est parfois tassé ou dégagé.
4. Odeurs inhabituelles
Un compost qui sent le moisi, le putréfié ou l’ammoniaque est déséquilibré. Ces odeurs attirent les rongeurs et doivent être corrigées rapidement.
Que faire en cas d’infestation avérée ?
Si vous constatez des signes de rats, il est temps d’agir. Ne paniquez pas, mais intervenez rapidement.
- Arrêtez immédiatement d’ajouter des déchets alimentaires.
- Retournez entièrement le compost pour détruire les galeries et exposer les nids.
- Nettoyez et désinfectez le bac avec une solution naturelle (vinaigre blanc ou bicarbonate).
- Recommencez le compostage en respectant strictement les bonnes pratiques.
- En cas de forte infestation, contactez un professionnel de la gestion des nuisibles.
Conclusion : composter sans compromis
Le compost est un pilier de l’agriculture durable, mais il exige de la rigueur. Un geste anodin, comme jeter une épluchure à la surface, peut avoir des conséquences inattendues. En comprenant les comportements des rats, en corrigeant les erreurs courantes et en adoptant des solutions naturelles et efficaces, chaque jardinier peut continuer à recycler sans risque. Le compost n’est pas un problème en soi — c’est sa gestion qui fait la différence. Avec un peu d’attention, il reste un trésor pour le sol, et non un refuge pour les rongeurs.
A retenir
Quel est le déchet le plus attractif pour les rats dans un compost ?
Le pain et les produits laitiers sont parmi les plus attractifs, suivis de près par les restes de viande ou de poisson. Même les épluchures de fruits, s’ils fermentent, peuvent devenir des appâts. Le meilleur moyen de limiter le risque est de ne jamais ajouter ces déchets ou de les enfouir profondément si on y tient.
Peut-on composter sans risque en milieu urbain ?
Oui, à condition d’adopter un composteur fermé, de maintenir un bon équilibre matière brune/verte, et de surveiller les signes d’intrusion. Les composteurs en ville doivent être particulièrement bien sécurisés, car les rats y sont plus nombreux et plus audacieux.
Quelle plante répulsive est la plus efficace autour du compost ?
La lavande et le romarin sont parmi les plus efficaces. Leurs huiles essentielles dégagent une odeur forte que les rats fuient. Plantées en cercle autour du bac, elles agissent comme une barrière naturelle, tout en embellissant l’espace.