Chaque automne, alors que l’air se rafraîchit et que les feuilles prennent des teintes dorées, les jardins s’animent d’un ballet silencieux. Entre les allées bien dessinées et les massifs encore généreux, les jardiniers s’activent. Sécateur en main, bottes aux pieds, ils taillent haies, arbustes, fruitiers. Un rituel ancestral, presque solennel. Mais derrière cette corvée récurrente, une opportunité insoupçonnée se profile : celle de transformer ce que l’on s’apprête à jeter en une création utile, durable, et esthétiquement marquante. Car les branches, souvent considérées comme des déchets, peuvent devenir bien plus qu’un encombrement. Elles peuvent devenir l’âme d’un nouveau jardin.
Qu’est-ce qui fait de la taille d’automne une corvée écologique ?
À la fin du mois de septembre, les jardins se transforment en chantiers verts. Les tas de branches s’amoncellent, parfois jusqu’à déborder des bacs de compost. Ce raz-de-marée végétal, répété chaque année, pose une question simple mais cruciale : pourquoi tout emporter à la déchetterie ? En France, des milliers de tonnes de déchets verts sont collectées annuellement, générant des coûts logistiques, des émissions de gaz à effet de serre, et une valorisation souvent partielle. Le compostage, bien qu’efficace pour les feuilles et les résidus tendres, ne suffit pas à traiter les branches ligneuses. Ces dernières finissent souvent broyées ou incinérées, alors qu’elles pourraient être réinvesties sur place.
Élodie Vasseur, maraîchère bio dans le Perche, raconte : « Pendant des années, j’ai fait comme tout le monde. Je taillais, je chargeais la remorque, et direction la déchetterie. Un samedi sur deux, c’était le même rituel. Puis un jour, j’ai vu un voisin construire une clôture avec ses branches. J’ai trouvé ça fou… et magnifique. » Ce moment a changé sa vision du jardinage. Elle a compris que chaque branche coupée n’était pas une perte, mais une ressource. Et cette prise de conscience, elle l’a partagée avec une trentaine d’habitants du village lors d’un atelier jardinage.
Les branches : un matériau oublié, mais d’une richesse insoupçonnée
Avant l’essor des matériaux industriels, les jardiniers utilisaient ce que la nature offrait. Les branches, en particulier, étaient des alliées précieuses. Droites, flexibles, résistantes, elles pouvaient être façonnées pour servir de piquets, de tuteurs, de paillis, ou même de clôtures. Aujourd’hui, cette sagesse ancienne redevient pertinente, non par nostalgie, mais par nécessité écologique et économique.
Les essences comme le noisetier, le saule, l’osier ou le châtaignier sont particulièrement adaptées au tressage. Leurs rameaux, souples lorsqu’ils sont frais, gardent une tenue remarquable une fois installés. « J’ai testé avec des branches de prunier, raconte Baptiste Lenoir, jardinier amateur à Lyon. Résultat : trop cassantes. Mais avec du noisetier, c’est comme du fil de fer naturel. Elles se plient, se croisent, et tiennent plusieurs années. »
Ce matériau vivant, biodégradable et gratuit, permet de sortir du cycle linéaire « acheter-jeter-remplacer ». Il incarne une autre logique : celle du circuit court, du recyclage intelligent, de la création à partir du réel.
Qu’est-ce qu’un plessis, et pourquoi ce retour en grâce ?
Le plessis, autrefois omniprésent dans les campagnes françaises, est une clôture tressée à base de branches fraîchement coupées. Elle servait à délimiter les parcelles, protéger les potagers, ou guider les troupeaux. Oubliée avec l’industrialisation du paysage, elle connaît aujourd’hui un renouveau, porté par des jardiniers écolos, des permaculteurs, et des amateurs de design naturel.
Contrairement à une clôture métallique ou plastifiée, le plessis évolue avec le temps. Il s’assouplit, se patine, s’intègre au paysage. Il n’a pas l’air posé : il pousse. « C’est ce que j’aime, explique Camille Aubert, architecte paysagiste dans l’Ardèche. Le plessis ne domine pas le jardin, il dialogue avec lui. Il est vivant, même s’il est coupé. »
Plus qu’un simple élément de délimitation, le plessis devient un espace de vie. Il protège du vent, abrite les insectes utiles, et offre un refuge aux petits animaux. Un hérisson y trouve un gîte, un oiseau y niche, une coccinelle y passe l’hiver. Ce n’est pas une barrière, c’est un écosystème.
Comment construire un plessis sans être artisan ?
Les étapes clés pour réussir sa première clôture tressée
Construire un plessis ne demande ni compétence technique ni outil sophistiqué. Tout commence par le choix des branches : fraîches, d’un diamètre de 1 à 3 cm, et d’une longueur comprise entre 1,50 m et 2 m. Les essences souples sont à privilégier. Une fois le matériel réuni, il faut planter des piquets solides — en bois dur ou en métal — espacés de 50 à 80 cm, enfoncés à 30-40 cm de profondeur.
Le tressage suit ensuite un principe simple : on entrelace les branches horizontalement, en alternant les passages devant et derrière les piquets. « C’est comme faire une natte, mais à l’horizontale », sourit Élodie Vasseur. Chaque passage doit être serré pour éviter que la structure ne s’affaisse avec le temps. L’humidité joue un rôle clé : arroser légèrement les branches avant de les tresser les rend plus maniables.
Des astuces pour une clôture solide et durable
La solidité d’un plessis dépend de quelques règles simples. Tout d’abord, la densité du tressage : plus il est serré, plus la clôture résiste aux intempéries et aux animaux. Pour les zones exposées au vent, un double tressage ou des piquets intermédiaires renforcent la structure.
En cas de branches courtes, il est possible de les superposer, en veillant à ce que les jonctions ne soient pas alignées. « J’ai fait ça avec des rameaux de saule, raconte Baptiste. Au début, je pensais que ça allait lâcher. Mais au bout de six mois, c’était solide comme du béton. »
Enfin, pour les clôtures hautes, on peut intégrer des traverses verticales supplémentaires, ou utiliser des branches plus épaisses en appui. Le plessis n’est pas figé : il s’adapte à la main, au terrain, aux ressources disponibles.
Quels sont les bénéfices d’une clôture naturelle ?
Le premier avantage, c’est économique. Acheter du grillage, des piquets, des tendeurs, cela peut coûter plusieurs centaines d’euros pour une dizaine de mètres. Avec le plessis, on réutilise ce que l’on a sous les yeux. « J’ai fait 15 mètres de clôture pour zéro euro, sauf le temps passé, confie Camille Aubert. Et le résultat est plus beau que tout ce que j’aurais pu acheter. »
Le deuxième bénéfice est écologique. En évitant le transport, la production industrielle et l’usure des matériaux synthétiques, on réduit son empreinte carbone. De plus, le plessis s’intègre parfaitement dans une démarche de permaculture ou d’agroécologie.
Enfin, il y a un bénéfice humain, souvent sous-estimé : la fierté. « Quand mes voisins voient ma clôture, ils s’arrêtent, ils posent des questions, raconte Élodie. Je leur montre comment faire, on échange des branches, des conseils. C’est devenu un lien social. »
Quelles sont les limites du plessis, et comment les surmonter ?
Le plessis n’est pas une solution universelle. Il demande du temps, une certaine régularité dans la taille, et un minimum de matière disponible. Certaines essences, trop cassantes ou trop rigides, ne se prêtent pas bien au tressage. Les branches trop fines peuvent céder sous le vent ou sous le poids de la neige.
La solution ? Adapter sa stratégie. On peut mélanger les essences, alterner les rameaux souples et rigides, ou renforcer avec des éléments durables (ficelle de chanvre, tiges métalliques). On peut aussi construire progressivement : tresser une section, attendre la prochaine taille, compléter. « J’ai mis trois automnes pour finir mon plessis, avoue Baptiste. Mais chaque année, c’était un plaisir. Un peu comme un jardinier qui plante un arbre en sachant qu’il ne le verra pas à maturité. »
Comment repenser la taille pour en faire un geste créatif ?
Le plessis est bien plus qu’une technique : c’est un changement de regard. Il invite à voir la taille non comme une corvée, mais comme une récolte. Chaque branche devient une pièce d’un puzzle vivant. Et cette transformation mentale ouvre la porte à d’autres usages : les restes de tressage deviennent paillis, les petits rameaux servent de tuteurs, les fagots alimentent le feu de jardin.
« J’ai commencé avec une clôture, raconte Camille. Aujourd’hui, mes tuteurs de tomates sont en branches de noisetier, mes supports de haricots grimpants en rameaux tressés. Je ne jette plus rien. » Ce cycle vertueux, où chaque élément trouve une fonction, redonne du sens au jardinage. Il reconnecte à une logique paysanne, simple, efficace, respectueuse.
Conclusion : et si la vraie richesse du jardin était dans ses déchets ?
Chaque automne, les branches coupées offrent une chance : celle de transformer un geste ordinaire en acte de création. Le plessis n’est pas une mode, ni une régression. C’est une réponse intelligente à des enjeux concrets : réduction des déchets, protection de la biodiversité, économie de moyens, beauté du paysage. Il incarne une autre manière de jardiner — moins consommatrice, plus inventive, plus humaine.
La prochaine fois que les tas de branchages s’amoncelleront au fond du jardin, peut-être faudra-t-il simplement s’arrêter, regarder, et se demander : « Et si, au lieu de tout emporter, je construisais quelque chose ? » Car parfois, les plus belles clôtures ne sont pas celles qu’on achète. Elles sont celles qu’on tresse, avec les mains, le cœur, et un peu de sagesse retrouvée.
A retenir
Qu’est-ce qu’un plessis ?
Un plessis est une clôture naturelle réalisée en tressant des branches fraîchement coupées, généralement entre des piquets en bois. Ancienne technique paysanne, elle revient en force dans les jardins écologiques pour sa durabilité, son esthétique et son faible impact environnemental.
Quelles branches utiliser pour un plessis ?
Les essences les plus adaptées sont le noisetier, le saule, l’osier, le châtaignier ou le prunellier. Elles doivent être souples, d’un diamètre compris entre 1 et 3 cm, et d’une longueur d’environ 1,50 à 2 mètres. Les branches fraîchement coupées se travaillent mieux.
Le plessis est-il durable ?
Oui, un plessis bien construit peut durer de 3 à 5 ans, voire plus selon les essences et les conditions climatiques. Il se patine avec le temps, s’intègre au paysage, et peut être réparé ou agrandi facilement.
Le plessis attire-t-il les nuisibles ?
Au contraire, il favorise la biodiversité utile : hérissons, insectes pollinisateurs, carabes. Il peut même dissuader certains rongeurs en créant une barrière dense et difficile à traverser.
Peut-on faire un plessis sans expérience ?
Oui, la technique est simple et accessible à tous. Il suffit de quelques branches, de piquets, et de patience. De nombreux jardiniers amateurs ont réussi leur premier plessis en suivant des tutoriels ou en s’inspirant de modèles existants.