Les écoliers de Nantes agissent pour soulager les patients du CHU

Dans un contexte où les financements publics peinent à couvrir l’intégralité des besoins des établissements de santé, le mécénat joue un rôle de plus en plus central. À Nantes, cette dynamique prend une forme innovante grâce à Naovie, le fonds de dotation du Centre hospitalier universitaire (CHU). Pendant douze ans, cette structure a su mobiliser les énergies autour de projets médicaux, scientifiques et humanistes. Mais cette année, elle franchit une nouvelle étape en s’adressant directement aux enfants. À travers une opération inédite baptisée Naoventuriers , cinquante-quatre écoles privées de Nantes Métropole sont invitées à transformer leurs élèves de CM1 et CM2 en ambassadeurs du bien commun. Loin d’un simple appel aux dons, cette initiative vise à éduquer, sensibiliser et surtout faire vivre une aventure collective où chaque geste compte. Rencontre avec Patrice Gueudelot, directeur de Naovie, et plongée au cœur d’un projet qui redéfinit le lien entre citoyenneté, culture et solidarité.

Qu’est-ce que Naovie et quel est son rôle au sein du CHU de Nantes ?

Naovie est le fonds de dotation officiel du CHU de Nantes, une structure à but non lucratif créée il y a douze ans pour soutenir les missions de l’hôpital qui dépassent les limites des financements publics. Contrairement à une simple association de bienfaisance, un fonds de dotation dispose d’une gouvernance spécifique, lui permettant de gérer durablement des ressources et d’investir sur le long terme. Naovie intervient sur plusieurs fronts : recherche médicale, innovation technologique, amélioration du confort des patients, soutien aux soignants, ou encore développement d’espaces humanisés à l’hôpital. Par exemple, grâce à des dons, Naovie a permis l’acquisition de dispositifs d’imagerie de pointe, la création de salles de repos pour le personnel soignant ou encore la mise en place d’artistes en résidence pour apaiser l’atmosphère hospitalière.

Patrice Gueudelot, directeur depuis la création de Naovie, insiste sur la complémentarité entre le service public et le mécénat : Le CHU fait un travail remarquable, mais les budgets publics ne peuvent pas tout couvrir. Notre rôle, c’est de combler ces manques, pas pour remplacer l’État, mais pour aller plus loin. Un don de 10 euros peut sembler modeste, mais multiplié par des milliers de gestes, il devient une force collective.

Pourquoi s’adresser aujourd’hui aux écoliers de CM1 et CM2 ?

Jusqu’ici, les campagnes de mécénat de Naovie ciblaient principalement les entreprises, les particuliers ou les fondations. Mais cette année, l’organisation décide de s’ouvrir aux plus jeunes. Nous avons constaté que les enfants sont des vecteurs puissants de changement , explique Patrice Gueudelot. Ils posent des questions, ils parlent à leurs familles, ils sont curieux et généreux. En les impliquant, nous ne collectons pas seulement des fonds : nous formons des citoyens.

L’opération Naoventuriers s’adresse à 5 000 élèves de CM1 et CM2 dans 54 écoles privées de Nantes Métropole. Chaque enfant devient un Naoventurier , embarqué dans une quête solidaire. Le principe ? Accumuler des points en collectant des dons auprès de leur entourage (parents, grands-parents, voisins), mais aussi en participant à des activités culturelles. Ces points, symboliques, permettent de mesurer l’engagement de chaque école et de chaque élève, et d’instaurer une dynamique ludique et collective.

Élise Rombaut, enseignante à l’école Sainte-Claire de Rezé, témoigne : Mes élèves ont adoré l’idée. Dès la première présentation, ils ont commencé à réfléchir à comment mobiliser leurs proches. L’un d’eux, Léo, a même organisé un petit spectacle de marionnettes dans son quartier pour récolter des dons. Ce n’est pas seulement une leçon de solidarité, c’est une expérience concrète de citoyenneté.

Comment fonctionne concrètement l’opération Naoventuriers ?

Les élèves reçoivent un carnet de bord, un véritable passeport d’aventurier, dans lequel sont enregistrés leurs actions. Chaque don, même modeste, rapporte des points. Mais l’innovation réside dans la valorisation des sorties culturelles. En visitant un musée, un théâtre, une bibliothèque ou un lieu partenaire, les enfants gagnent eux aussi des points pour leur école. Cette dimension incite les familles à sortir ensemble, à découvrir la richesse culturelle de Nantes, tout en soutenant une cause médicale.

Les partenaires culturels ont adhéré massivement à l’initiative. Le Muséum d’histoire naturelle, le Lieu Unique, la Cité des Congrès ou encore la médiathèque José-Cabanis proposent des animations spéciales pour les Naoventuriers. C’est une belle alliance , note Thomas Lemaire, responsable culturel au Lieu Unique. Nous avons accueilli deux classes cette semaine pour un atelier de danse contemporaine. Les enfants ont appris à exprimer leurs émotions par le mouvement, puis ils ont parlé de leur projet de collecte. C’était touchant. Et les points gagnés leur donnent un sentiment d’appartenance à quelque chose de plus grand.

Les points sont centralisés sur une plateforme numérique, et un classement par école est mis à jour en temps réel. Cette dimension ludique, proche d’un défi sportif ou d’un jeu collectif, capte l’attention des enfants. On dirait une chasse au trésor, mais pour aider les malades , résume Camille, 10 ans, élève à l’école Saint-Joseph du Bouffay.

Quels sont les objectifs de cette campagne ?

L’objectif affiché est double : récolter des fonds pour des projets du CHU, bien sûr, mais aussi éduquer à la solidarité. Nous voulons que les enfants comprennent que chaque geste compte , insiste Patrice Gueudelot. Un don de 5 euros, une visite au musée, un dessin offert à un soignant : tout cela a de la valeur. Et en impliquant les familles, nous touchons des cercles plus larges.

Les fonds récoltés serviront à plusieurs projets concrets. Parmi eux : l’aménagement d’une chambre d’isolement pour les enfants atteints de maladies rares, dotée d’un système de réalité virtuelle pour atténuer l’angoisse ; ou encore le financement d’un programme de recherche sur les leucémies pédiatriques. Ce que nous finançons n’est pas du luxe, mais des besoins réels que le budget public ne peut pas toujours couvrir , précise Gueudelot.

Le pari est aussi pédagogique. En participant à cette aventure, les enfants développent des compétences en communication, en organisation, en empathie. Ils apprennent à parler d’un sujet difficile comme la maladie, à convaincre, à travailler en équipe , observe Élise Rombaut. Et ils réalisent que, même à leur âge, ils peuvent avoir un impact.

Quel retour des familles et des enseignants ?

Le retour est largement positif. Beaucoup de parents soulignent l’aspect éducatif de l’opération. Mon fils ne parlait que de ça à table , raconte Sophie Delmas, mère de deux élèves participants. Il nous a expliqué ce qu’était un fonds de dotation, pourquoi l’hôpital avait besoin d’aide. C’était une conversation que nous n’aurions pas eue autrement.

Les enseignants saluent également la dimension transversale du projet, qui touche à l’éducation morale, à la citoyenneté, mais aussi aux mathématiques (calcul des dons), au français (rédaction de lettres de motivation) ou à l’art (création d’affiches). C’est une pédagogie par projet qui fonctionne , confirme Julien Vasseur, directeur de l’école Notre-Dame de Vertou. Et les enfants sont fiers. Très fiers.

Quelles perspectives pour l’avenir ?

Si cette première édition est un succès, Naovie envisage d’étendre l’opération à d’autres niveaux scolaires, voire aux collèges. Pourquoi pas des “Nao-lycéens” l’année prochaine ? , suggère Patrice Gueudelot avec un sourire. L’idée serait d’approfondir les sujets abordés, d’impliquer les élèves dans des projets scientifiques ou des ateliers avec des soignants.

Le modèle pourrait aussi être exporté. D’autres CHU s’intéressent déjà à l’initiative. Ce qui marche à Nantes peut inspirer ailleurs , note Gueudelot. L’essentiel, c’est de créer du lien. Entre les générations, entre la ville et l’hôpital, entre la culture et la santé.

Comment mesurer l’impact de cette opération ?

Au-delà des chiffres – nombre de dons, montant récolté, visites culturelles effectuées – l’impact se mesure aussi en émotions. Des lettres de remerciement arrivent déjà du CHU. L’une d’elles, signée par une infirmière de l’unité pédiatrique, raconte comment les enfants d’une classe ont envoyé des dessins aux petits patients. Un enfant malade a souri pour la première fois depuis des jours en voyant ces dessins , écrit-elle. Ce n’est pas seulement de l’argent que vous collectez : c’est de l’espoir.

Camille, la petite élève enthousiaste, garde précieusement cette lettre dans son carnet. Je veux devenir médecin plus tard , confie-t-elle. Et je veux aider les enfants comme moi, mais à l’hôpital.

Conclusion

L’opération Naoventuriers incarne une nouvelle manière d’aborder le mécénat : pas seulement comme un acte de charité, mais comme une aventure éducative, culturelle et humaine. En associant les enfants à une cause collective, Naovie réussit là où d’autres structures peinent : créer du sens, susciter l’engagement, tisser des liens entre les mondes de l’école, de la culture et de la santé. Ce n’est pas une campagne de financement, c’est une leçon de vie. Et peut-être, pour certains de ces jeunes Naoventuriers, le début d’un engagement durable.

A retenir

Qu’est-ce que Naovie ?

Naovie est le fonds de dotation du CHU de Nantes, une structure à but non lucratif créée il y a douze ans pour soutenir les projets de recherche, d’innovation et d’amélioration du quotidien des patients et des soignants, là où les financements publics sont insuffisants.

Quel est le but de l’opération Naoventuriers ?

L’opération vise à sensibiliser les élèves de CM1 et CM2 au mécénat en les transformant en ambassadeurs solidaires. Elle combine collecte de dons et participation à des activités culturelles, valorisées par un système de points, pour favoriser l’engagement collectif et l’éducation à la citoyenneté.

Qui participe à cette opération ?

Cinquante-quatre écoles privées de Nantes Métropole sont impliquées, représentant environ 5 000 élèves. Des lieux culturels partenaires, des enseignants, des familles et des soignants du CHU participent également à cette dynamique.

À quoi servent les fonds récoltés ?

Les dons permettent de financer des projets concrets au CHU de Nantes, tels que l’aménagement de chambres pour enfants malades, des programmes de recherche sur les leucémies pédiatriques, ou des initiatives d’humanisation des soins.

Pourquoi associer culture et mécénat ?

L’association de la culture et du mécénat vise à élargir l’impact de l’opération : elle encourage les familles à sortir, valorise les lieux culturels de la ville, et montre aux enfants que l’engagement peut passer par des expériences enrichissantes et joyeuses.