Eddie Goujit : le saisonnier modèle au passé douteux interpellé en 2025 dans un camping ardéchois

Dans le calme des montagnes ardéchoises, là où les pins dominent les sentiers et où les enfants rient sous le soleil d’été, un drame silencieux s’est joué entre sourires de façade et mensonges bien rodés. Eddie Goujit, jeune homme de dix-huit ans, a fait irruption dans un petit camping familial avec un CV impeccable, un regard franc et une voix douce. Il semblait être l’employé idéal : dynamique, cultivé, issu d’un milieu aisé. Mais très vite, derrière la façade, des fissures sont apparues. Ce qui devait être une saison comme les autres s’est transformé en une descente aux enfers, où la confiance, lentement, a cédé la place au doute, puis à la peur. Ce récit, nourri de témoignages, de faits vérifiés et de réflexions humaines, raconte comment une employeuse bienveillante s’est retrouvée prise au piège d’un manipulateur, et ce que cette affaire révèle sur les failles du recrutement saisonnier.

Comment un recrutement basé sur la confiance a-t-il pu mal tourner ?

Camille Fournel, directrice du camping du Lion à Bourg-Saint-Andéol, a toujours cru en une méthode de recrutement simple : regarder les gens dans les yeux, écouter leur parole, sentir leur énergie. “Je ne suis pas du genre à exiger des références ou à fouiller les profils sociaux”, confie-t-elle. “J’ai grandi dans un monde où l’on donnait sa chance à celui qui en avait envie. Et Eddie Goujit, lors de notre entretien visio, en avait l’air plein.”

Son CV, bien mis en page, mentionnait une formation en deuxième année à Sciences Po, une expérience d’animation dans un centre aveyronnais, et une famille influente : une mère procureure, un père actionnaire d’une PME du Sud-Est. Rien ne laissait présager l’ouragan à venir. “Il parlait bien, avec des mots justes, un ton posé. Il a même cité Rousseau en parlant de l’éducation des enfants. J’ai trouvé ça touchant”, se souvient Camille, encore émue.

Les premiers jours, tout semblait en ordre. Eddie s’occupait de l’équipe d’animateurs, coordonnait les sorties en montagne, organisait les jeux. Mais très vite, des anomalies ont émergé. “Il oubliait les consignes de sécurité, ne remplissait pas les rapports, arrivait en retard aux briefings”, raconte Léa, animatrice de vingt-deux ans. “Quand on lui faisait une remarque, il répondait par des phrases longues, parfois incompréhensibles, avec des termes juridiques. Il disait qu’on n’avait pas le droit de le ‘surveiller’ comme ça.”

Quand la manipulation remplace le travail : les signes d’une emprise croissante

Comment Eddie Goujit a-t-il gagné du terrain psychologique ?

Camille Fournel décrit un processus insidieux. “Il commençait par vous flatter. Il disait que j’étais ‘une figure maternelle inspirante’, qu’il m’appelait ‘maman adoptive’ parce que je l’avais ‘accueilli comme un fils’.” Ce langage, mi-ironique mi-sincère, désarçonnait. “C’était déstabilisant. D’un côté, ça semblait tendre, presque touchant. De l’autre, c’était inapproprié. Il créait une proximité artificielle pour désamorcer toute critique.”

Les témoignages des salariées convergent. Inès, employée de ménage, raconte avoir été traitée de “fainéante” devant d’autres collègues parce qu’elle avait demandé un jour de congé pour un rendez-vous médical. “Il m’a dit que je ‘faisais preuve d’un manque de loyauté envers l’équipe’, que ‘les vrais travailleurs ne lâchent pas en pleine saison’. J’ai été sidérée. Je n’avais jamais subi ça.”

Plus inquiétant encore : les soirées qu’il organisait en dehors du cadre officiel. Des “soirées jeux” payantes, où les enfants devaient donner quelques pièces pour participer. “Il disait que c’était pour ‘financer des projets solidaires’”, explique Camille. “Mais personne n’avait validé ça. Et l’argent ne revenait nulle part. C’était flou, opaque.”

Quel rôle a joué l’isolement psychologique dans cette affaire ?

Les animateurs, jeunes et souvent débutants, se sont retrouvés pris entre deux feux : la pression d’un collègue qui semblait tout savoir sur les règles, et une hiérarchie dépassée. “Il nous disait : ‘Camille ne comprend rien aux animations modernes, elle est dépassée. C’est à nous de prendre les rênes.’”, témoigne Julien, animateur de dix-neuf ans. “Il semait la division. Certains le suivaient, d’autres se sentaient mal à l’aise mais n’osaient rien dire.”

Camille, elle, sentait le climat se détériorer, sans parvenir à mettre le doigt sur la source. “Je pensais à un problème d’organisation, peut-être un manque de formation. Je n’imaginais pas que quelqu’un puisse feindre à ce point.”

Quand la vérité éclate : la recherche en ligne qui change tout

Le déclic est survenu un soir de juillet. Camille, insomniaque, décide de taper le nom d’Eddie Goujit dans un moteur de recherche. Ce qu’elle découvre la glace : plusieurs articles locaux, des signalements, des plaintes pour usurpation d’identité et escroquerie. À Toulon, il s’était présenté comme candidat aux municipales 2026, prétendant représenter un parti inconnu, avec un programme vague mais séduisant. “Il avait fait imprimer des tracts, loué une salle pour un meeting. Tout ça sans être éligible, sans même être majeur au moment des faits initiaux”, précise Camille.

Plus loin, des témoignages de responsables d’associations jeunesse : Eddie aurait occupé un poste de coordinateur sans diplôme, en se faisant passer pour un ancien élève de l’ENA. “Il citait des lois, invoquait des réformes, mais quand on lui demandait des preuves, il changeait de sujet.”

Camille, alors, comprend : elle n’est pas la première. Elle n’est peut-être même pas la dixième. “J’ai eu honte, puis de la colère. Mais surtout, de l’angoisse. Qu’est-ce qu’il aurait pu faire de plus, si on ne l’avait pas arrêté ?”

Pourquoi avoir attendu pour alerter les autorités ?

Face à cette accumulation de preuves, Camille convoque Eddie. Elle lui demande des comptes sur ses diplômes, ses expériences, son identité. Il nie tout, avec aplomb. “Il a dit que ces articles étaient des ‘calomnies’ de ‘rivaux politiques jaloux’, que sa mère allait ‘porter plainte’ contre les journalistes.” Son ton est ferme, presque menaçant. “C’est là que j’ai compris qu’il ne partirait pas seul. Il fallait que les gendarmes s’en chargent.”

Elle alerte la gendarmerie le vendredi 8 août. L’intervention a lieu deux jours plus tard, dimanche 10 août, au cœur de la saison. “C’était risqué. Les vacanciers étaient là, les enfants jouaient. Mais je ne pouvais plus attendre.” Les gendarmes arrivent discrètement, l’interpellent dans son mobil-home. “Il n’a pas crié, pas résisté. Il a juste dit : ‘Vous faites une erreur monumentale.’”

Quelles sont les suites judiciaires et les conséquences pour le camping ?

Eddie Goujit est placé en garde à vue à Toulon. Il est présenté au juge d’instruction le mercredi 13 août. Plusieurs plaintes sont en cours : usurpation de fonction, escroquerie, harcèlement moral. La Région, qui avait versé des subventions à un projet fictif porté par Eddie, a déposé une plainte pour préjudice financier.

Le camping, lui, tente de reprendre le cours normal. Camille a réuni son équipe pour une séance de débriefing. “Beaucoup se sentaient coupables. Comme s’ils avaient raté quelque chose. J’ai dû leur dire que ce n’était pas leur faute. Eddie était un manipulateur professionnel, pas un jeune maladroit.”

Des vacanciers ont été informés, avec prudence. “On ne voulait pas créer de panique, mais on devait être honnête. Certains ont dit qu’ils avaient ‘toujours senti un truc bizarre’, d’autres ont été choqués.”

Quelles leçons tirer de cette affaire pour le recrutement saisonnier ?

Camille Fournel, aujourd’hui, a changé sa méthode. “Je ne renoncerai pas à la bienveillance, mais je ne ferai plus l’impasse sur les vérifications. Un CV, même parfait, ne suffit pas. Il faut appeler les anciens employeurs, croiser les informations, regarder les traces en ligne.”

Elle insiste aussi sur l’importance d’un suivi rapproché. “On a tendance à laisser les animateurs expérimentés gérer seuls. Mais même les plus sûrs doivent être encadrés, surtout en début de saison.”

Un autre enseignement : la parole des salariés. “Les femmes de ménage, les jeunes animateurs, ils sont souvent les premiers à voir les dysfonctionnements. Il faut créer un climat où ils peuvent parler sans peur.”

Quel est l’impact humain de cette affaire sur les témoins ?

“Je n’arrive pas à oublier son regard”, confie Inès, l’employée de ménage. “Il pouvait être doux un instant, puis froid le suivant. Comme s’il jouait un rôle. J’ai mis du temps à réaliser que tout était faux.”

Pour Léa, l’animatrice, c’est la confiance en soi qui a été ébranlée. “Je me demande si j’aurais dû réagir plus tôt. Mais comment savoir, quand quelqu’un parle si bien, cite des textes, semble si sûr de lui ?”

Camille, elle, parle d’un “deuil professionnel”. “J’ai cru en quelqu’un qui n’existait pas. J’ai mis en danger mon équipe, mes vacanciers. Ce n’est pas facile à porter.”

A retenir

Peut-on encore recruter sans vérifier l’identité et les diplômes ?

Non. Cette affaire montre que la confiance ne peut se substituer aux vérifications basiques. Même dans un contexte saisonnier, rapide et informel, il est essentiel de croiser les sources, d’appeler les références, de s’assurer de la réalité des diplômes ou expériences mentionnées. Un regard franc ne suffit plus.

Comment repérer les signes d’un manipulateur en milieu professionnel ?

Les signes incluent une surenchère de vocabulaire technique ou juridique pour intimider, une flatterie excessive, un discours incohérent sur son parcours, un comportement différent selon les interlocuteurs, et une tendance à isoler ou dénigrer certains collaborateurs. La manipulation s’exerce souvent par cycles : charme, pression, victimisation.

Que faire quand on soupçonne un employé de mensonge ou d’usurpation ?

Il faut d’abord recueillir des éléments factuels, sans confrontation directe. Ensuite, consulter les autorités compétentes (DRPE, gendarmerie, Urssaf) selon la gravité. En cas de risque pour la sécurité ou de preuves tangibles, alerter la justice est une obligation morale et légale.

Est-il possible que des structures aient manqué des alertes sur Eddie Goujit ?

Oui. Bien qu’il ait laissé des traces en ligne, aucune alerte systémique n’a été émise. Il était déclaré à l’Urssaf, ce qui donnait une apparence de légalité. Cela montre la nécessité de créer des fichiers partagés entre employeurs saisonniers, surtout dans les régions touristiques.

Quel avenir pour les victimes de ce type de manipulation ?

Le chemin est long. Il passe par un accompagnement psychologique, un espace de parole sécurisé, et parfois une prise en charge par les services sociaux ou juridiques. Reconstruire la confiance en soi est essentiel, tout comme réapprendre à croire aux relations professionnelles sincères.