Alors que la retraite était autrefois perçue comme une étape marquant la fin d’un cycle, une nouvelle génération de Français la conçoit désormais comme un commencement. À partir de 50 ans, de plus en plus de quinquagénaires choisissent de s’offrir ce que l’on appelle des « mini-retraites » : des séjours prolongés dans des destinations ensoleillées, où le rythme de vie ralentit, les dépenses diminuent, et la qualité de vie s’envole. L’une de ces destinations phares ? La Costa del Sol, en Andalousie, à seulement deux heures de vol de Paris. Ce littoral espagnol, longtemps réservé aux vacanciers éphémères, devient aujourd’hui un véritable laboratoire de vie nouvelle pour des Français en quête de sérénité, de soleil et d’économies.
Pourquoi la Costa del Sol séduit-elle autant les retraités français ?
Le soleil, bien sûr, est le premier argument. Avec près de 300 jours d’ensoleillement par an et des hivers doux où la température moyenne ne descend presque jamais en dessous de 17 °C, la Costa del Sol offre un climat idéal pour ceux qui fuient les grisailles métropolitaines. Mais ce n’est pas seulement une affaire de météo. C’est un ensemble de facteurs — économiques, sociaux, culturels — qui fait basculer la balance.
Une étude IFOP de 2024 révèle qu’un Français sur cinq envisage sérieusement de passer sa retraite à l’étranger. Le principal motif ? Réduire ses dépenses tout en améliorant sa qualité de vie. Et la Costa del Sol répond à ces deux exigences. Selon l’Institut national de statistique espagnol (INE), le coût de la vie y est inférieur de 30 % à celui de la France, notamment pour l’alimentation, les courses, les soins de santé et la restauration. Un couple peut y vivre confortablement avec un budget mensuel compris entre 1 200 et 1 500 euros, là où le même niveau de confort coûterait près de 2 000 euros en France.
C’est le cas de Clémentine Rey, 58 ans, ancienne professeure de lettres à Lyon. Depuis deux ans, elle passe six mois par an à Torremolinos avec son compagnon, un retraité du secteur public. « À Lyon, on vivait bien, mais avec des contraintes : le chauffage en hiver, les impôts locaux, les factures d’électricité… Ici, on a un deux-pièces avec vue sur la mer, un loyer de 700 euros, et on mange au restaurant trois fois par semaine sans jamais stresser. On y vit trois fois mieux qu’en France », confie-t-elle en sirotant un café sur une terrasse face à la baie.
Quel est l’impact économique de ce mouvement d’expatriation douce ?
La montée en puissance des retraités étrangers, notamment français, britanniques et allemands, transforme progressivement la Costa del Sol. En 2024, la région a accueilli 14,47 millions de visiteurs, soit une hausse de 3,17 % par rapport à l’année précédente. Les recettes touristiques ont atteint 21,2 milliards d’euros, en progression de 10,9 %, selon les données relayées par Le Courrier d’Espagne.
Mais ce tourisme de masse n’est plus seulement saisonnier. De plus en plus d’Européens s’installent durablement, attirés par la stabilité du climat, la qualité des infrastructures et la douceur de vivre. Cette tendance profite à l’économie locale : modernisation des hôpitaux, développement des transports en commun, création de services adaptés aux seniors, comme des clubs de marche, des ateliers linguistiques ou des associations culturelles.
Francisco Salado, président du Conseil provincial de Málaga et de Costa del Sol Tourisme, souligne que « cette évolution n’est pas une simple mode. C’est un nouveau modèle économique basé sur l’attractivité résidentielle. Nous investissons dans des services de santé, des programmes d’intégration, et des logements accessibles pour accueillir une population internationale en croissance ».
Le témoignage de Marc Lefort, 62 ans, ancien ingénieur en informatique à Toulouse, illustre cette transformation. Installé à Málaga depuis quatre ans, il a bénéficié d’un suivi médical rapide après une opération du genou. « J’ai été opéré en trois semaines, avec un chirurgien de renom, dans un hôpital public. En France, j’aurais attendu six mois. Le système de santé ici est impressionnant. Et l’OMS le confirme : l’Espagne figure parmi les dix meilleurs pays au monde pour la qualité de ses soins. »
Quels sont les atouts culturels et immobiliers de la région ?
La Costa del Sol ne se résume pas à ses plages ou à son climat. Elle s’impose aussi comme une destination culturelle riche, où tradition andalouse et modernité se côtoient. À Málaga, la ville natale de Picasso, le musée éponyme et le Centre Pompidou-Málaga attirent des milliers d’amateurs d’art chaque année. Les festivals de flamenco, les marchés artisanaux et les tapas bars animés le soir participent à une ambiance chaleureuse et authentique.
Les villages blancs perchés sur les collines, comme Frigiliana ou Mijas, offrent une immersion dans un patrimoine architectural préservé, loin des zones surfréquentées. « On a visité Mijas un dimanche, raconte Clémentine Rey. Il y avait une petite exposition de poterie locale, un orchestre de guitares, et des enfants qui dansaient. C’était simple, sincère. On s’est dit : on pourrait vivre ici. »
Sur le plan immobilier, la région est particulièrement attractive. Selon les données du site Idealista (2025), un appartement de deux chambres à Málaga ou Torremolinos se négocie entre 150 000 et 300 000 euros. Comparé aux prix de la Côte d’Azur ou de la Provence, où un bien similaire peut dépasser 500 000 euros, l’écart est significatif. Et pour les retraités, cette différence représente une économie de plusieurs dizaines de milliers d’euros, qu’ils peuvent réinvestir dans leur quotidien ou leurs loisirs.
Clémentine et son compagnon ont acheté un petit appartement à Torremolinos pour 210 000 euros. « C’était notre studio à Lyon vendu, plus une petite économie. On a pu payer cash. Pas de crédit, pas de stress. »
Comment les retraités français s’intègrent-ils sur place ?
L’un des atouts majeurs de la Costa del Sol, c’est la présence d’une communauté francophone bien établie. Des associations, des clubs de conversation, des groupes de randonnée ou de yoga en français se multiplient. À Málaga, un « Café des Français » organise des rencontres mensuelles. À Marbella, une chorale franco-espagnole répète chaque semaine.
« Quand on arrive, on a peur de se sentir seul, isolé, reconnaît Marc Lefort. Mais en réalité, il y a toujours quelqu’un pour t’accueillir. J’ai rejoint un groupe de bridge, j’ai appris l’espagnol avec d’autres expatriés, et maintenant, je participe à des sorties culturelles organisées par l’association des francophones. »
Cette intégration ne signifie pas pour autant une bulle linguistique. Bien au contraire, de nombreux retraités s’efforcent d’apprendre l’espagnol, de fréquenter les commerçants locaux, de participer aux fêtes du village. « On ne veut pas vivre entre Français, précise Clémentine. On est ici pour vivre la culture du pays, pas pour reproduire la France. »
Quels défis restent à surmonter pour les expatriés ?
Malgré les atouts évidents, la vie à la Costa del Sol n’est pas sans obstacles. La barrière linguistique peut être un frein, surtout pour les premiers mois. Les démarches administratives, notamment pour l’obtention du NIE (numéro d’identification étranger) ou pour la gestion des pensions de retraite, nécessitent parfois de l’aide ou de la patience.
En outre, le rythme de vie espagnol — tardif, détendu — peut surprendre. Les repas à 21 heures, les commerces fermés l’après-midi, les rendez-vous médicaux repoussés… Autant de différences culturelles à intégrer. « Il faut accepter de ralentir, sourit Marc. En France, tout est urgent. Ici, rien n’est urgent. C’est déstabilisant au début. Puis, on finit par aimer ça. »
Un autre défi concerne les liens familiaux. S’éloigner de ses enfants, de ses petits-enfants, peut peser. « On les appelle souvent, on leur rend visite deux fois par an, et ils viennent ici en vacances, raconte Clémentine. Mais ce n’est pas pareil. Il y a des moments, surtout à Noël, où on sent le vide. »
La mini-retraite, un nouveau modèle de vie ou une simple tendance éphémère ?
La mini-retraite — séjourner plusieurs mois par an dans un pays étranger — semble de plus en plus ancrée dans les habitudes des Français. Elle permet de tester une nouvelle vie sans tout quitter, de profiter du soleil sans rompre les attaches familiales, et de préparer progressivement sa retraite définitive.
Des agences spécialisées proposent désormais des formules clé en main : logement meublé, cours d’espagnol, accompagnement administratif, visites culturelles. Pour 1 500 euros par mois, un couple peut vivre six mois sur place dans des conditions optimales.
« Ce n’est pas une fuite, c’est une exploration », résume Élodie Vasseur, 54 ans, ancienne cadre dans une entreprise de logistique à Lille. Elle passe quatre mois par an à Marbella depuis trois ans. « On garde notre appartement en France, on y revient au printemps. Mais l’hiver, ici, c’est autre chose. Le soleil, la mer, les gens qui sourient… C’est une forme de liberté. »
A retenir
Qu’est-ce qu’une mini-retraite à la Costa del Sol ?
Une mini-retraite consiste à séjourner plusieurs mois par an dans une destination étrangère, souvent ensoleillée, pour profiter d’un meilleur climat, d’un coût de vie réduit et d’une qualité de vie améliorée. Sur la Costa del Sol, elle attire des Français dès 50 ans, en quête de sérénité avant leur retraite définitive.
Quel budget faut-il prévoir ?
Un couple peut vivre confortablement sur la Costa del Sol avec un budget mensuel de 1 200 à 1 500 euros, incluant loyer, alimentation, transports et loisirs. Ce montant est en moyenne 30 % inférieur à ce qu’il serait en France pour un niveau de vie équivalent.
Le système de santé espagnol est-il fiable ?
Oui. Classé par l’OMS parmi les dix meilleurs systèmes de santé au monde, il offre une prise en charge efficace, rapide et souvent moins coûteuse qu’en France. Les retraités peuvent s’inscrire au régime public s’ils résident plus de trois mois par an.
Faut-il parler espagnol pour s’installer ?
Parler espagnol facilite grandement l’intégration, mais ce n’est pas une obligation. De nombreuses structures s’adressent aux francophones, et les communautés d’expatriés sont très solidaires. Toutefois, apprendre la langue locale enrichit considérablement l’expérience.
Peut-on conserver ses liens avec la France ?
Oui. La proximité géographique (moins de deux heures d’avion) et les vols fréquents permettent de maintenir des contacts réguliers avec la famille, les amis et les affaires en France. Beaucoup de retraités optent pour une résidence semi-continue, divisant leur temps entre les deux pays.