L’épargne française bat des records, mais derrière ce chiffre se cache une réalité contrastée. Loin des clichés sur les jeunes actifs dynamiques, ce sont les retraités qui tirent l’essor de l’épargne nationale. Une étude récente de l’Insee, s’appuyant sur les données de la Banque Postale, révèle une tendance inédite : les seniors de plus de 65 ans concentrent désormais les deux tiers de la croissance du taux d’épargne entre 2023 et 2024. Comment expliquer cette mutation silencieuse ? Quels enseignements en tirer pour l’avenir ?
Pourquoi les seniors dominent-ils l’épargne nationale ?
Alors que le taux d’épargne atteint 18,5 % en 2024, les retraités affichent une progression sans précédent. Marceline Voisin, 68 ans, ancienne enseignante, confie : « Avec la revalorisation de ma pension, je dépense moins que mes revenus. Plutôt que de gaspiller, je place cet excédent sur un compte à terme. » Comme elle, nombreux sont les seniors à bénéficier d’une stabilité financière renforcée par les ajustements de pensions, sans modifier leurs dépenses courantes.
Une stratégie de précaution ancrée
Contrairement aux idées reçues, cette épargne ne relève pas d’un simple réflexe post-Covid. Théo Lambert, économiste spécialisé, souligne : « Les retraités anticipent les aléas de la vieillesse – santé, dépendance – et privilégient la sécurité. Leur horizon de placement dépasse souvent les 10 ans. » Une prudence qui se traduit par des choix méthodiques, loin de l’improvisation.
Quels sont les placements privilégiés par les épargnants ?
Avec 87,6 milliards d’euros d’économies accumulées fin 2024, les Français diversifient leurs stratégies. Le livret A, victime de son taux abaissé à 2,4 %, perd 200 millions d’euros en avril 2025. À l’inverse, le LDDS résiste avec +310 millions d’euros collectés. « Je préfère le LDDS pour son plafond plus élevé et sa vocation solidaire », explique Élodie Ravier, 70 ans, ex-comptable.
L’émergence de nouveaux produits
Les assurances-vie en unités de compte et les PERP gagnent du terrain chez les seniors. Yann Kerhervé, conseiller en gestion de patrimoine, observe : « Mes clients de plus de 65 ans recherchent des produits flexibles avec des sorties anticipées possibles, tout en limitant les risques. » Une demande qui pousse les institutions à repenser leurs offres.
Comment cette tendance influence-t-elle l’économie ?
Cette concentration de capitaux entre les mains des aînés pourrait remodeler le paysage financier. Les banques adaptent leurs services, comme le note Sophie Lavigne, directrice d’une agence régionale : « Nous formons nos conseillers aux spécificités des retraités : temps de dialogue accru, vulgarisation des produits complexes. »
Un levier pour les politiques publiques ?
Avec 62 % de l’épargne nouvelle détenue par les plus de 65 ans, l’État pourrait envisager des incitations fiscales ciblées. Un projet de loi discuté en 2025 suggère d’encourager l’investissement des seniors dans des fonds verts via des crédits d’impôt.
A retenir
Qui sont les principaux épargnants en France ?
Les retraités de plus de 65 ans représentent 66 % de la hausse du taux d’épargne entre 2023 et 2024, selon l’Insee.
Pourquoi le livret A perd-il des adeptes ?
Son rendement abaissé à 2,4 % en 2025 le rend moins attractif face à des alternatives comme le LDDS ou les assurances-vie.
Comment les banques s’adaptent-elles ?
Elles développent des offres sur mesure pour les seniors : conseil personnalisé, produits sécurisés avec options de liquidité.
Conclusion
Cette mutation de l’épargne française dessine un avenir où les retraités joueront un rôle économique central. Leur pragmatisme financier, combiné à une démographie favorable, en fait des acteurs clés des prochaines décennies. Reste à savoir si cet argent servira à financer des projets collectifs ou restera un filet de sécurité individuel. Une chose est sûre : le mythe du jeune cadre dynamique épargnant pour son projet immobilier appartient au passé.