Facebook et Instagram utilisent vos données pour l’IA : ce que cela change en 2025

À l’ère du numérique, où chaque clic, chaque interaction et chaque publication laissent une trace, les grandes plateformes sociales redéfinissent constamment les frontières de la vie privée. Récemment, Facebook et Instagram, tous deux filiales de Meta Platforms, ont mis à jour leurs politiques de gestion des données, ouvrant la voie à une utilisation accrue de l’intelligence artificielle alimentée par les informations personnelles des utilisateurs. Ce changement, bien qu’il s’inscrive dans une logique d’innovation technologique, soulève des interrogations légitimes sur la protection de la vie privée, le consentement éclairé et les moyens concrets de se protéger dans un environnement de plus en plus intrusif. À travers les témoignages d’utilisateurs confrontés à ces nouvelles réalités et une analyse des mécanismes en jeu, cet article explore les enjeux, les risques et les solutions pour préserver son autonomie numérique.

Qu’est-ce que ces nouvelles politiques changent concrètement ?

Meta a introduit une mise à jour de ses conditions d’utilisation qui autorise désormais l’exploitation des données générées par les utilisateurs de Facebook et Instagram pour entraîner des systèmes d’intelligence artificielle. Ces données incluent non seulement les publications, photos, vidéos et messages, mais aussi les comportements en ligne : les pages consultées, les contenus likés, les temps de navigation, les interactions avec d’autres utilisateurs, et même les données biométriques dans certains cas, comme les analyses faciales.

Contrairement aux usages précédents, où les données servaient principalement à cibler la publicité ou à améliorer l’expérience utilisateur via des recommandations algorithmiques, elles sont désormais directement injectées dans des modèles d’apprentissage automatique. Ces modèles visent à développer des outils d’IA capables de générer du contenu, de comprendre le langage naturel, ou encore d’analyser les émotions dans les publications.

Le changement majeur réside dans le fait que cette utilisation n’est plus simplement implicite : elle est désormais explicitement encadrée par les nouvelles clauses. Pourtant, le consentement des utilisateurs reste limité à l’acceptation globale des conditions d’utilisation, sans option claire de refus sélectif. C’est précisément ce manque de contrôle qui inquiète.

Comment les utilisateurs réagissent-ils à ces changements ?

Face à cette évolution, les réactions sont mitigées. Certains utilisateurs, comme Théo Bernard, développeur logiciel de 34 ans basé à Lyon, adoptent une posture résignée. « J’ai lu les nouvelles conditions, j’ai râlé, puis j’ai cliqué sur « accepter ». Je sais que mes données sont déjà utilisées depuis des années. Ce qui change, c’est qu’on ne se cache plus derrière des formulations floues. On dit clairement : on va les donner à l’IA. C’est presque plus honnête. »

En revanche, d’autres, comme Laura Fournier, graphiste freelance de 28 ans, expriment une inquiétude croissante. « J’utilise Instagram pour partager mon portfolio, mais je n’ai jamais imaginé que mes créations puissent servir à entraîner une intelligence artificielle capable de produire de l’art à ma place. C’est une forme d’appropriation que je n’ai pas consentie. »

Laura a réagi en ajustant ses paramètres de confidentialité, en limitant la visibilité de ses publications et en supprimant plusieurs applications tierces connectées à son compte. Elle suit désormais des newsletters spécialisées en cybersécurité et participe à des forums de discussion sur les droits numériques. « Je ne veux pas quitter ces plateformes, mais je veux qu’elles me respectent. Et pour ça, il faut être vigilant. »

Quels types de données sont concernés ?

Les données exploitées pour l’entraînement de l’IA sont extrêmement variées. Elles incluent :

  • Les contenus publiés : textes, images, vidéos, stories.
  • Les données comportementales : fréquence des connexions, durée des sessions, interactions avec les contenus.
  • Les métadonnées : localisation, appareil utilisé, heure des publications.
  • Les données biométriques : reconnaissance faciale dans les photos, analyse de la voix dans les vidéos.
  • Les données relationnelles : liste d’amis, groupes, commentaires échangés.

En combinant ces informations, les algorithmes peuvent non seulement comprendre les préférences individuelles, mais aussi modéliser des comportements collectifs, des tendances culturelles, voire des états émotionnels. Le risque, pour les utilisateurs, est que ces modèles soient utilisés à des fins commerciales, politiques ou sociales sans transparence.

Quels risques concrets pour la vie privée ?

L’un des principaux dangers réside dans la perte de contrôle sur ses propres données. Une fois intégrées à un modèle d’IA, les informations personnelles ne peuvent plus être retirées. Même si un utilisateur supprime une photo ou un message, les traces de son utilisation par les algorithmes persistent dans les modèles entraînés.

Il existe également un risque d’usage détourné. Par exemple, un modèle d’IA entraîné sur des millions de photos publiées sur Instagram pourrait être utilisé pour créer des deepfakes ou des contenus synthétiques reproduisant des styles artistiques spécifiques — y compris ceux de créateurs comme Laura — sans leur accord.

En outre, la centralisation de ces données chez Meta soulève des questions de sécurité. En cas de fuite ou de cyberattaque, les conséquences seraient bien plus graves qu’auparavant, car les données ne serviraient plus seulement à cibler des publicités, mais à alimenter des systèmes capables de simuler des comportements humains.

Et les avantages ?

Il serait injuste de ne voir que les risques. L’utilisation des données pour l’IA peut aussi améliorer l’expérience utilisateur. Par exemple, des algorithmes mieux entraînés peuvent détecter plus efficacement les contenus nuisants, comme la haine ou la désinformation. Ils peuvent aussi proposer des recommandations plus pertinentes, améliorer les outils de traduction automatique ou faciliter l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap.

Meta affirme que ces avancées permettront de créer des assistants virtuels plus intelligents, des interfaces plus intuitives et des outils de création plus puissants. Pour certains utilisateurs, comme Théo, ces bénéfices compensent partiellement les inquiétudes. « Si l’IA peut me proposer du contenu plus intéressant et filtrer les trolls, je ne suis pas contre. Mais je veux que ce soit transparent, et que j’aie un vrai choix. »

Comment protéger ses données face à cette évolution ?

Protéger sa vie privée sur les réseaux sociaux n’est pas une tâche simple, mais elle reste possible grâce à des actions concrètes et régulières. La première étape consiste à reprendre le contrôle de ses paramètres de confidentialité.

Configurer les paramètres de confidentialité

Sur Facebook et Instagram, il est essentiel de :

  • Limiter la visibilité des publications (passer en « ami uniquement » ou « privé »).
  • Désactiver le suivi des activités hors application.
  • Refuser l’accès aux données de localisation.
  • Désactiver la reconnaissance faciale.
  • Empêcher le téléchargement de la liste de contacts.

Il est également recommandé de désactiver les options permettant à Meta d’utiliser les données pour « améliorer ses produits », même si cette option n’est pas toujours clairement accessible.

Gérer les applications tierces

De nombreuses applications externes, comme des quiz ou des outils de retouche photo, ont accès à des données personnelles via les API de Facebook ou Instagram. Il est crucial de passer en revue ces applications régulièrement et de révoquer les accès inutiles. Sur Instagram, cela se fait via « Paramètres et confidentialité » > « Applications et sites web ».

Utiliser des outils complémentaires

Des extensions de navigateur comme Privacy Badger ou uBlock Origin peuvent limiter le pistage en ligne. Des moteurs de recherche respectueux de la vie privée, comme DuckDuckGo, réduisent également la collecte de données. Enfin, l’utilisation de pseudonymes ou de comptes séparés (un pour le professionnel, un pour le personnel) peut limiter l’exposition.

Exercer ses droits numériques

En Europe, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) octroie aux utilisateurs des droits précis : droit d’accès, de rectification, d’effacement, et d’opposition au traitement de leurs données. Il est possible de demander à Meta de fournir une copie de ses données ou de les supprimer. Ces démarches, bien que parfois longues, sont un levier important pour reprendre le contrôle.

Quelles alternatives aux géants du numérique ?

Face à l’hégémonie de Meta, certains utilisateurs choisissent de migrer vers des plateformes plus éthiques. Des réseaux comme Mastodon, Pixelfed ou Bluesky proposent des modèles décentralisés, où les données ne sont pas centralisées ni exploitées à des fins publicitaires.

Élodie Rivière, enseignante et activiste numérique, a quitté Instagram pour Pixelfed. « Je voulais continuer à partager mes voyages et mes lectures, mais sans nourrir une machine d’IA opaque. Sur Pixelfed, je contrôle mes données, je choisis mon serveur, et je ne suis pas pistée. Ce n’est pas aussi fluide qu’Instagram, mais c’est plus juste. »

Ces alternatives, bien qu’encore peu connues du grand public, gagnent en crédibilité. Elles reposent sur des principes de transparence, de souveraineté numérique et de coopération, plutôt que de profit.

A retenir

Les données personnelles peuvent-elles vraiment être utilisées pour l’IA sans consentement ?

Oui, dans le cadre actuel. En acceptant les conditions d’utilisation de Facebook ou Instagram, les utilisateurs donnent implicitement leur accord pour que leurs données soient utilisées à des fins d’entraînement de l’IA. Il n’existe pas d’option pour refuser spécifiquement cette utilisation tout en continuant à utiliser la plateforme.

Peut-on supprimer ses données déjà utilisées par l’IA ?

Non. Une fois que des données ont été utilisées pour entraîner un modèle d’IA, il est techniquement impossible de les retirer. Supprimer un compte ou un contenu empêche une utilisation future, mais n’efface pas l’historique d’entraînement.

Les modifications de paramètres de confidentialité sont-elles vraiment efficaces ?

Elles réduisent l’exposition, mais ne garantissent pas une protection totale. Meta continue de collecter des données comportementales même sur les comptes privés. Toutefois, ces ajustements limitent significativement la quantité d’informations sensibles accessibles.

Quelle est la meilleure façon de se protéger ?

Adopter une hygiène numérique : limiter les publications personnelles, configurer les paramètres de confidentialité, surveiller les applications tierces, utiliser des outils de protection, et envisager des alternatives décentralisées. La vigilance constante est la clé.

Conclusion

L’ère de l’intelligence artificielle redéfinit les rapports entre les utilisateurs et les plateformes numériques. Tandis que Facebook et Instagram s’ouvrent officiellement à l’utilisation des données pour alimenter l’IA, les enjeux de vie privée deviennent plus pressants que jamais. Les témoignages de Laura, Théo ou Élodie montrent qu’il n’existe pas de réponse unique : chacun doit trouver son équilibre entre utilité, plaisir d’usage et protection de soi. Ce qui est certain, c’est que la passivité n’est plus une option. Comprendre les mécanismes, exercer ses droits et agir concrètement sont désormais des compétences essentielles pour naviguer en toute conscience dans le monde numérique.