En un peu plus de deux minutes, une voix s’est élevée sur TikTok et a fait trembler les certitudes. Angèle Solo, fille de l’humoriste Bruno Solo, n’a pas cherché la lumière pour briller, mais pour dire ce que trop souvent on ignore : vivre avec des handicaps invisibles, c’est combattre chaque jour sans que personne ne voie la bataille. Son témoignage, sobre et puissant, ne se contente pas de raconter une vie atypique — il interroge notre regard sur les différences, nos réflexes face à l’invisible, et la manière dont l’école, la société, parfois même l’entourage, peuvent blesser sans le savoir. Ce qu’Angèle révèle, ce n’est pas une plainte, mais un appel à l’empathie, à la nuance, à l’écoute. Et derrière chaque mot, il y a une enfance marquée par les salles d’attente, les regards condescendants, les silences lourds, mais aussi une famille soudée, des combats remportés, et une scène qui, aujourd’hui, lui redonne sa voix.
Qui est Angèle Solo, et comment son parcours bouscule-t-il les idées reçues ?
Une enfance entre soins spécialisés et quête d’estime
Angèle Solo grandit dans une famille discrète, loin des paillettes. Bruno Solo, connu pour son humour tendre et son engagement humaniste, élève avec Véronique Clochepin, sa compagne depuis 2002, deux enfants : Tom, qu’il a adopté, et Angèle, née en 2005. Leur foyer, installé à Lyon, est bâti sur la discrétion, mais aussi sur une profonde attention aux liens familiaux. Pourtant, très tôt, le quotidien d’Angèle se structure autour de rendez-vous médicaux. Orthophonistes, psychologues, psychomotriciens : son enfance est jalonnée d’allers-retours entre cabinets et établissements scolaires. À l’école, les choses ne sont jamais simples. Alors que ses camarades écrivent rapidement, elle peine à former des lettres lisibles. Une phrase, pour elle, peut demander dix minutes d’effort. “Je me souviens d’un devoir de CM1, raconte-t-elle dans une vidéo. J’étais la dernière à rendre ma copie. Le professeur a dit : ‘Tu n’as pas fini ?’ Comme si je faisais exprès. Comme si je ne voulais pas.” Ces paroles, anodines pour certains, laissent des traces. L’estime de soi vacille.
Des diagnostics tardifs, mais libérateurs
Il faudra attendre ses 17 ans pour qu’un psychiatre à Paris, après des mois de recherche et plusieurs voyages entre Lyon et la capitale, pose enfin les mots justes : dyslexie, dyspraxie, dysphasie, TDAH. Un cocktail complexe, souvent mal compris, qui explique ses difficultés à lire l’heure, à compter de l’argent, à suivre une conversation dans un lieu bruyant. “Avant, dit-elle, on me traitait de paresseuse. On pensait que je ne faisais pas d’efforts. Mais je faisais dix fois plus d’efforts que les autres.” Ce diagnostic, loin d’être une étiquette, devient pour elle une clé. Il permet de comprendre, d’adapter, de cesser de se battre contre soi-même.
Comment l’école et la société peuvent-elles devenir des obstacles invisibles ?
Quand l’apprentissage devient une épreuve
À l’école, les aménagements sont rares. Angèle doit réécrire ses devoirs plusieurs fois parce que son écriture est maladroite. Elle peine à copier au tableau, à suivre les consignes orales. En sport, elle est toujours choisie en dernier. “Je n’arrivais pas à attraper un ballon, pas parce que je ne voulais pas, mais parce que mon corps ne répondait pas comme les autres.” Ce manque de coordination, dû à la dyspraxie, la rend vulnérable. Le harcèlement commence dès le collège. Pendant treize ans, elle subit moqueries, exclusion, regards méprisants. “On me disait que j’étais trop bizarre, trop lente, trop différente.” Une AVS, dont elle garde un souvenir ému, devient son rempart. “Elle me disait : ‘Tu n’es pas en retard, tu es juste différente. Et c’est bien.’”
La vie quotidienne, un parcours du combattant
Les gestes simples deviennent des exploits. À 8 ans, elle apprend à faire ses lacets seule, après des semaines d’essais. “J’y arrivais, mais je pleurais de fatigue.” Prendre le métro ? Un défi. Pendant des mois, sa mère et son frère l’accompagnent, pas à pas, jusqu’à ce qu’elle sache s’orienter seule. La conduite automobile ? Impossible. Entre la dyspraxie, qui affecte la coordination, et le TDAH, qui trouble l’attention, le risque est trop grand. “On m’a dit clairement : ce n’est pas pour toi. Et même si ça fait mal, c’est une protection.”
Quand la passion doit céder la place à la réalité
Angèle adore la danse classique. Pendant des années, elle s’y accroche, malgré les douleurs, les malformations physiques, les regards des autres élèves. Mais un jour, elle doit lâcher prise. “Je ne pouvais plus suivre. Mon corps ne répondait pas, mon cerveau non plus. Et je ne voulais plus souffrir pour quelque chose que je ne pouvais pas maîtriser.” Ce renoncement, douloureux, est aussi un acte de lucidité. Elle comprend alors qu’il ne s’agit pas de tout abandonner, mais de tout reconfigurer.
Comment Angèle Solo a-t-elle trouvé un nouveau souffle sur scène ?
Le théâtre comme espace de libération
Il y a un an, Angèle franchit une étape décisive : elle intègre une école de théâtre. “C’était une folie, avoue-t-elle. J’avais peur de ne pas être à la hauteur. Mais c’était aussi la première fois que je me sentais vraiment moi.” Le théâtre, contrairement à l’école, ne juge pas son écriture, sa vitesse, sa coordination. Il valorise son expression, son émotion, sa créativité. Elle rejoint une troupe de comédie musicale, où elle trouve un collectif bienveillant. “Sur scène, je ne suis pas dys. Je suis actrice. Je suis moi.”
Une amie comme complice
À ses côtés, une amie d’enfance, Léa Mercier, la soutient chaque jour. “Elle me relit mes textes, m’aide à organiser mes journées, me calme quand je suis submergée.” Ce lien, solide et sincère, est un pilier. “Je ne serais pas là sans elle”, dit Angèle avec une émotion palpable. L’accompagnement, dans son parcours, n’est pas une faiblesse, mais une force.
Des progrès mesurés, mais réels
Elle ne parle pas de guérison, mais de progrès. “Il y a un an, je n’aurais jamais osé parler en public. Aujourd’hui, je monte sur scène, je fais des vidéos, je dis ce que je ressens.” Chaque étape franchie est célébrée. “Je me fixe des objectifs simples : arriver à l’heure à un rendez-vous, finir un texte sans me relire dix fois. Et quand j’y arrive, je me félicite.” Cette bienveillance envers soi, elle la doit aussi à sa psychologue, qu’elle décrit comme “exceptionnelle”. “Elle ne cherche pas à me normaliser. Elle m’aide à exister comme je suis.”
Que nous apprend le témoignage d’Angèle Solo sur les handicaps invisibles ?
La nécessité d’aménagements simples et de regard bienveillant
Le message d’Angèle n’est pas seulement personnel : il est politique. “Ce dont on a besoin, ce n’est pas de pitié, mais d’aménagements simples. Un peu de temps en plus, une consigne écrite, un regard bienveillant.” Elle rappelle que 6 à 8 % des enfants en France vivent avec des troubles dys, mais que beaucoup restent non diagnostiqués, marginalisés, déscolarisés. “On nous dit : ‘Tu dois faire comme les autres.’ Mais si ‘les autres’ ne comprennent pas que notre cerveau fonctionne différemment, comment voulez-vous qu’on réussisse ?”
Le rôle crucial de l’entourage
Bruno Solo, discret, n’apparaît pas dans les vidéos de sa fille. Mais son soutien, constant, est évoqué avec gratitude. “Mon père ne m’a jamais poussée à être autre chose que moi. Il m’a dit : ‘Tu avances à ton rythme. C’est le bon.’” Ce respect du rythme, cette absence de pression, font toute la différence. La famille, dans son ensemble, devient un refuge. “On ne parle pas de handicap à table. On parle de vie. De projets. De rires. Et c’est ça qui soigne.”
Un appel à dépasser les idées reçues
Le témoignage d’Angèle bouscule plusieurs clichés. D’abord, celui du handicap visible. “On croit qu’on voit la souffrance. Mais parfois, elle est dans la tête, dans les gestes, dans le silence.” Ensuite, celui du mérite. “On pense que réussir, c’est travailler dur. Mais quand tu dois dépenser dix fois plus d’énergie pour faire une tâche simple, est-ce que tu n’as pas déjà tout donné ?” Enfin, celui de la normalité. “Je ne veux pas être ‘normale’. Je veux être moi, avec mes forces et mes limites.”
A retenir
Qu’est-ce que les troubles dys et le TDAH ?
Les troubles dys — dyslexie, dyspraxie, dysphasie — sont des troubles neurodéveloppementaux qui affectent les apprentissages. Le TDAH (Trouble Déficit de l’Attention avec Hyperactivité) impacte la concentration, l’impulsivité et la régulation émotionnelle. Ces troubles, invisibles, ne sont pas liés à l’intelligence, mais au fonctionnement du cerveau. Ils touchent des millions de personnes, souvent mal diagnostiquées, mal accompagnées.
Pourquoi le témoignage d’Angèle Solo est-il important ?
Parce qu’il donne une voix à ceux qui se sentent invisibles. Parce qu’il montre que le handicap, même silencieux, demande reconnaissance et adaptation. Parce qu’il invite à repenser l’école, le travail, la société, non pas comme des machines à normaliser, mais comme des espaces d’inclusion.
Quels aménagements peuvent aider les personnes en situation de handicap invisible ?
Des aménagements simples font toute la différence : temps supplémentaire aux examens, consignes écrites, environnement calme, accompagnement humain. Mais surtout, une écoute attentive, une absence de jugement, et la reconnaissance que chaque personne a son propre rythme.
Comment accompagner un proche en situation de handicap invisible ?
En évitant les phrases du type “Tu exagères” ou “Fais un effort”. En posant des questions simples : “Qu’est-ce qui t’aide aujourd’hui ?” En étant présent, sans chercher à tout résoudre. Comme le dit Angèle : “Ce que je veux, ce n’est pas qu’on me porte. C’est qu’on marche à mes côtés.”
Conclusion
Le parcours d’Angèle Solo n’est pas une histoire de victoire sur l’adversité. C’est une histoire d’acceptation, de résilience, de combat quotidien mené avec dignité. Elle ne cherche pas à inspirer par sa souffrance, mais à éveiller par sa parole. En parlant de ses fatigues, de ses erreurs, de ses progrès, elle invite chacun à revoir son regard sur les différences. Car derrière chaque “lenteur”, chaque “maladresse”, chaque silence, il peut y avoir un monde de courage. Et parfois, il suffit d’un mot, d’un geste, d’un regard bienveillant pour que ce monde s’ouvre.