Un gel sur les Livrets A au-delà de 24 000 € entre en vigueur en 2025

À partir du 22 septembre 2025, une réforme bancaire inédite va transformer le rapport des Français à leur épargne de précaution. Le Livret A, longtemps considéré comme le pilier inébranlable de la sécurité financière, fera l’objet d’une nouvelle régulation : tout montant dépassant 24 000 euros sera gelé, inaccessible sans autorisation préalable. Cette décision, annoncée dans un contexte de tensions économiques persistantes, vise à endiguer une épargne jugée trop passive, dont l’accumulation massive pourrait freiner la dynamique de croissance nationale. Derrière les chiffres et les mesures, ce sont des milliers de foyers, comme celui de Thomas Leroi, qui doivent repenser leur stratégie financière. Entre inquiétudes légitimes, adaptations nécessaires et opportunités inattendues, cette réforme s’inscrit dans un tournant économique majeur.

Qu’est-ce que change le gel du Livret A au-delà de 24 000 euros ?

À compter de septembre 2025, les fonds dépassant le seuil de 24 000 euros sur un Livret A ne seront plus disponibles à la demande. Concrètement, les titulaires de comptes excédant cette limite verront la partie supérieure de leur épargne verrouillée : impossible de retirer, de transférer ou d’utiliser ces sommes sans une validation bancaire. Ce gel ne s’applique pas aux intérêts générés avant cette date, mais tout nouveau dépôt ou intérêt portant le solde au-delà du plafond sera soumis à la règle.

Le dispositif s’inscrit dans une logique de désinflation contrôlée. Selon les économistes du ministère des Finances, l’épargne excédentaire, particulièrement concentrée sur des produits sans risque comme le Livret A, stérilise une partie importante de la masse monétaire. Ces liquidités, au lieu de circuler dans l’économie via la consommation ou l’investissement, restent inertes. Or, dans un contexte de croissance modérée et d’inflation tenace, ce phénomène peut nuire à la relance productive.

Le gel n’implique pas une confiscation : les sommes restent la propriété de l’épargnant. Toutefois, leur accessibilité est conditionnée à une justification d’usage ou à une demande de déblocage motivée, examinée au cas par cas par l’établissement bancaire.

Pourquoi cette mesure est-elle jugée nécessaire ?

Depuis plusieurs années, l’épargne des ménages français a connu une croissance exceptionnelle. En 2024, le taux d’épargne s’établissait à 18,4 %, l’un des plus élevés depuis deux décennies. Cette hausse, alimentée par les incertitudes économiques, la crise énergétique et les comportements de précaution, a conduit à une accumulation massive de liquidités sans contrepartie en investissements productifs.

Le Livret A, avec sa garantie du capital et sa fiscalité avantageuse, a été le principal bénéficiaire de cette tendance. Fin 2024, le montant total déposé sur ce support dépassait 410 milliards d’euros, dont une part croissante concentrée sur des comptes individuels très fournis. Selon une étude de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), 7 % des détenteurs de Livret A détiennent plus de 24 000 euros, représentant à eux seuls près de 28 % du total épargné sur ce produit.

« L’économie ne peut pas fonctionner avec des milliards figés dans des comptes sans risque », affirme Élise Vernier, économiste à l’Observatoire Français de la Conjoncture. « L’objectif ici n’est pas de pénaliser l’épargne, mais de l’orienter vers des circuits plus dynamiques : l’immobilier, l’innovation, les PME. »

Comment les épargnants réagissent-ils à cette nouvelle règle ?

Les réactions sont mitigées. Pour certains, comme Thomas Leroi, le sentiment dominant est l’inquiétude. « J’ai mis vingt ans à constituer ce petit pécule », confie-t-il. « C’était pour mes enfants, pour un projet immobilier, ou en cas de coup dur. Aujourd’hui, on me dit que je ne pourrai pas y toucher. C’est comme si on retirait un pan de ma liberté. »

Thomas, cadre dans une entreprise de logistique à Nancy, a accumulé 25 300 euros sur son Livret A. « Je n’ai jamais cherché à spéculer. Je voulais juste être tranquille. Et maintenant, je dois me pencher sur des choses que je ne maîtrise pas : les actions, les SCPI, les assurances-vie… C’est un monde qui me fait peur. »

En revanche, d’autres, comme Camille Fournier, 48 ans, entrepreneuse à Lyon, voient dans cette mesure une opportunité. « J’avais 31 000 euros sur mon Livret A. Ce n’était pas une stratégie, c’était de la procrastination. Cette réforme m’oblige à agir. » Depuis six mois, elle consulte un conseiller en gestion de patrimoine. « J’ai transféré 8 000 euros vers une assurance-vie diversifiée, 12 000 dans une SCPI résidentielle, et j’ai gardé le reste pour un futur achat immobilier. C’est plus engageant, mais aussi plus gratifiant. »

Quelles alternatives existent pour réinvestir l’épargne gelée ?

Les experts s’accordent à dire que le gel ne doit pas être perçu comme une fin, mais comme un point de départ vers une gestion plus active du patrimoine. Plusieurs pistes s’offrent aux épargnants, selon leur profil de risque, leur horizon de placement et leurs objectifs.

L’assurance-vie : une passerelle naturelle

Longtemps considérée comme le produit-phare de la transmission et de l’épargne longue, l’assurance-vie permet de diversifier les placements tout en bénéficiant d’une fiscalité avantageuse après huit ans. Elle peut intégrer des fonds en euros (sécurisés) et des unités de compte (actions, obligations, ETF), offrant un bon compromis entre sécurité et rendement.

« Beaucoup de nos clients, confrontés à cette mesure, optent pour une assurance-vie en unités de compte ciblées sur les dividendes », explique Julien Mercier, conseiller financier à Bordeaux. « Ils cherchent à reproduire la stabilité du Livret A, mais avec un potentiel de rendement supérieur. »

Les SCPI et OPCI : investir dans l’immobilier sans être propriétaire

Pour ceux qui souhaitent investir dans l’immobilier sans les contraintes de gestion, les Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI) offrent une alternative solide. Elles permettent de détenir des parts de patrimoines locatifs (bureaux, commerces, résidences médicales) et de percevoir des revenus réguliers.

« Une SCPI bien choisie peut rapporter entre 4 et 5 % net par an », précise Julien Mercier. « C’est bien au-dessus du taux du Livret A, même si la capital n’est pas garanti et que la liquidité est limitée. »

Les fonds à dividendes et ETF : pour les profils plus avertis

Les fonds d’investissement cotés (ETF) sur des indices de dividendes ou des secteurs stables (énergie, santé, utilities) attirent les épargnants prêts à accepter une volatilité modérée. « Ce n’est pas adapté à tout le monde », nuance Élise Vernier. « Mais pour un épargnant comme Thomas, qui a besoin de revenus réguliers, un ETF sur le CAC 40 High Dividend peut être une option intéressante, surtout s’il est investi progressivement. »

Comment anticiper et construire une stratégie adaptée ?

La clé, selon les professionnels, réside dans l’anticipation et la personnalisation. « Il ne s’agit pas de tout déplacer du jour au lendemain », insiste Julien Mercier. « Il faut analyser sa situation globale : âge, revenus, charges, projets à court et moyen terme. »

Des simulations personnalisées peuvent aider à évaluer les rendements potentiels et les risques. Par exemple, placer 5 000 euros gelés dans une assurance-vie à 4 % de rendement annuel moyen sur 10 ans permettrait de générer environ 6 000 euros de plus-value, contre moins de 1 200 euros en laissant l’argent sur le Livret A (avec un taux estimé à 2,2 % en 2025).

Thomas Leroi, après plusieurs entretiens avec un conseiller, a opté pour une stratégie en trois temps : 3 000 euros versés dans une assurance-vie sécurisée, 1 500 euros investis dans une SCPI spécialisée dans les logements étudiants, et le reste conservé en attente d’un projet immobilier à Toulouse, où vit sa fille.

« Je ne suis pas devenu un trader du jour au lendemain », sourit-il. « Mais je me sens moins passif. J’ai l’impression de reprendre le contrôle. »

Quels sont les risques à ne pas sous-estimer ?

Le passage d’un produit sans risque à des placements plus dynamiques comporte des dangers. La volatilité des marchés, les frais de gestion, la complexité fiscale ou encore le manque de liquidité peuvent surprendre les épargnants non avertis.

Élise Vernier met en garde : « L’erreur serait de tout placer dans un seul actif sous prétexte qu’il rapporte plus. La diversification reste la règle d’or. Et il faut accepter que certains placements prennent du temps pour porter leurs fruits. »

De plus, le gel ne concerne que le Livret A. D’autres produits, comme le LDDS ou le PEL, restent soumis à des règles différentes, mais pourraient faire l’objet de mesures similaires dans les années à venir. « Ce n’est peut-être que le début d’une réorientation plus large de l’épargne des Français », estime-t-elle.

Conclusion : une contrainte qui pousse à l’évolution

Le gel des montants excédant 24 000 euros sur le Livret A marque un tournant dans la politique économique française. Ce n’est pas seulement une mesure de régulation, mais un signal fort adressé aux épargnants : il est temps de passer d’une logique de précaution à une logique d’engagement. Pour certains, ce sera une source de stress. Pour d’autres, une opportunité de mieux comprendre leur patrimoine et de le faire fructifier.

Comme le rappelle Camille Fournier : « L’argent, quand il dort, ne travaille pas. Et aujourd’hui, on nous demande de le réveiller. »

A retenir

Quel est le montant exact gelé sur le Livret A ?

Toute somme dépassant 24 000 euros sur un Livret A sera inaccessible sans autorisation bancaire à compter du 22 septembre 2025. Le capital initial et les intérêts restent la propriété de l’épargnant, mais leur utilisation est encadrée.

Pourquoi cette mesure est-elle mise en place ?

Elle vise à lutter contre la stérilisation excessive de l’épargne dans des produits sans risque, afin de relancer l’investissement productif et de mieux contrôler l’inflation. L’accumulation massive de liquidités dans les Livrets A freine la circulation de la monnaie dans l’économie réelle.

Le capital est-il perdu ou confisqué ?

Non. Les fonds gelés ne sont ni perdus ni confisqués. Ils restent la propriété du titulaire du compte, mais leur retrait ou transfert nécessite une demande justifiée et une validation par l’établissement bancaire.

Quelles sont les alternatives les plus sûres pour réinvestir ?

Les alternatives dépendent du profil de l’épargnant, mais les assurances-vie en fonds euros, les SCPI de rendement, et les fonds à dividendes sont souvent recommandés pour leur équilibre entre sécurité et potentiel de rendement. La consultation d’un conseiller financier est fortement conseillée.

Peut-on contourner cette mesure en ouvrant plusieurs Livrets A ?

Non. La limite de 24 000 euros s’applique par personne, et non par compte. Il est impossible de multiplier les Livrets A pour dépasser le seuil. Les banques et la Caisse des Dépôts disposent des outils pour détecter ce type de contournement.