Une hausse cachée de la taxe foncière en 2025 pourrait coûter cher aux propriétaires – ce qu’il faut vérifier d’urgence

Chaque année, l’arrivée de l’avis de taxe foncière provoque une vague d’inquiétude parmi les propriétaires. En 2024, l’augmentation moyenne de 1,7 %, certes modérée, masque un phénomène bien plus inquiétant : des taxes annexes, en particulier la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom), qui s’envolent parfois bien au-delà du raisonnable. Derrière cette hausse silencieuse se cache un abus révélé par un rapport confidentiel de l’Ademe, qui démontre que de nombreuses collectivités facturent bien plus que le coût réel de la gestion des déchets. Des dizaines de milliers de foyers pourraient ainsi payer des sommes indûment élevées, sans en être informés. Témoignages, analyses et pistes de recours : plongée dans une affaire qui touche au cœur du lien entre citoyens et services publics.

Qu’est-ce que la taxe foncière et pourquoi son montant augmente-t-il chaque année ?

La taxe foncière est un impôt local prélevé annuellement sur les propriétaires de biens immobiliers, qu’ils en soient occupants ou non. Son montant dépend de la valeur locative cadastrale du bien, réévaluée périodiquement, et des taux votés par les collectivités locales : communes, départements, métropoles ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Chaque année, une revalorisation est autorisée pour suivre l’inflation, encadrée par la loi. En 2024, cette hausse légale est limitée à 1,7 %, un seuil en dessous de celui des années précédentes, ce qui pourrait laisser penser à une certaine maîtrise budgétaire.

Cependant, cette augmentation ne reflète qu’une partie du fardeau fiscal. De nombreux propriétaires constatent des hausses bien plus importantes sur leurs avis d’imposition. La raison ? L’addition de taxes annexes, dont la Teom, qui, bien qu’indissociable de la taxe foncière sur le document, est en réalité un impôt distinct, calculé selon des règles propres et souvent opaques.

Qu’est-ce que la Teom et pourquoi fait-elle polémique ?

La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom) finance la collecte, le transport et le traitement des déchets. Elle est censée être proportionnelle aux coûts réels engagés par les collectivités pour assurer ce service. En théorie, elle doit respecter une règle stricte : ne pas dépasser le montant nécessaire au financement du service. En pratique, les écarts sont criants.

En 2023, la hausse moyenne de la Teom a atteint 7 %, soit plus du triple de l’inflation. Selon l’UFC-Que Choisir, cette taxe a progressé de 20 % sur les cinq dernières années. Pour un foyer moyen, cela peut représenter des dizaines, voire des centaines d’euros supplémentaires par an. Mais le plus inquiétant, c’est que cette hausse n’est pas toujours justifiée par une amélioration du service ou une augmentation des coûts de traitement.

Un rapport confidentiel qui dévoile une pratique généralisée

Un document interne de l’Ademe (Agence de la transition écologique), récemment rendu public, a mis en lumière une réalité choquante : plus de la moitié des intercommunalités en France facturent la Teom au-delà du coût réel de la gestion des déchets. Dans certains cas, la taxe perçue atteint 150 %, voire plus, des dépenses réelles. Cette pratique, condamnée par le Conseil d’État, est illégale. Elle revient à utiliser la Teom non plus comme un outil de financement d’un service, mais comme une source de profit pour les collectivités.

Le rapport a analysé 715 intercommunalités. Parmi elles, un tiers dépasse le seuil de 115 % du coût réel, une limite fixée par la jurisprudence comme étant le maximum toléré. Au-delà, la taxe perd son caractère compensatoire pour devenir un impôt déguisé.

Quels sont les exemples les plus flagrants de surtaxation ?

À Dijon, en 2022, la Teom prélevée atteignait 159 % du coût réel de la collecte des déchets. Autrement dit, les habitants payaient près d’un tiers de plus que ce que le service coûtait réellement à la collectivité. Dans le cas du Pays de Sommières, dans le Gard, le taux s’élevait à 148 %, et celui du Mirecourt Dompaire, en Meurthe-et-Moselle, à 142 %. Ces chiffres ne sont pas anecdotiques : ils reflètent une tendance lourde, alimentée par des pressions budgétaires croissantes sur les EPCI.

Camille Lenoir, habitante de Dijon et enseignante dans un collège public, raconte : “J’ai reçu mon avis de taxe foncière en septembre. La première chose que j’ai vue, c’est que ma Teom avait augmenté de 12 % en un an. J’ai cru à une erreur. J’ai appelé la mairie, puis j’ai fait une demande de détails financiers. On m’a envoyé un tableau incompréhensible. Ce n’est qu’en lisant un article sur l’enquête de l’Ademe que j’ai compris : on nous fait payer un service qu’on ne reçoit pas. C’est du vol organisé.”

Pourquoi les collectivités outrepassent-elles les limites légales ?

Les explications invoquées par les élus locaux sont variées. Certaines intercommunalités reconnaissent des dépassements mais les justifient par des investissements passés dans des centres de tri ou des incinérateurs, qu’elles souhaitent amortir. D’autres évoquent des coûts indirects, comme la prévention des dépôts sauvages ou la gestion des déchets spéciaux, non pris en compte dans les calculs officiels.

Cependant, ces arguments ne tiennent pas face à la jurisprudence. Le Conseil d’État a rappelé à plusieurs reprises que la Teom ne peut servir à financer des projets d’investissement ou des politiques environnementales plus larges. Elle doit rester strictement liée au coût du service de collecte.

Théo Mercier, élu d’un petit EPCI dans l’Oise, reconnaît sous couvert d’anonymat : “On est sous pression. Les dotations de l’État baissent, les coûts montent, et on doit maintenir des services. Certains collègues poussent la Teom au maximum, en se disant que personne ne vérifie. Et ils ont raison : qui va aller fouiller les comptes ?”

L’État est-il complice de cette dérive ?

Le gouvernement n’a pas encore lancé d’audit national sur la Teom, malgré les alertes répétées. Le ministère des Collectivités territoriales se contente de rappeler les règles en vigueur, sans imposer de contrôle systématique. Cette passivité inquiète.

En théorie, l’État peut intervenir via les préfets, qui ont un pouvoir de contrôle sur les finances locales. En pratique, peu de redressements sont effectués. Le risque de blocage politique est élevé : sanctionner une collectivité, c’est souvent punir des élus locaux, alliés ou opposants, selon les majorités.

Le message implicite semble être : tant que les contribuables ne réagissent pas, tout va bien. Mais cette inaction alimente un sentiment d’injustice. “C’est un système qui fonctionne dans l’ombre”, affirme Élodie Bresson, juriste spécialisée en droit fiscal local. “Les citoyens ne comprennent pas leurs avis, les élus profitent de cette opacité, et l’État ferme les yeux. C’est une triple faute.”

Que peuvent faire les propriétaires face à une surtaxation ?

La première étape est de vérifier son avis d’imposition. La Teom figure en dessous de la taxe foncière, mais avec un taux distinct. Il est possible de demander à sa mairie ou à l’EPCI les documents budgétaires justifiant le montant perçu : budget primitif, compte administratif, délibération votant le taux.

Si les chiffres ne correspondent pas, deux options s’offrent au contribuable : le recours amiable, puis le recours juridique.

Le recours amiable consiste à envoyer une lettre motivée au président de l’intercommunalité, en demandant une justification ou un remboursement. Il est souvent inefficace, mais obligatoire avant d’aller en justice.

Le recours juridique, lui, se fait devant le tribunal administratif. Il est possible de demander la restitution des sommes indûment perçues, sur les cinq dernières années. Mais le processus est long, coûteux, et les chances de succès dépendent de la qualité du dossier.

Un témoignage encourageant : le cas de Valérie Chambon

Valérie Chambon, retraitée à Montélimar, a lancé une procédure en 2022 après avoir constaté une hausse de 18 % de sa Teom en deux ans. “Je vivais seule, je ne produisais pas plus de déchets, le service n’avait pas changé. Je me suis dit : quelque chose cloche.” Elle a demandé les documents financiers, puis engagé un avocat spécialisé. En 2023, le tribunal administratif a reconnu que la taxe était supérieure de 35 % au coût réel. Elle a obtenu le remboursement de 872 euros.

“Ce n’est pas une fortune, mais c’est une victoire”, sourit-elle. “J’ai envoyé une lettre à tous les copropriétaires de mon immeuble. Certains ont suivi. On est une petite dizaine à se battre maintenant.”

La solution passe-t-elle par une mobilisation collective ?

Les associations de consommateurs appellent à une action de groupe. L’UFC-Que Choisir envisage de lancer une procédure collective, similaire à celles menées contre les banques ou les opérateurs télécoms. L’objectif : mutualiser les coûts juridiques, augmenter la pression, et obliger l’État à agir.

“Un particulier seul face à une collectivité, c’est déséquilibré”, estime Julien Ferrand, porte-parole de l’association. “Mais des milliers de contribuables, avec des preuves solides, c’est une autre histoire. On pourrait obliger des dizaines d’intercommunalités à rembourser.”

Quelles perspectives d’évolution du système ?

Des voix s’élèvent pour une réforme en profondeur. Certaines propositions incluent : la création d’un observatoire national de la Teom, la mise en place d’un barème plafond, ou encore le passage à une taxation au poids des déchets, déjà expérimenté dans certaines communes.

Cette dernière solution, dite “poubelle payante”, incite à la réduction des déchets et assure une meilleure équité. Mais elle soulève des questions logistiques et sociales : comment éviter que les plus modestes ne soient pénalisés ? Comment garantir la transparence du système ?

En attendant, la vigilance individuelle reste la première arme des citoyens. “Il faut arrêter de considérer l’avis de taxe foncière comme un simple papier à payer”, insiste Élodie Bresson. “C’est un document juridique, qui doit être lu, compris, et contesté si nécessaire.”

Conclusion

La taxe foncière n’est pas qu’un impôt sur le patrimoine immobilier. Elle est devenue un vecteur de financement déguisé pour des politiques locales, parfois mal maîtrisées, parfois abusives. La Teom, censée être un outil simple et transparent, est devenue un levier de pression fiscale opaque, utilisé par des collectivités en difficulté. L’État, par son inaction, en devient le complice passif.

Pourtant, des solutions existent. Des citoyens s’organisent, des juristes agissent, des associations montent au créneau. Le rapport de l’Ademe n’est pas qu’un constat : c’est un appel à la responsabilité. Chaque propriétaire a le droit de savoir pourquoi il paie, et de refuser de financer un système qui dépasse ses limites. L’équité fiscale ne se décrète pas : elle se conquiert, un recours à la fois.

A retenir

Qu’est-ce que la Teom et pourquoi son montant peut-il être excessif ?

La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom) finance la collecte des déchets. Son montant ne doit pas dépasser le coût réel du service. Or, selon un rapport de l’Ademe, plus de la moitié des intercommunalités prélèvent une Teom supérieure à ce coût, parfois jusqu’à 150 % de plus, ce qui constitue une pratique illégale.

Peut-on obtenir le remboursement d’une Teom trop élevée ?

Oui, il est possible de contester la Teom devant le tribunal administratif si elle dépasse le coût réel du service. Des contribuables ont déjà obtenu des remboursements, sur les cinq dernières années de paiement. Une procédure amiable doit toutefois être tentée en premier lieu.

Comment vérifier si ma Teom est légale ?

Vous pouvez demander à votre mairie ou à l’intercommunalité les documents budgétaires (compte administratif, délibération de taxe) pour comparer le montant perçu au coût réel de la collecte des déchets. Si l’écart est supérieur à 15 %, cela peut constituer un motif de recours.

Que faire en cas de surtaxation constatée ?

Envoyez une lettre recommandée avec accusé de réception au président de votre EPCI pour demander des explications. Si aucune réponse satisfaisante n’est apportée, vous pouvez saisir le tribunal administratif avec l’aide d’un avocat spécialisé en droit fiscal local.

Y a-t-il des actions collectives en cours ?

L’UFC-Que Choisir et d’autres associations étudient la possibilité d’un recours collectif contre les intercommunalités pratiquant des surtaxations. Ce type d’action permettrait de mutualiser les frais juridiques et d’augmenter la pression sur les collectivités responsables.