Alors que les ménages français tentent de stabiliser leurs budgets face à une inflation persistante, une nouvelle hausse du prix de l’abonnement au gaz vient compliquer la donne. À partir d’août 2025, les consommateurs verront leur facture s’alourdir, malgré une légère baisse du prix du kilowattheure. Cette évolution, orchestrée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), s’inscrit dans un contexte de réforme fiscale profonde, mais elle ravive les inquiétudes des foyers déjà fragilisés. Derrière les chiffres, ce sont des réalités vécues, des choix contraints, et parfois des décisions radicales. À travers des témoignages concrets et une analyse fine des mécanismes en jeu, découvrons ce que signifie cette nouvelle étape dans la crise énergétique française.
Quelle est l’origine de cette nouvelle hausse du gaz ?
La cause principale de cette augmentation réside dans un changement de fiscalité. Jusqu’ici, la TVA sur l’abonnement au gaz était de 5,5 %, un taux réduit bénéficiant aux services considérés comme essentiels. En revanche, le prix du kWh était soumis à la TVA au taux plein de 20 %. La loi de finances pour 2025 a mis fin à cette disparité en alignant la TVA de l’abonnement sur le taux plein. Une harmonisation justifiée par les autorités comme une nécessité pour respecter le droit européen, mais dont l’impact financier est loin d’être neutre pour les ménages.
Le raisonnement officiel repose sur une compensation : la réduction de l’accise sur le gaz devrait, en théorie, contrebalancer la hausse de TVA. Mais dans la pratique, les consommateurs constatent une augmentation nette de leur facture. C’est le cas de Camille Lefebvre, enseignante dans une petite ville du Loiret. « Je paie désormais 37 euros par mois d’abonnement, contre 28 il y a deux ans. Même si je consomme moins, la base est plus chère. C’est comme si on me demandait de payer plus pour le simple droit d’être raccordée au réseau », déplore-t-elle.
Cette réforme s’inscrit dans un mouvement plus large de transformation du marché de l’énergie. Depuis la suppression du tarif réglementé du gaz en juin 2023, les consommateurs dépendent entièrement des offres commerciales des fournisseurs. Ces derniers s’appuient souvent sur le « prix repère » fixé par la CRE, qui devient donc un indicateur crucial. Toute variation à la hausse de ce repère se répercute rapidement sur les contrats, surtout ceux dits « indexés ».
Comment le prix repère a-t-il évolué ces dernières années ?
Le prix repère du gaz a connu une inflation continue depuis 2023. Il ne s’agit pas d’une simple fluctuation, mais d’une tendance structurelle. En trois ans, les hausses cumulées ont profondément transformé la facture moyenne des foyers. Prenons l’exemple d’un ménage modeste, utilisant environ 760 kWh par an pour la cuisson et l’eau chaude. En 2023, sa dépense annuelle tournait autour de 183 euros. En 2024, elle atteignait 214 euros. Et en 2025, avec la nouvelle hausse, elle franchit la barre des 238 euros. Une augmentation de plus de 30 % en deux ans.
Pour les foyers utilisant le gaz comme principal mode de chauffage, la situation est encore plus préoccupante. Un consommateur comme Théo Mercier, habitant une maison ancienne en Bretagne, consomme près de 17 000 kWh par an. « En 2023, je payais 1 685 euros. Cette année, je vais dépasser 2 160 euros. C’est plus d’une centaine d’euros par mois. Et pourtant, je n’ai pas changé mes habitudes », explique-t-il. Son témoignage reflète une réalité partagée par des milliers de ménages, notamment dans les zones rurales ou mal isolées, où le gaz reste l’énergie la plus accessible.
Cette évolution du prix repère illustre aussi la volatilité du marché de l’énergie, même lorsque les prix à la production baissent. En 2025, le prix du gaz européen a reculé de 17 % par rapport à l’année précédente, mais cela ne s’est pas traduit par une baisse significative pour les consommateurs. Pourquoi ? Parce que les composantes fixes de la facture – comme l’abonnement – pèsent de plus en plus lourd, et que les taxes et réglementations locales modifient la transmission des économies.
Pourquoi les fournisseurs ne compensent-ils pas cette hausse ?
Les fournisseurs d’énergie, eux aussi, sont pris dans un engrenage. Contrairement aux idées reçues, ils n’ont pas toujours la marge de manœuvre pour absorber les hausses de coûts. En particulier ceux qui proposent des offres indexées sur le prix repère. Leur marge est souvent serrée, et toute augmentation des coûts d’approvisionnement ou de fiscalité doit être répercutée.
Élodie Rambert, responsable clientèle chez un fournisseur alternatif, explique : « Nous négocions nos contrats en amont, mais quand la CRE modifie le prix repère, nous devons adapter nos offres sous peine de perdre de l’argent. Et les consommateurs, à juste titre, nous reprochent ces hausses, même si nous ne les décidons pas. »
Par ailleurs, la concurrence entre fournisseurs s’est intensifiée depuis la libéralisation du marché. Certains jouent la carte de la stabilité tarifaire à court terme, mais au prix de marges réduites ou de clauses opaques. D’autres, comme les fournisseurs historiques, ajustent leurs tarifs progressivement, ce qui peut donner l’illusion d’un moindre impact. Mais la tendance générale reste à la hausse.
Les inégalités territoriales : pourquoi tout le monde ne paie pas le même prix ?
Une autre source de frustration pour les consommateurs réside dans les disparités régionales. Le réseau gazier français est géré à la fois par GRDF, qui couvre 95 % du territoire, et par des Entreprises locales de distribution (ELD), présentes dans certaines zones, notamment en Alsace, en Moselle ou dans des villes comme Paris ou Lyon.
Ces ELD fixent leurs propres tarifs, en fonction de coûts d’infrastructure, de maintenance, et parfois de logiques commerciales spécifiques. Résultat : deux foyers situés à quelques kilomètres de distance, avec des consommations identiques, peuvent payer des abonnements très différents. C’est le cas d’Aurélien Dubois, habitant à la frontière entre la Meurthe-et-Moselle et la Meuse. « Mon voisin, de l’autre côté de la route, paie 32 euros d’abonnement. Moi, j’en paie 41. On utilise le même chauffe-eau, on a les mêmes habitudes. La seule différence, c’est que je suis desservi par une ELD », raconte-t-il.
Ces inégalités alimentent un sentiment d’injustice, d’autant plus que les consommateurs n’ont pas le choix de leur gestionnaire de réseau. Ils sont assignés selon leur localisation, sans possibilité de basculer vers un autre opérateur, même s’il propose des tarifs plus avantageux.
Quelles solutions concrètes pour les ménages ?
Faut-il pour autant baisser les bras ? Non. Malgré un contexte contraint, plusieurs leviers restent accessibles aux consommateurs. Le premier : la comparaison active des offres. Les comparateurs en ligne permettent de croiser des centaines de contrats en quelques clics, en affichant non seulement le prix du kWh, mais aussi le montant de l’abonnement, les conditions de résiliation, ou les options de modulation.
Clara Nguyen, ingénieure en transition énergétique, a changé de fournisseur trois fois en deux ans. « Chaque fois, j’ai gagné entre 80 et 150 euros par an. Ce n’est pas énorme, mais cumulé à d’autres mesures, ça fait une vraie différence. Et changer de fournisseur prend moins de dix minutes. »
Le second levier est la maîtrise de la consommation. Cela passe par des gestes simples : régler le chauffage à 19°C, couper l’eau chaude quand on se savonne, ventiler correctement les pièces. Mais aussi par des investissements plus structurants : isolation des combles, remplacement des fenêtres anciennes, installation d’un chauffe-eau thermodynamique.
Théo Mercier, dont la facture a explosé, a investi 4 000 euros dans l’isolation de sa maison. « C’était dur à financer, j’ai pris un éco-prêt. Mais dès la première année, j’ai réduit ma consommation de 25 %. Je pense que l’investissement sera amorti en cinq ans. Et surtout, je me sens moins vulnérable aux hausses futures. »
Enfin, certains ménages envisagent de changer complètement de source d’énergie. Pompe à chaleur, chauffage au bois, ou passage à l’électricité. Mais ces solutions ne sont pas accessibles à tous, notamment en copropriété ou pour des logements anciens. Le coût initial, les travaux, les délais d’installation : autant d’obstacles qui freinent la transition.
Quelles perspectives pour l’avenir ?
À moyen terme, la trajectoire du gaz en France reste incertaine. D’un côté, l’Union européenne pousse à la sortie progressive des énergies fossiles, avec des objectifs de neutralité carbone d’ici 2050. De l’autre, le gaz reste encore aujourd’hui une énergie clé pour des millions de foyers, notamment en l’absence d’alternatives immédiates et abordables.
Les politiques publiques devront probablement s’adapter. Subventions ciblées, accompagnement des ménages les plus vulnérables, ou encore régulation des marges des fournisseurs : autant de pistes discutées, mais encore insuffisamment mises en œuvre.
En attendant, la vigilance des consommateurs reste essentielle. Comme le souligne Camille Lefebvre : « On ne peut pas contrôler les décisions de Bruxelles ou de la CRE. Mais on peut choisir de ne pas subir. Comparer, agir, s’organiser… c’est déjà une forme de résistance. »
A retenir
Pourquoi le prix de l’abonnement au gaz augmente-t-il en août 2025 ?
La hausse est principalement due à l’application d’un taux de TVA de 20 % sur l’abonnement, qui passait de 5,5 %. Cette mesure, inscrite dans la loi de finances 2025, vise à harmoniser la fiscalité du gaz avec les règles européennes, mais elle alourdit la facture des consommateurs malgré une baisse du prix du kWh.
Le prix du gaz baisse-t-il en 2025 ?
Oui, le prix du gaz sur les marchés européens a baissé de 17 % en 2025. Cependant, cette baisse ne se traduit pas par une diminution significative de la facture des ménages français, car elle est compensée par la hausse de l’abonnement et des composantes fiscales.
Est-ce que tous les foyers sont affectés de la même manière ?
Non. L’impact varie selon la consommation, le type de logement, et surtout la localisation. Les foyers desservis par des Entreprises locales de distribution (ELD) peuvent connaître des hausses plus importantes que ceux raccordés à GRDF, en raison de tarifs d’abonnement différents.
Que peut faire un ménage pour réduire sa facture de gaz ?
Plusieurs actions sont possibles : comparer les offres de fournisseurs pour trouver un contrat plus avantageux, adopter des gestes de sobriété énergétique, améliorer l’isolation du logement, ou envisager un changement de mode de chauffage, comme la pompe à chaleur, si les conditions le permettent.
La hausse de la TVA sur l’abonnement est-elle compensée par d’autres mesures ?
Les autorités affirment que cette hausse est neutre car compensée par une baisse de l’accise. Toutefois, dans les faits, les ménages constatent une augmentation nette de leur facture annuelle, notamment parce que l’abonnement est une charge fixe qui s’applique même en cas de faible consommation.