À partir du 1er novembre 2025, un changement structurel s’imposera à près de 11 millions de foyers français équipés d’un contrat heures pleines/heures creuses. Ce n’est plus seulement une évolution technique, mais une transformation profonde de nos habitudes énergétiques, pilotée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et Enedis. L’objectif ? Synchroniser la consommation électrique des ménages avec la production réelle d’électricité, notamment celle issue du solaire, qui connaît un essor considérable. Ce nouvel équilibre, attendu comme une réponse aux enjeux climatiques et à la saturation du réseau, va redéfinir non seulement quand nous consommons, mais aussi comment nous vivons l’électricité au quotidien. Entre adaptation technologique, contraintes pratiques et opportunités économiques, les nouveaux horaires des heures creuses s’annoncent comme un tournant silencieux mais décisif.
Qu’est-ce qui change concrètement à partir de novembre 2025 ?
Le principe des 8 heures à tarif réduit par jour est maintenu, mais leur répartition évolue. Jusqu’ici, les heures creuses étaient majoritairement nocturnes, souvent situées entre minuit et 8 heures du matin. À partir de 2025, une partie de ces heures sera décalée en journée, notamment entre 11h et 17h, surtout durant les mois d’été. Cette modification concerne environ 11 millions de ménages sur les 14,5 millions bénéficiant du tarif HP/HC, soit une large majorité des utilisateurs.
La logique est simple : les panneaux solaires produisent leur maximum d’électricité en milieu de journée, en particulier sous le soleil estival. Or, cette production massive coïncide souvent avec une faible consommation domestique, ce qui oblige à stocker ou à rejeter de l’énergie. En déplaçant une partie des heures creuses en journée, on incite les foyers à consommer à ce moment-là, réduisant ainsi les tensions sur le réseau et optimisant l’usage de l’électricité verte.
Chaque foyer conservera toutefois au moins 5 heures creuses consécutives la nuit, garantissant une plage suffisante pour recharger les véhicules électriques ou faire tourner les appareils en différé. Ce compromis vise à préserver une certaine continuité tout en ouvrant de nouvelles fenêtres d’opportunité.
Pourquoi une plage creuse en journée ?
Le choix de positionner des heures creuses en journée n’est pas anodin. Il s’inscrit dans une stratégie nationale de transition énergétique. Comme l’explique Nicolas Deloge, directeur des réseaux à la CRE, “les modes de consommation ont changé : télétravail, programmation d’appareils, montée en puissance du photovoltaïque… Le réseau doit s’adapter à ces nouvelles réalités”.
Prenez le cas d’Élodie Rambert, enseignante en télétravail à Montpellier. “Avant, je ne faisais tourner mon lave-vaisselle qu’à 22h, pour profiter des heures creuses. Mais maintenant, avec les enfants à la maison et les repas du midi, j’aimerais pouvoir l’utiliser après le déjeuner. Si les heures creuses passent à 13h, ce sera parfait.” Son témoignage illustre bien comment cette réforme peut devenir un atout pratique, à condition d’être anticipée.
Le défi, cependant, reste de taille pour les profils aux habitudes rigides. Les travailleurs de nuit, les retraités ou les personnes vivant seules peuvent voir leurs routines bouleversées. “Je me couche à 20h et je me lève à 3h du matin. Si mes heures creuses passent en journée, je risque de les rater complètement”, s’inquiète René Vasseur, 72 ans, ancien cheminot à Lille.
Comment serai-je informé du changement ?
Le déploiement sera progressif entre novembre 2025 et fin 2027. Chaque foyer concerné recevra une notification de son fournisseur d’électricité — par courrier ou par e-mail — au moins un mois avant la mise en œuvre du nouveau calendrier. Il est donc crucial de surveiller sa boîte aux lettres et sa messagerie, y compris les spams.
Attention : les nouvelles plages horaires seront déterminées selon des critères techniques locaux, liés à la capacité du réseau dans chaque zone. Cela signifie que deux voisins, même raccordés au même compteur Linky, pourraient avoir des heures creuses différentes. “C’est un peu déroutant”, admet Sophie Lenoir, habitante de Toulouse. “Mon frère, à 500 mètres de chez moi, a des horaires différents. On ne comprend pas pourquoi, mais apparemment, c’est lié à la charge du transformateur local.”
Une fois attribuées, ces plages ne seront pas modifiables. Si elles ne correspondent pas à vos besoins, la seule solution sera de changer d’option tarifaire — passer, par exemple, au tarif de base ou à l’option Tempo, qui propose des jours verts, blancs et rouges selon la demande nationale.
Faut-il reprogrammer tous ses appareils ?
Pas tous, mais certains oui. Les équipements programmables comme les lave-linge, lave-vaisselle ou sèche-linge devront être reconfigurés manuellement pour s’aligner sur les nouvelles plages. En revanche, les appareils pilotés directement par le compteur Linky, comme les chauffe-eaux électriques ou certains systèmes de chauffage, s’ajusteront automatiquement.
“Mon ballon d’eau chaude est piloté par Linky. Quand j’ai appelé Enedis, on m’a confirmé qu’il suivrait automatiquement les nouvelles heures creuses. C’est un soulagement”, confie Mehdi Kassir, installateur photovoltaïque à Nîmes. “Mais j’ai dû reprogrammer mon lave-linge moi-même, car il ne se connecte pas au réseau.”
Pour les véhicules électriques, la situation est rassurante : les 5 heures creuses nocturnes restantes permettent une recharge complète. “Même si j’ai des heures creuses en journée, je préfère charger la nuit, quand tout le monde dort. C’est plus tranquille”, explique Camille Berthier, fonctionnaire à Lyon. “Et puis, avec 5 heures, j’ai largement assez pour mes 40 km quotidiens.”
Et pour les foyers avec panneaux solaires ?
Les propriétaires d’installations photovoltaïques sont particulièrement concernés. Si leur production excède leur autoconsommation, l’excédent est injecté dans le réseau. Avec des heures creuses en journée, il devient plus intéressant de consommer sa propre production à ce moment-là — par exemple en lançant le lavage ou en faisant chauffer l’eau.
“Avant, je vendais mon surplus de jour et je rachetais cher la nuit. Maintenant, si je peux décaler ma consommation, je gagne sur les deux tableaux”, analyse Lina M’Barek, architecte à Aix-en-Provence. “J’ai installé un gestionnaire d’énergie intelligent qui priorise l’usage du courant solaire en temps réel. Avec les nouvelles heures creuses, c’est encore plus pertinent.”
Cependant, la réforme ne change pas les conditions de rachat de l’électricité excédentaire par EDF OA. Les tarifs restent fixes, indépendants des plages horaires. L’avantage principal reste donc une meilleure autoconsommation, et non une rémunération accrue.
Quel impact sur la facture ?
Le but de cette réforme est de maintenir, voire de réduire, la facture des ménages. En alignant la consommation sur les périodes de production solaire, on évite les surcoûts liés à la gestion du réseau. Mais cela suppose une adaptation des usages.
“Si vous continuez à faire tourner vos appareils aux anciennes heures creuses, vous risquez de payer plus cher”, alerte Nicolas Deloge. “Le tarif bas ne s’appliquera plus à ces horaires.”
En pratique, les foyers bien organisés pourraient voir leurs économies augmenter. Ceux qui ne s’adapteront pas, en revanche, pourraient subir une hausse de 5 à 10 % de leur facture, selon les estimations d’associations de consommateurs. “Il faut voir ça comme une opportunité, pas comme une contrainte”, estime Thomas Goulet, conseiller énergie dans une agence locale à Bordeaux. “Ceux qui investissent un peu de temps pour comprendre le nouveau système en sortiront gagnants.”
Quelles alternatives si les nouvelles plages ne me conviennent pas ?
Si les nouvelles heures creuses ne s’adaptent pas à votre rythme de vie, plusieurs options existent. Le tarif de base, sans distinction entre heures pleines et creuses, peut être plus simple pour les personnes aux horaires irréguliers. Il est souvent plus cher, mais plus prévisible.
Le tarif Tempo, quant à lui, propose un découpage plus fin : 22 jours rouges (haut tarif), 65 jours blancs (tarif standard) et 278 jours bleus (tarif bas) par an. Il peut être avantageux pour les ménages capables de décaler fortement leur consommation. “J’ai basculé sur Tempo l’an dernier”, raconte Jeanne Dubreuil, retraitée à Rennes. “Je sais que je dois éviter de faire tourner le chauffage les jours rouges. En échange, j’ai des tarifs très bas les jours bleus. Avec un peu de rigueur, on peut vraiment économiser.”
Enfin, certains fournisseurs proposent des offres alternatives, comme les “heures 100 % gratuites” lancées par Engie pour les clients gaz+électricité. Ces offres, souvent conditionnées à des durées limitées ou à des seuils de consommation, peuvent intéresser les foyers très réactifs.
Conclusion
La réforme des heures creuses à partir de 2025 n’est pas une simple modification horaire. C’est une réinvention du rapport entre production et consommation d’électricité. Elle s’inscrit dans une logique d’efficacité, de sobriété et d’optimisation des ressources renouvelables. Si elle impose une adaptation, elle ouvre aussi des portes : plus de souplesse, des économies potentielles, une meilleure intégration de l’énergie solaire.
Le défi, pour les ménages, sera de s’approprier ces nouveaux rythmes. Ceux qui anticiperont, reprogrammeront leurs appareils et ajusteront leurs usages sortiront renforcés. Les autres risquent de payer le prix d’une inertie. Dans un système énergétique de plus en plus intelligent, la clé du succès reste l’information, la préparation et la capacité d’adaptation.
A retenir
Quand commence la réforme des heures creuses ?
Le changement s’appliquera à partir du 1er novembre 2025, mais sera mis en œuvre progressivement jusqu’à fin 2027, selon les zones géographiques.
Combien d’heures creuses aurai-je par jour ?
Le total reste de 8 heures par jour, mais leur répartition change : une partie sera en journée (11h-17h en été), et au moins 5 heures consécutives seront conservées la nuit.
Vais-je être informé de mon nouveau planning ?
Oui, votre fournisseur d’électricité vous enverra une notification par courrier ou e-mail au moins un mois avant la modification.
Pourquoi mes heures creuses pourraient-elles différer de celles de mon voisin ?
Les plages sont définies selon les contraintes techniques locales du réseau électrique. Deux foyers proches peuvent donc avoir des horaires différents.
Dois-je changer mes équipements ?
Non, mais vous devrez reprogrammer manuellement les appareils non pilotés par Linky. Les chauffe-eaux et systèmes connectés s’ajusteront automatiquement.
Et si les nouvelles plages ne me conviennent pas ?
Vous pouvez changer d’option tarifaire : passer au tarif de base ou à l’option Tempo. Vous n’aurez pas la possibilité de choisir vos heures creuses, mais vous pourrez adapter votre contrat à votre mode de vie.