L’hôpital du Mans, longtemps marqué par les tensions liées à la pénurie médicale et à la pression croissante sur les services, affiche aujourd’hui des signes tangibles de redressement. En cinq ans, l’établissement a réussi à recruter une centaine de médecins en équivalent temps plein, un chiffre qui témoigne d’une stratégie ambitieuse et d’une transformation profonde de son organisation. Cette progression s’inscrit dans un contexte national tendu, où de nombreux hôpitaux peinent à pourvoir leurs postes. Pourtant, le Mans parvient à inverser la tendance, attirant des professionnels de santé grâce à une politique de recrutement innovante, un climat de travail amélioré et des projets médicaux stimulants. Derrière ces chiffres, ce sont des parcours, des choix de vie et des ambitions collectives qui se dessinent.
Pourquoi le recrutement de médecins est-il devenu un enjeu stratégique pour l’hôpital du Mans ?
Comme de nombreux établissements publics, l’hôpital du Mans a traversé une période de tension extrême au cours des dernières années. La hausse de l’activité, accentuée par la crise sanitaire et l’augmentation de la demande de soins, a mis à rude épreuve les effectifs en place. En 2018, plusieurs services étaient en sous-effectif, notamment en chirurgie, en gériatrie et en médecine interne. Les médecins en poste subissaient des charges de travail importantes, parfois au détriment de leur qualité de vie professionnelle.
Le tournant a été pris en 2019, lorsque la direction de l’établissement, en concertation avec la commission médicale d’établissement (CME), a lancé un plan de revitalisation globale. Nous savions que sans renforcement des effectifs, nous ne pourrions pas maintenir la qualité des soins , explique François Goupil, président de la CME. Ce plan ne se limitait pas à des embauches massives : il s’agissait de repenser l’attractivité de l’hôpital, tant sur le plan matériel qu’humain.
Quels sont les leviers utilisés pour attirer de nouveaux médecins ?
Le Mans a adopté une approche multifacette, combinant modernisation des infrastructures, accompagnement des jeunes recrues et valorisation de la qualité de vie au travail. L’un des axes majeurs a été la création de conditions favorables à l’exercice médical. Des locaux ont été réaménagés, des équipements technologiques renouvelés, et des postes de coordination mis en place pour alléger les tâches administratives.
Le témoignage de Camille Lefèvre, chirurgien vasculaire arrivé il y a trois ans, illustre cette transformation : J’ai choisi le Mans parce qu’on m’a présenté un projet clair : des moyens humains et techniques, un temps de travail maîtrisé, et une équipe soudée. Ici, on ne se sent pas seul.
Par ailleurs, l’hôpital a mis en place un programme d’accueil sur mesure pour les nouveaux arrivants. Un interlocuteur dédié les accompagne dans leurs démarches administratives, le logement, ou encore l’inscription de leurs enfants à l’école. Ce dispositif, rare dans le secteur public, a séduit de nombreux candidats, notamment ceux venant d’autres régions.
Comment l’établissement a-t-il réussi à se démarquer dans un marché du travail saturé ?
La concurrence entre hôpitaux pour attirer les médecins est féroce. Pourtant, le Mans a su se positionner comme une destination attractive, notamment en valorisant son ancrage territorial. Nous ne sommes ni Paris, ni Lyon, mais nous offrons un cadre de vie de qualité, une accessibilité aux grandes villes, et un environnement professionnel serein , souligne François Goupil.
L’établissement a également développé des partenariats avec les universités et les écoles de médecine, permettant aux étudiants de découvrir l’hôpital dès leur formation. Léa Bonnard, interne en cardiologie, témoigne : J’ai fait mon stage ici en troisième année. J’ai été impressionnée par la bienveillance des seniors, la cohésion des équipes. C’est ce qui m’a décidé à rester.
Enfin, des postes à temps partagé ont été créés, permettant aux médecins de concilier activité clinique, recherche et enseignement. Ce modèle, qui favorise l’épanouissement professionnel, attire particulièrement les jeunes diplômés en quête de sens.
Quel impact ce renforcement des effectifs a-t-il eu sur la prise en charge des patients ?
L’arrivée de centaines de praticiens a eu un effet direct sur la qualité et la rapidité des soins. Les délais d’attente en consultation ont été réduits de 30 % dans plusieurs spécialités, notamment en neurologie et en pneumologie. Les hospitalisations programmées sont désormais planifiées dans des délais plus courts, et les urgences bénéficient d’un renfort permanent.
Avant, il fallait parfois attendre deux mois pour une consultation en diabétologie , raconte Émilien Rozier, patient diabétique depuis dix ans. Aujourd’hui, j’ai été vu en quinze jours. Et le médecin a pris le temps de m’expliquer mon traitement, de répondre à mes questions. C’est un vrai changement.
Les services de gériatrie, longtemps en tension, ont vu leur capacité d’accueil augmenter. Une nouvelle unité de soins cognitifs a été inaugurée en 2023, dédiée aux patients atteints de troubles neurodégénératifs. Nous pouvons enfin offrir une prise en charge globale, avec des kinés, des psychologues, des ergothérapeutes , précise la docteure Hélène Vasseur, chef de service.
Quels sont les nouveaux projets médicaux en cours de déploiement ?
Le redressement des effectifs a permis de lancer des projets innovants, jusque-là gelés par manque de moyens. L’un des plus ambitieux concerne la création d’un centre de médecine personnalisée, qui utilisera les données génomiques pour adapter les traitements aux patients. Ce projet, mené en collaboration avec l’Inserm et l’université du Maine, devrait ouvrir ses portes en 2025.
Par ailleurs, un programme de télémédecine a été étendu à l’ensemble du territoire sarthois, permettant aux patients des zones rurales de bénéficier de consultations à distance avec des spécialistes. Ce n’est pas une substitution au soin en présentiel, mais un complément essentiel , insiste François Goupil. Cela évite des déplacements longs et coûteux, surtout pour les personnes âgées ou à mobilité réduite.
Enfin, l’hôpital développe un partenariat avec les médecins de ville pour améliorer la coordination des soins. Des réunions pluridisciplinaires sont désormais organisées chaque mois, réunissant hospitaliers et libéraux autour de cas complexes.
Quels défis restent à relever malgré cette embellie ?
Si la situation s’est nettement améliorée, certains défis persistent. Le turnover reste un sujet sensible, notamment dans les spécialités très sollicitées comme l’anesthésie ou la réanimation. Recruter, c’est bien. Les garder, c’est mieux , lance avec humour Camille Lefèvre. L’établissement travaille donc à renforcer la prévention du burn-out, avec des dispositifs de soutien psychologique et des temps de débriefing réguliers.
La pénurie d’infirmiers, elle, n’est pas encore résolue. Bien que les effectifs aient progressé, certains services fonctionnent encore en sous-effectif. Nous sommes dans une course contre la montre , reconnaît une cadre de santé sous couvert d’anonymat. Les médecins sont là, mais il faut des équipes complètes pour que tout fonctionne.
Enfin, les contraintes budgétaires pèsent sur les marges de manœuvre. Le financement des nouveaux postes dépend en partie des dotations régionales, qui ne suivent pas toujours les besoins réels. Nous devons constamment justifier nos besoins, alors que la pression sur les services ne cesse d’augmenter , déplore François Goupil.
Quelle est la place de l’hôpital du Mans dans le paysage hospitalier français ?
L’établissement du Mans est désormais cité en exemple dans plusieurs rapports de la Haute Autorité de santé. Son modèle de recrutement, fondé sur l’humain et la qualité de vie au travail, inspire d’autres hôpitaux en difficulté. Nous ne prétendons pas avoir la solution miracle, mais nous avons montré qu’il était possible de rebondir , affirme la direction de l’établissement.
Le Mans incarne aussi une autre vision de l’hôpital public : un lieu où l’on peut exercer sereinement, loin des crises médiatisées, mais au cœur des réalités territoriales. Ce n’est pas la taille qui compte, c’est la cohésion , résume Hélène Vasseur. Ici, on se connaît, on travaille ensemble, on prend soin des patients. C’est simple, mais c’est précieux.
A retenir
Quel est le nombre total de médecins à l’hôpital du Mans aujourd’hui ?
L’hôpital du Mans compte 350 praticiens, auxquels s’ajoutent 200 internes et 60 étudiants externes. Ce renforcement des effectifs, avec une centaine de recrutements en cinq ans, a permis de répondre à la hausse de l’activité et d’améliorer la prise en charge des patients.
Comment l’établissement a-t-il attiré de nouveaux médecins malgré la pénurie nationale ?
Grâce à une politique d’accueil personnalisée, des conditions de travail améliorées, des projets médicaux innovants et un cadre de vie de qualité, l’hôpital du Mans est devenu une destination attractive pour les jeunes médecins et les praticiens expérimentés.
Quels sont les effets concrets de ces recrutements sur les patients ?
Les délais d’attente ont été réduits, les hospitalisations programmées sont plus rapides, et de nouveaux services spécialisés ont ouvert. Les patients bénéficient d’une prise en charge plus humaine et plus efficace.
Quels projets futurs sont en cours de développement ?
Le Mans prépare l’ouverture d’un centre de médecine personnalisée, développe la télémédecine et renforce la coordination avec les médecins de ville. Ces initiatives visent à offrir des soins de pointe, accessibles à tous, sur tout le territoire.
Quels obstacles restent à surmonter ?
Le turnover dans certaines spécialités, la pénurie d’infirmiers et les contraintes budgétaires restent des défis majeurs. L’établissement continue d’innover pour préserver la qualité des soins et le bien-être des équipes.