Les hôpitaux de Vendée sondent les patients pour mieux répondre à leurs besoins

En Vendée, le système de santé traverse une période charnière. Face à la pénurie croissante de médecins, au vieillissement accéléré de la population et aux fermetures répétées des services d’urgence, les autorités sanitaires locales ont décidé de changer de cap. Plutôt que d’imposer des réformes descendantes, elles misent désormais sur la parole citoyenne. À partir du lundi 6 octobre 2025, une large consultation est lancée, réunissant hôpitaux, établissements de santé mentale et structures d’hospitalisation à domicile. L’objectif ? Réinventer l’offre de soins en s’appuyant sur les besoins réels des habitants, des soignants, et des territoires. Ce mouvement, à la fois pragmatique et démocratique, s’inscrit dans une volonté de construire un système de santé plus résilient, plus humain, et mieux adapté aux défis à venir.

Quelle est la situation actuelle des urgences en Vendée ?

Les services d’urgence en Vendée sont en première ligne des tensions qui traversent le système de santé français. À Challans, comme à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, les fermetures temporaires se multiplient, souvent en raison de l’absence de médecin remplaçant. Ces interruptions, parfois imprévues, laissent les patients dans l’incertitude. Pour des habitants comme Élodie Ferrand, mère de deux enfants vivant à Machecoul, ces fermetures sont source d’angoisse. La dernière fois, mon fils s’est ouvert le front en tombant de vélo. J’ai dû conduire pendant quarante minutes pour atteindre le service ouvert le plus proche. On ne devrait pas avoir à jouer aux devinettes quand un enfant saigne , raconte-t-elle, encore émue.

Les chiffres confirment cette réalité : en 2024, près de 40 % des services d’urgence du département ont connu au moins une fermeture partielle ou totale. La pénurie de médecins est criante, notamment dans les zones rurales. Les praticiens en poste sont épuisés, et le recrutement de remplaçants devient un casse-tête. On tourne à 80 % de notre capacité, et encore, seulement quand on a de la chance avec les remplacements , explique le docteur Laurent Vasseur, chef des urgences à l’hôpital de Montaigu. Les patients attendent parfois plusieurs heures, et on ne parle même pas des cas critiques.

Pourquoi une consultation citoyenne maintenant ?

La décision de lancer une consultation citoyenne n’est pas anodine. Elle s’inscrit dans une prise de conscience collective : le modèle actuel ne fonctionne plus. Les hôpitaux de Vendée, en coordination avec l’Établissement public de santé mentale (EPSM) et l’Hospitalisation à domicile (HAD), ont compris que les solutions ne pouvaient venir uniquement d’en haut. Il fallait réinventer notre manière de penser la santé , affirme Claire Delorme, directrice du groupement hospitalier vendéen. Nous avons besoin de savoir ce que les gens vivent réellement, ce qu’ils attendent, et ce qu’ils sont prêts à accepter.

La consultation, ouverte à tous, s’appuie sur un double volet : des questionnaires numériques et des réunions de terrain. Des ateliers citoyens seront organisés dans plusieurs communes, de Luçon à Les Sables-d’Olonne, afin de recueillir les témoignages directs. Les professionnels de santé, quant à eux, sont invités à participer à une enquête spécifique, destinée à identifier les obstacles opérationnels et les pistes d’amélioration.

Quels sont les principaux enjeux identifiés ?

Le vieillissement de la population

La Vendée compte aujourd’hui une population vieillissante, un phénomène qui s’accentuera d’ici 2040. Selon les projections de l’Insee, le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans devrait augmenter de 35 % dans les deux prochaines décennies. Cela signifie une demande accrue en soins chroniques, en gériatrie, et en services de prévention. On ne peut plus penser la santé uniquement en termes d’hôpitaux. Il faut anticiper, accompagner, prévenir , insiste le professeur Nicolas Régnier, gérontologue à l’hôpital de La Roche-sur-Yon.

Pour des retraités comme Georges Marceau, 78 ans, vivant à Talmont-Saint-Hilaire, la question du suivi médical est centrale. J’ai deux maladies chroniques. Chaque déplacement pour une consultation est une épreuve. Si on pouvait avoir davantage de soins à domicile ou des téléconsultations fiables, ce serait un vrai progrès.

L’accès aux soins en zone rurale

Les zones rurales, qui couvrent une grande partie du département, souffrent d’un désert médical persistant. De nombreux villages n’ont plus de médecin généraliste, et les patients doivent parcourir des dizaines de kilomètres pour obtenir un rendez-vous. Je suis infirmière libérale, et je couvre une zone de 60 km². Il y a des jours où je fais 150 km rien que pour voir six patients , témoigne Amandine Lefèvre, basée à Mortagne-sur-Sèvre.

La création de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) est souvent citée comme une solution. Mais leur développement reste lent, freiné par des questions de financement et de coordination. La consultation vise justement à identifier les modèles qui fonctionnent localement et à les généraliser.

La santé mentale, un domaine encore sous-estimé

Un autre enjeu majeur est la prise en charge de la santé mentale. L’EPSM de Vendée constate une hausse constante des demandes d’aide, notamment chez les jeunes. Pourtant, les structures restent insuffisantes. On reçoit des adolescents en crise, mais on n’a pas toujours les moyens de les accompagner comme il le faudrait , explique la psychologue Élise Toussaint, basée à Fontenay-le-Comte.

Des initiatives locales, comme des groupes de parole dans les collèges ou des dispositifs de prévention en milieu scolaire, sont en cours d’évaluation. La consultation devrait permettre de mieux cibler les besoins et d’orienter les investissements.

Comment la consultation citoyenne va-t-elle fonctionner ?

La consultation, lancée le 6 octobre 2025, s’étendra sur plusieurs mois. Elle repose sur trois piliers : la participation numérique, les ateliers de terrain, et les groupes de travail thématiques. Le site dédié permettra aux habitants de répondre à un questionnaire détaillé, organisé autour de cinq axes : accès aux soins, prévention, prise en charge des personnes âgées, santé mentale, et innovation médicale.

Parallèlement, une trentaine d’ateliers citoyens seront organisés dans des communes de tailles variées. Ces rencontres seront animées par des facilitateurs neutres, formés à l’écoute active et à la médiation. L’idée n’est pas de tenir un meeting, mais d’écouter. Vraiment écouter , précise Claire Delorme.

Des groupes de travail seront aussi constitués, réunissant des citoyens tirés au sort, des professionnels, et des élus. Ils auront pour mission de proposer des pistes concrètes, qui seront ensuite soumises à un comité de pilotage composé des principaux acteurs du secteur sanitaire vendéen.

Quels changements peut-on espérer ?

Les attentes sont fortes, mais les acteurs restent prudents. On ne peut pas régler tous les problèmes du jour au lendemain , reconnaît le docteur Vasseur. Mais on peut poser les bases d’un système plus équitable, plus accessible, et plus humain.

Plusieurs pistes émergent déjà. Le renforcement de l’hospitalisation à domicile, notamment pour les personnes âgées ou les patients en fin de vie, est largement plébiscité. L’extension des téléconsultations, avec un volet spécifique pour les zones blanches, est également envisagée. Enfin, la création d’un campus universitaire santé à La Roche-sur-Yon, annoncé en exclusivité par Ouest-France, pourrait devenir un levier majeur pour la formation des futurs professionnels.

Ce campus, ce n’est pas qu’un projet architectural. C’est une promesse , affirme le professeur Régnier. Former des médecins, des infirmiers, des aides-soignants ici, en Vendée, c’est augmenter nos chances de les garder sur le territoire.

Quel rôle les citoyens peuvent-ils jouer dans cette transformation ?

La consultation citoyenne repose sur une idée simple : les usagers du système de santé sont aussi des experts de leur propre expérience. En partageant leurs difficultés, leurs attentes, leurs idées, ils deviennent des acteurs à part entière de la réforme.

Élodie Ferrand, qui a participé à un atelier pilote à Challans, souligne l’importance de ce dialogue. On se sent enfin écoutés. On n’est plus juste des patients, mais des partenaires.

Des outils numériques seront mis à disposition pour garantir une participation inclusive, notamment pour les personnes en situation de handicap ou celles éloignées des technologies. Des traductions en langues étrangères et des supports simplifiés seront également proposés.

Quelle est la place de l’innovation dans cette nouvelle stratégie ?

L’innovation n’est pas seulement technologique. Elle est aussi organisationnelle. Des expérimentations sont déjà en cours : des drones médicaux pour acheminer des médicaments en zone isolée, des applications de suivi des maladies chroniques, ou encore des dispositifs de télémédecine mobiles déployés dans les villages.

L’innovation, ce n’est pas forcément du high-tech. C’est parfois une nouvelle façon de travailler ensemble , observe Amandine Lefèvre. Par exemple, un système de relais entre infirmiers libéraux et médecins de ville pourrait éviter beaucoup de déplacements inutiles.

A retenir

Quel est l’objectif principal de la consultation citoyenne en Vendée ?

L’objectif est de co-construire une offre de soins adaptée aux besoins réels de la population, en tenant compte des enjeux locaux comme la pénurie de médecins, le vieillissement, et les inégalités d’accès aux soins.

Qui est impliqué dans cette démarche ?

Les hôpitaux de Vendée, l’Établissement public de santé mentale, l’Hospitalisation à domicile, ainsi que les professionnels de santé et les citoyens du département.

Quand a lieu cette consultation ?

Elle est lancée le 6 octobre 2025 et s’étend sur plusieurs mois, avec des ateliers, des questionnaires, et des groupes de travail.

Quels sont les principaux défis identifiés ?

La fermeture répétée des urgences, le manque de médecins traitants, le vieillissement de la population, les difficultés d’accès aux soins en milieu rural, et la sous-prise en charge de la santé mentale.

Quelles solutions sont envisagées ?

Le développement de maisons de santé, l’extension de l’hospitalisation à domicile, la généralisation des téléconsultations, la création d’un campus universitaire santé, et des innovations organisationnelles ou technologiques.