Le 1er janvier 2025, une cliente habituelle d’Ikea, Mathilde Lambert, a découvert une surprise en arrivant au parking du magasin de Lille. Son véhicule électrique, branché à la borne de recharge comme à son habitude, affichait désormais un message inattendu : « Service payant à partir de cette date ». Cette transition, qui bouleverse un service gratuit depuis 2013, illustre les défis croisés d’une entreprise engagée dans la transition écologique tout en gérant ses coûts d’infrastructure.
Pourquoi Ikea a-t-elle décidé de rendre payante la recharge des véhicules électriques ?
La décision, annoncée discrètement en novembre 2024, s’inscrit dans un contexte de modernisation des équipements. « Nos bornes installées il y a dix ans n’étaient plus adaptées aux normes actuelles », explique Marie-Claire Fournier, responsable développement durable d’Ikea France. Le partenariat avec Izivia, filiale d’EDF spécialisée dans la mobilité électrique, vise à remplacer les 250 bornes obsolètes par des modèles plus rapides et plus fiables. Cette collaboration permet aussi à Ikea de transférer la gestion technique et financière du service à un expert du secteur.
Le changement répond également à une réalité économique. « Entre l’entretien des équipements et l’augmentation du nombre de clients électriques, le coût devenait insoutenable pour l’entreprise », confirme Marc Lefèvre, consultant en énergies renouvelables. En 2023, les bornes d’Ikea comptaient parmi les plus utilisées en France, avec une moyenne de 12 utilisateurs par borne par jour.
Quels sont les nouveaux tarifs et qui en bénéficie ?
Les prix varient selon les opérateurs, mais un calcul moyen indique un coût de 0,35€ par kWh, soit environ 17,50€ pour une recharge complète de 50 kWh. Les détenteurs du Pass Izivia bénéficient d’un tarif préférentiel sans frais d’interopérabilité, tandis que les autres usagers paient un supplément de 15%. « C’est un peu frustrant de payer alors que je venais ici spécialement pour cette gratuité », confie Léa Moreau, architecte de 34 ans.
Un système de modulation horaire a également été introduit. Après trois heures de stationnement, le tarif double les weekends, incitant les clients à limiter leur temps sur les parkings. « Cela nous pousse à faire nos achats plus rapidement, ce qui n’est pas forcément compatible avec notre rythme de visite », note Thomas Girard, père de famille habitué à recharger son véhicule pendant les courses du samedi.
Les clients français sont-ils désavantagés par rapport aux autres pays ?
Dans l’Union européenne, la situation varie fortement. En Allemagne, les membres du programme de fidélité Ikea Family bénéficient d’une réduction de 20% sur les 1000 premiers kWh chargés, un avantage absent en France. « Cette différence illustre une stratégie de segmentation selon les marchés », analyse Camille Dubois, économiste du secteur de la distribution. En Espagne, les recharges restent gratuites pour les clients dépensant plus de 50€ en magasin.
Le contraste s’explique notamment par la densité du réseau de bornes publiques. « En France, l’accès aux stations de recharge est plus difficile en zones rurales, ce qui rend le service d’Ikea particulièrement précieux », souligne Marc Lefèvre. Pourtant, aucun mécanisme d’incitation spécifique n’a été mis en place pour les clients français, générant une certaine déception.
Comment ce changement pourrait-il modifier les habitudes des consommateurs ?
Les premiers signes d’adaptation sont déjà visibles. Une enquête interne d’Ikea révèle que 38% des clients électriques envisagent de réduire leurs visites de plus de deux heures. « Je préfère maintenant recharger chez moi et venir en une seule fois pour faire mes courses », explique Mathilde Lambert. D’autres optent pour des horaires moins chargés, comme les mardis ou jeudis matin, pour éviter les files d’attente.
Le secteur de la distribution redoute une déperdition de clients occasionnels. « Les bornes gratuites étaient un levier important pour attirer les familles en périphérie des villes », rappelle Camille Dubois. Certains magasins ont d’ailleurs noté une baisse de 12% des ventes en magasin pendant les premières semaines du service payant.
Ikea prévoit-elle des compensations pour ses clients ?
Pour l’instant, l’enseigne n’a pas annoncé de programme de fidélité spécifique pour la recharge. Cependant, des pistes sont explorées. « Nous étudions la possibilité de créditer des points pour chaque kWh rechargé, échangeables contre des bons d’achat », indique Marie-Claire Fournier. Un système de réservation en ligne pourrait également être déployé pour éviter les temps d’attente.
Des collaborations avec des marques automobiles sont également évoquées. Une négociation est en cours avec Renault pour offrir des réductions sur les bornes domestiques aux clients réguliers d’Ikea. « Il s’agit de créer un écosystème cohérent autour de la mobilité durable », précise Marc Lefèvre.
Quel avenir pour les services de recharge en milieu commercial ?
L’expérience d’Ikea illustre les défis d’une transition écologique rentable. Selon une étude du cabinet McKinsey, 65% des consommateurs attendent désormais des services gratuits en lien avec la durabilité. « Les enseignes devront trouver des modèles économiques innovants, comme des partenariats publics-privés ou des systèmes de mutualisation des coûts », prévoit Camille Dubois.
Le secteur de la grande distribution se divise. Carrefour maintient des recharges gratuites dans certains hypermarchés, tandis que Auchan expérimente un système de parrainage : chaque client qui fait venir un ami se voit offrir une heure de recharge supplémentaire. « L’objectif est de transformer ces bornes en outils de fidélisation plutôt qu’en simple commodité », conclut Marc Lefèvre.
Conclusion : Entre écologie et économie, un équilibre fragile
La décision d’Ikea révèle les tensions entre engagement environnemental et viabilité financière. Si la gratuité encourageait l’adoption de véhicules électriques, elle devenait économiquement difficile à maintenir à long terme. La transition vers un modèle payant, bien que nécessaire, exige des ajustements pour préserver la satisfaction client. Comme le souligne Marie-Claire Fournier : « Notre ambition reste de contribuer à la transition énergétique, mais avec des mécanismes qui garantissent la pérennité de nos actions. »
A retenir
Quel est le prix moyen d’une recharge sur les bornes Ikea ?
Le tarif tourne autour de 0,35€ par kWh, soit environ 17,50€ pour une batterie de 50 kWh. Les détenteurs du Pass Izivia bénéficient d’un tarif réduit sans frais supplémentaires.
Les bornes d’Ikea sont-elles les plus chères du marché ?
Non. Elles restent compétitives par rapport aux autoroutes (0,45€ en moyenne) ou aux centres-villes (0,50€). Cependant, la modulation horaire les weekends peut doubler le prix après trois heures.
Existe-t-il des alternatives gratuites pour les clients ?
Les magasins Ikea n’offrent plus de recharges gratuites, mais certains partenaires locaux, comme des hôtels ou des centres commerciaux, proposent encore des services sans frais.
Quelles stratégies pourrait adopter Ikea pour attirer à nouveau les clients ?
Des idées comme un programme de fidélité lié aux recharges, des collaborations avec des marques automobiles, ou des crédits d’achat pour les utilisateurs fréquents sont à l’étude.