Dans un monde où les géants de la tech s’affichent en première ligne des médias, où les discours de Mark Zuckerberg ou les folies d’Elon Musk monopolisent l’attention, une figure plus discrète s’est hissée, presque en silence, jusqu’au sommet de la richesse mondiale. Larry Ellison, fondateur d’Oracle, n’a jamais cherché la lumière, mais il a su, par une vision stratégique implacable, construire un empire numérique qui aujourd’hui soutient une grande partie de l’économie mondiale. Avec une fortune estimée à 262 milliards de dollars en 2025, il dépasse Jeff Bezos et Mark Zuckerberg, devenant la deuxième fortune mondiale. Comment un homme aussi discret a-t-il pu atteindre une telle influence ? Quel est le rôle d’Oracle dans ce basculement numérique que nous vivons ? Et que révèle cette ascension sur les nouveaux enjeux de la technologie ?
Qui est Larry Ellison, l’homme derrière l’ombre ?
Un parcours atypique, loin des campus prestigieux
Larry Ellison n’a jamais décroché de diplôme universitaire. Né en 1944 à New York, élevé à Chicago par des parents adoptifs, il quitte l’université à plusieurs reprises, sans jamais obtenir de titre. Pourtant, c’est dans cette absence de parcours classique que réside une part de sa singularité. Contrairement à la plupart des fondateurs de startups californiennes, Ellison n’est pas un produit de Stanford ou de MIT. Il est autodidacte, passionné par les systèmes informatiques, et surtout doté d’un instinct entrepreneurial aiguisé par des années d’observation du marché.
À la fin des années 1970, alors qu’il travaille pour Ampex, une entreprise de technologie audiovisuelle, Ellison découvre un article du chercheur Edgar F. Codd sur les bases de données relationnelles. C’est une révélation. Il comprend aussitôt que cette technologie pourrait révolutionner la manière dont les entreprises gèrent leurs données. En 1977, il fonde Software Development Laboratories, qui deviendra Oracle Corporation, aux côtés de deux collègues, Bob Miner et Ed Oates.
La discrétion comme arme stratégique
Alors que d’autres PDG se livrent en direct sur les réseaux sociaux ou multiplient les apparitions publiques, Ellison cultive une forme de réserve. Il ne cherche pas à devenir une icône populaire. Pourtant, son influence est immense. « Je ne veux pas être aimé. Je veux être respecté », a-t-il un jour déclaré lors d’un entretien avec un journaliste du Financial Times. Ce pragmatisme, teinté d’une certaine arrogance assumée, reflète sa philosophie : les résultats comptent plus que l’image.
Camille Lenoir, analyste financière à Paris, observe : « Ellison est un paradoxe vivant. Il est à la fois omniprésent dans l’infrastructure numérique mondiale, et presque invisible dans le débat public. Alors que Zuckerberg s’exprime sur la métavers, Bezos sur l’espace, Ellison, lui, agit. Il construit. »
Oracle : l’architecte invisible du numérique mondial
Des bases de données au cloud : une évolution stratégique
Oracle a commencé par vendre des logiciels de gestion de bases de données relationnelles. À une époque où les entreprises peinaient à organiser leurs données, Oracle offrait une solution robuste, fiable, et scalable. Très vite, les grandes banques, les multinationales, les administrations adoptent ses systèmes. Dès les années 1990, Oracle devient indispensable.
Mais le vrai tournant arrive en 2010 avec l’acquisition de Sun Microsystems pour 7,4 milliards de dollars. Une opération risquée, mais visionnaire. En rachetant Sun, Ellison récupère Java, langage de programmation utilisé dans des millions d’applications, et MySQL, système de base de données open source. Cette acquisition transforme Oracle d’un simple éditeur de logiciels en un géant de l’infrastructure technologique.
« Sans Oracle, beaucoup de services que nous utilisons quotidiennement ne fonctionneraient pas », affirme Thomas Berthier, ingénieur en systèmes d’information à Lyon. « Quand vous faites un virement bancaire, que vous réservez un vol ou que vous passez une commande en ligne, il y a de fortes chances qu’un serveur Oracle traite l’information. »
Le pari du cloud : une résurrection technologique
Lorsque Larry Ellison cède la présidence d’Oracle en 2014, nombreux sont ceux qui pensent que l’entreprise va ralentir. Mais c’est le contraire qui se produit. Ellison, devenu président exécutif et Chief Technology Officer, se concentre sur la transformation numérique de la société. Il lance un vaste programme de migration vers le cloud, un domaine alors dominé par Amazon Web Services et Microsoft Azure.
Le pari est audacieux. Oracle, longtemps perçue comme une entreprise traditionnelle, doit se réinventer. Mais Ellison n’hésite pas. Il investit massivement, noue des partenariats clés avec Microsoft et Nvidia, et développe des solutions cloud hybrides capables d’intégrer les anciens systèmes des entreprises tout en offrant des performances modernes.
Les résultats ne se font pas attendre. En juin 2025, les revenus du cloud infrastructure d’Oracle explosent, enregistrant une croissance de 49 % sur un trimestre. L’action de la société bondit de 32 %, portant la fortune d’Ellison à 262 milliards de dollars. « C’était inattendu, mais logique », analyse Camille Lenoir. « Ellison a compris que l’avenir du cloud ne serait pas uniforme. Les entreprises ne veulent pas tout déplacer en ligne d’un coup. Oracle leur offre une transition en douceur. »
Un mode de vie à l’échelle de sa fortune
Lanai, l’île privée d’un milliardaire
Si Ellison est discret dans ses affaires, il ne l’est pas dans son style de vie. En 2012, il achète 98 % de l’île de Lanai, à Hawaï, pour 300 millions de dollars. Ce n’est pas seulement une propriété, c’est un royaume. L’île compte deux hôtels de luxe, des terrains de golf conçus par Jack Nicklaus, des fermes bio, et même un cimetière traditionnel hawaïen.
Ellison ne s’arrête pas là. Il investit des centaines de millions pour moderniser les infrastructures de l’île : eau, électricité, réseau internet haut débit. « Ce qu’il fait à Lanai, c’est un laboratoire d’expérimentation », explique Élodie Ménard, journaliste spécialisée dans les tech-lords. « Il teste des modèles de gestion territoriale, d’autosuffisance énergétique, de transition numérique à l’échelle d’un micro-État. »
Les habitants de Lanai, environ 3 000 personnes, ont vu leur quotidien changer. Certains se plaignent d’un tourisme de luxe qui repousse les prix, d’autres saluent les améliorations des services. « On ne sait pas toujours si on vit sur une île ou dans une entreprise », confie Manuia Kealoha, infirmière à Lanai City. « Mais l’hôpital est neuf, l’eau potable arrive partout, et le wifi est partout. C’est difficile de tout critiquer. »
Passions extrêmes : voile, aviation et innovation
Ellison est aussi un passionné de voile. Il finance Oracle Team USA, qui remporte la célèbre America’s Cup en 2010 et 2013. Son engagement dépasse le simple sponsoring : il participe aux réunions techniques, suit les entraînements, et même parfois embarque. « Pour lui, c’est une question de contrôle, de précision, de technologie », raconte Antoine Delmas, journaliste sportif ayant suivi l’équipe. « Il ne voit pas la voile comme un loisir, mais comme un champ d’application de l’ingénierie. »
Son autre passion : l’aviation. Il possède plusieurs avions privés, dont un Gulfstream G650, et détient une licence de pilote. Il a même fait construire une piste d’atterrissage privée sur son domaine californien. « Il aime avoir le contrôle, y compris dans les airs », sourit un ancien collaborateur, qui préfère rester anonyme. « Il pilotait lui-même pour aller à des réunions à Seattle ou à New York. C’était impressionnant, mais aussi un peu effrayant. »
La course aux richesses : Ellison face à ses rivaux
Un secteur en pleine effervescence
L’ascension d’Ellison ne se joue pas dans un vide. En juin 2025, Mark Zuckerberg voit sa fortune augmenter de 31 milliards de dollars, portée par une hausse de 14 % du cours de Meta, elle-même alimentée par des investissements massifs dans l’intelligence artificielle. Jeff Bezos, malgré ses retraits progressifs d’Amazon, gagne 13 milliards supplémentaires grâce à une croissance de 7 % du géant du e-commerce.
Pourtant, c’est Ellison qui tire son épingle du jeu. « Parce qu’il est sur un segment différent », explique Camille Lenoir. « Zuckerberg vend de la publicité, Bezos du commerce. Ellison, lui, vend de l’infrastructure. Et quand tout le monde a besoin d’IA, de cloud, de sécurité, c’est lui qui fournit les rails. »
L’exception européenne : Bernard Arnault
Dans ce paysage dominé par les Américains, Bernard Arnault, PDG de LVMH, est le seul Européen parmi les dix plus grandes fortunes mondiales. Sa présence souligne la dualité du capitalisme contemporain : d’un côté, les fortunes technologiques basées sur l’innovation et la scalabilité ; de l’autre, les empires du luxe, fondés sur le branding, l’exclusivité et la tradition.
« Arnault construit du désir, Ellison construit du fonctionnement », résume Thomas Berthier. « Deux mondes, deux logiques. Mais tous deux essentiels à notre époque. »
Conclusion : l’ère des architectes invisibles
Larry Ellison incarne une nouvelle forme de puissance : celle de l’infrastructure. Il n’est pas le visage d’un produit, ni le porte-voix d’une vision du monde. Il est celui qui permet aux autres de fonctionner. Dans un monde de plus en plus numérique, où les données sont le nouveau pétrole, ceux qui en contrôlent les tuyaux détiennent une influence considérable.
Sa fortune, son île, ses yachts, ses avions : tout cela attire l’œil. Mais derrière ce luxe, se cache un homme qui a compris, avant beaucoup d’autres, que l’avenir se jouerait dans la capacité à gérer, sécuriser et rendre accessible l’information. Oracle, longtemps vue comme une entreprise de l’ère précédente, est aujourd’hui au cœur de la transformation digitale. Et Larry Ellison, malgré sa discrétion, est l’un des artisans de ce changement silencieux.
À l’heure où l’intelligence artificielle, la cybersécurité et le cloud redessinent l’économie mondiale, la question n’est plus de savoir qui brille le plus, mais qui tient les leviers cachés. Et sur ce point, Ellison a peut-être déjà gagné.
FAQ
Comment Larry Ellison a-t-il fait fortune ?
Larry Ellison a fondé Oracle en 1977, une entreprise spécialisée dans les logiciels de gestion de bases de données. Grâce à des innovations technologiques, des acquisitions stratégiques comme celle de Sun Microsystems, et une transition réussie vers le cloud, Oracle est devenue un pilier des systèmes informatiques d’entreprise. La hausse de l’action de l’entreprise en 2025 a propulsé sa fortune à 262 milliards de dollars.
Pourquoi Larry Ellison est-il moins médiatisé que d’autres PDG de tech ?
Ellison privilégie la discrétion et se concentre sur les résultats plutôt que sur l’image. Contrairement à des figures comme Elon Musk ou Mark Zuckerberg, il n’utilise pas les réseaux sociaux pour s’exprimer, évite les controverses médiatiques, et préfère agir dans l’ombre. Cette approche reflète sa philosophie : l’impact avant la notoriété.
Quel est le rôle d’Oracle dans le cloud et l’IA ?
Oracle s’est fortement investie dans les infrastructures cloud, notamment avec des solutions hybrides adaptées aux grandes entreprises. Grâce à des partenariats avec Microsoft et Nvidia, elle développe des outils d’intelligence artificielle intégrés à ses bases de données. En 2025, sa croissance de 49 % dans le cloud infrastructure montre qu’elle est devenue un acteur majeur du secteur.
Pourquoi l’île de Lanai est-elle importante pour Larry Ellison ?
L’île de Lanai est à la fois une retraite personnelle et un terrain d’expérimentation. Ellison y teste des modèles de gestion durable, d’approvisionnement énergétique et de modernisation des services publics. C’est aussi un symbole de son pouvoir : transformer un territoire entier selon sa vision.
Oracle peut-elle concurrencer Amazon et Microsoft dans le cloud ?
Oui, notamment en ciblant un segment spécifique : les entreprises qui ne veulent pas basculer entièrement dans le cloud public. Oracle propose des solutions hybrides, combinant cloud et systèmes sur site, ce qui lui permet de s’imposer là où AWS et Azure ont moins de prise. Sa croissance rapide en 2025 prouve que cette stratégie fonctionne.
A retenir
Quelle est la clé du succès d’Oracle sous la direction de Larry Ellison ?
La clé du succès d’Oracle réside dans sa capacité à évoluer sans perdre son identité. Partie de la gestion de bases de données, l’entreprise s’est transformée en fournisseur d’infrastructure numérique globale. En anticipant les besoins des entreprises en matière de cloud, de sécurité et d’intégration, Oracle est devenue un partenaire incontournable, même si elle reste dans l’ombre.
Quel est l’impact de la discrétion d’Ellison sur sa légitimité économique ?
Paradoxalement, sa discrétion renforce sa légitimité. Elle donne l’image d’un homme concentré sur l’essentiel : la performance, la technologie, la stratégie. Dans un monde saturé de communication, cette sobriété s’impose comme une forme d’authenticité, et attire la confiance des investisseurs et des clients.
Quel avenir pour Larry Ellison et Oracle ?
Avec l’essor de l’intelligence artificielle et la montée en puissance des enjeux de souveraineté numérique, Oracle est bien positionnée pour continuer sa croissance. Ellison, à 80 ans, reste impliqué dans la stratégie technologique. Son héritage ne sera peut-être pas mesuré en dollars, mais en systèmes qui continueront de faire tourner le monde, longtemps après son départ.