Le lancement du De Grasse en 2025 marque une nouvelle ère pour la marine française

Le 27 mai 2025, sous un ciel breton voilé mais vibrant d’émotion, le sous-marin nucléaire d’attaque *De Grasse* a glissé pour la première fois sur les eaux du port militaire de Cherbourg. Ce lancement, bien plus qu’une simple cérémonie technique, marque l’aube d’une nouvelle ère pour la Marine nationale. Fruit d’un programme colossal et ambitieux, ce quatrième navire de la classe Barracuda incarne l’excellence technologique française, la souveraineté industrielle et une volonté stratégique claire : rester maître des profondeurs dans un monde de plus en plus instable. Alors que les tensions géopolitiques s’intensifient, la France affirme son rang grâce à un outil de dissuasion moderne, discret, et redoutablement efficace.

Quelle est la portée stratégique du lancement du De Grasse ?

Le *De Grasse* n’est pas un simple sous-marin. C’est un symbole de puissance et de continuité dans une période où la maîtrise des espaces maritimes devient un enjeu vital. Alors que les grandes puissances rivalisent d’ingéniosité pour contrôler les voies sous-marines, notamment dans l’Atlantique Nord, la mer Méditerranée ou l’océan Indien, la France renforce sa capacité à projeter sa force loin de ses côtes. Ce lancement intervient à un moment où l’OTAN elle-même redéfinit sa stratégie navale face aux ambitions russes et chinoises en Arctique et dans les eaux stratégiques.

Comme l’explique Élodie Besson, analyste de défense au sein de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire : « Le *De Grasse* ne se contente pas de remplacer un ancien bâtiment. Il s’inscrit dans une logique de dissuasion moderne, capable de frapper précisément, de collecter de l’intelligence sans être détecté, et d’accompagner les opérations spéciales dans des zones sensibles. »

Le programme Barracuda, lancé il y a près de vingt ans, vise à remplacer les six sous-marins de la classe Rubis, dont certains étaient entrés en service dans les années 1980. Le *De Grasse*, dernier de la série, clôt une phase de transition lourde mais indispensable. D’ici 2030, la France disposera d’une flotte entièrement renouvelée, avec six sous-marins nucléaires d’attaque opérationnels. Cette modernisation n’est pas une option : c’est une nécessité pour maintenir un équilibre de pouvoir crédible.

En quoi le De Grasse représente-t-il une avancée technologique majeure ?

Avec ses 99 mètres de long et un déplacement de 5 200 tonnes en immersion, le *De Grasse* est une prouesse d’ingénierie. Conçu pour opérer en totale discrétion, il bénéficie d’un design hydrodynamique optimisé, d’un revêtement absorbant les ondes sonar, et d’un système de propulsion extrêmement silencieux. Son cœur : un réacteur nucléaire à eau pressurisée, conçu par TechnicAtome, capable de fonctionner sans ravitaillement pendant plusieurs décennies. Cette autonomie énergétique permet des missions longues de plusieurs mois, sans avoir à remonter en surface.

« Il peut rester en mer plus de 270 jours par an », précise Julien Mercier, ingénieur en chef chez Naval Group. « Cela signifie que la Marine peut disposer d’un sous-marin en alerte permanente, prêt à intervenir à tout moment, sans dépendre des logistiques de ravitaillement. »

Le *De Grasse* est aussi doté d’un système de combat dernier cri, intégrant des capteurs passifs et actifs, des sonars ultra-sensibles et une intelligence artificielle embarquée pour analyser les menaces en temps réel. Cette capacité de traitement des données en immersion profonde lui permet de naviguer dans des environnements saturés, où la détection est devenue un jeu d’échecs électronique.

Quelles sont les missions que peut accomplir le De Grasse ?

Le *De Grasse* est un sous-marin polyvalent, capable de mener des opérations de guerre anti-sous-marine, d’attaque de surface, de reconnaissance stratégique, ou encore de soutien aux forces spéciales. Grâce à son module Dry Deck Shelter – une écoutille étanche située à l’arrière du sous-marin – il peut déployer discrètement des plongeurs du Commando Hubert, l’unité d’élite de la Marine. Cela lui permet d’intervenir dans des zones sensibles, comme des installations portuaires ennemies ou des infrastructures sous-marines critiques.

« Imaginez un scénario en mer Noire », illustre le capitaine de frégate Théo Lavigne, ancien officier de plongée. « Un sous-marin comme le *De Grasse* peut s’approcher d’une côte hostile, rester immobile pendant des jours, collecter des informations, et si besoin, déposer un commando sans être repéré. C’est un atout de dissuasion silencieuse, mais extrêmement puissant. »

Quelle est la puissance de feu embarquée par le De Grasse ?

Le *De Grasse* est armé pour frapper loin et fort. Il peut embarquer jusqu’à 20 missiles de croisière navals (MdCN), capables d’atteindre des cibles terrestres à plus de 1 000 kilomètres de distance. Ces missiles, développés par MBDA, volent à basse altitude, suivent des trajectoires complexes, et peuvent frapper avec une précision chirurgicale. Une capacité cruciale pour neutraliser des installations stratégiques sans engager de forces au sol.

En complément, le sous-marin dispose de missiles anti-navires Exocet SM39, capables de détruire des bâtiments de surface, ainsi que de torpilles lourdes F21, conçues pour traquer et détruire d’autres sous-marins. Cette combinaison d’armes en fait une menace redoutable, tant pour les flottes ennemies que pour les infrastructures côtières.

« La puissance de feu du *De Grasse* n’est pas seulement offensive », souligne Élodie Besson. « Elle sert aussi de dissuasion. Savoir qu’un tel sous-marin peut frapper n’importe où en Europe ou en Afrique du Nord, sans prévenir, pèse dans les calculs stratégiques de nos partenaires comme de nos adversaires. »

Comment le programme Barracuda illustre-t-il la souveraineté industrielle française ?

Le *De Grasse* n’est pas seulement un navire militaire : c’est un symbole de la capacité de la France à concevoir, construire et maintenir des systèmes d’armes complexes sans dépendre de l’étranger. Le programme Barracuda a mobilisé plus de 2 500 personnes, dont 800 sous-traitants répartis dans toute la France, de Brest à Valence, en passant par Le Havre. Naval Group, en tant que maître d’œuvre, a coordonné des dizaines d’entreprises spécialisées, de la fonderie de pièces nucléaires aux logiciels de combat embarqués.

« Ce que beaucoup ne réalisent pas, c’est que chaque soudeur, chaque ingénieur, chaque testeur contribue à la sécurité nationale », témoigne Camille Roche, responsable qualité chez un sous-traitant basé à Saint-Nazaire. « Nous ne fabriquons pas des pièces, nous construisons la dissuasion française. »

La France est l’un des rares pays au monde – avec les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine – à maîtriser l’ensemble de la chaîne de conception et de production des sous-marins nucléaires. Cette autonomie est stratégique. Elle permet d’adapter les systèmes aux besoins spécifiques de la Marine, de garantir la sécurité des données sensibles, et de maintenir une chaîne d’approvisionnement résiliente, même en temps de crise.

Quels sont les enjeux économiques du programme Barracuda ?

Au-delà de la sécurité, le programme génère des retombées industrielles majeures. Il a permis de moderniser des chantiers navals, de former une nouvelle génération d’ingénieurs et de techniciens, et de renforcer l’attractivité des filières scientifiques et techniques. De nombreux jeunes diplômés ont rejoint Naval Group ou ses partenaires, attirés par le défi technologique et le sens du service public.

« J’ai choisi ce métier parce que je voulais participer à quelque chose de concret, d’utile », raconte Léa Nguyen, 28 ans, ingénieure en systèmes embarqués. « Travailler sur le *De Grasse*, c’est savoir que mon travail contribue à protéger des vies, des territoires, et des valeurs. »

Quel avenir pour la marine française après le De Grasse ?

Avec le *De Grasse*, la France atteint un cap majeur. Mais les défis ne s’arrêtent pas là. Les prochaines années devront voir l’émergence de nouvelles technologies : sous-marins sans équipage, systèmes de guerre électronique plus avancés, intégration d’IA pour la prise de décision en immersion. Par ailleurs, la menace sous-marine chinoise et russe ne cesse de croître, avec des sous-marins toujours plus silencieux et des capacités de déploiement étendues.

« Le *De Grasse* est une étape, pas une arrivée », insiste le contre-amiral Henri Delmas, ancien chef du sous-marin nucléaire *Rubis*. « La course à la discrétion, à l’autonomie, à la précision, ne s’arrête jamais. Nous devons anticiper les menaces de 2040, pas seulement celles d’aujourd’hui. »

Des discussions sont déjà en cours pour une future classe de sous-marins, peut-être dotés de propulsion à hydrogène ou de systèmes d’armes hypersoniques. Le programme Barracuda aura posé les bases : une industrie capable, une marine moderne, et une stratégie de dissuasion crédible.

A retenir

Quelle est la signification du nom De Grasse ?

Le sous-marin porte le nom de l’amiral François Joseph Paul de Grasse, figure marquante de la marine française au XVIIIe siècle, connu pour son rôle décisif dans la guerre d’indépendance américaine. Ce choix perpétue la tradition de nommer les sous-marins d’attaque en hommage à des personnalités historiques de la marine.

Combien coûte le programme Barracuda ?

Le coût total du programme est estimé à environ 9 milliards d’euros, financé par le budget de la Défense. Ce montant inclut la conception, la construction, les essais, et la formation des équipages. Il s’agit de l’un des programmes d’armement les plus coûteux de la France, mais aussi des plus stratégiques.

Le De Grasse est-il déjà opérationnel ?

Non, le lancement dans l’eau est une étape cruciale, mais le sous-marin doit encore subir plusieurs mois d’essais en mer, de tests de systèmes et de montée en puissance de l’équipage. Il devrait être déclaré opérationnel d’ici 2027.

La France exporte-t-elle des sous-marins Barracuda ?

Oui. L’Australie avait initialement commandé une version conventionnelle de la classe Barracuda, avant de se retirer du contrat en 2021. La France continue toutefois de prospecter des marchés d’exportation, notamment en Europe et en Asie, pour des versions adaptées aux besoins de ses partenaires.

Quelle est la durée de vie d’un sous-marin Barracuda ?

Conçus pour une durée de vie de 30 à 35 ans, les sous-marins de la classe Barracuda bénéficieront de révisions périodiques pour maintenir leur performance et intégrer de nouvelles technologies. Le *De Grasse* devrait donc rester en service jusqu’aux années 2060.