Lenteur sur la route : une nouvelle loi prévue en 2025 pour sanctionner les conducteurs trop lents en Suisse

En matière de sécurité routière, la vitesse excessive fait régulièrement la une des médias. Pourtant, un phénomène moins médiatisé mais tout aussi préoccupant gagne du terrain : la lenteur excessive au volant. En Suisse, cette question, longtemps reléguée au second plan, est désormais au cœur d’un débat politique et sociétal. Un élu du canton de Saint-Gall, Walter Gartmann, a récemment déposé une proposition visant à sanctionner les conducteurs roulant trop lentement sur les routes nationales et autoroutières. Une initiative audacieuse, voire provocatrice, qui interroge notre rapport à la fluidité du trafic, à la sécurité collective, et à la liberté individuelle. À travers des témoignages, des analyses juridiques et des comparaisons internationales, cet article explore les multiples facettes d’un enjeu routier souvent ignoré : quand la prudence devient un obstacle.

La lenteur est-elle un danger routier ?

Walter Gartmann, conseiller national et figure engagée dans les transports, ne cache pas sa frustration face à ce qu’il qualifie de « conduite parasitaire ». Selon lui, certains conducteurs, en roulant à 40 ou 60 km/h sur des tronçons où la vitesse minimale recommandée avoisine les 80 km/h, créent des situations de tension, voire d’insécurité. « Ce n’est pas une question de jugement moral, explique-t-il dans une interview accordée à un journal régional. C’est une question de logique : une autoroute n’est pas un parking. Elle est conçue pour un flux continu. Quand un véhicule avance à la vitesse d’un vélo électrique, il devient un point de blocage, un catalyseur de stress et d’imprudence. »

Les témoignages de routiers et d’automobilistes réguliers confirment cette perception. Julien Morel, chauffeur poids lourd depuis vingt ans, raconte : « Sur la A1 entre Zurich et Berne, j’ai vu des voitures rouler à 50 km/h en pleine voie de gauche. Les camions freinent, les voitures klaxonnent, et les dépassements se font en force. Ce genre de situation a déjà causé des collisions par embardée. »

Le danger réside autant dans la vitesse que dans le contraste entre les vitesses. Une étude de l’Institut suisse de prévention des accidents (ISPA) indique que les écarts importants de vitesse sur une même route augmentent de 30 % le risque d’accident. La lenteur excessive, surtout lorsqu’elle est inattendue, perturbe les anticipations des autres usagers, crée des zones de turbulence et incite à des manœuvres risquées.

Pourquoi certains roulent-ils si lentement ?

Derrière chaque conducteur « lent » se cache souvent une histoire personnelle. Ce n’est pas toujours de la peur, ni de la négligence, mais parfois de la prudence mal placée ou des contraintes techniques. Prenez le cas de Clara Zimmermann, retraitée de 72 ans, habitant une petite commune des Grisons. « Je conduis une voiture ancienne, un break Volvo des années 90. Elle ne monte pas au-delà de 90 km/h, et sur les montées, elle peine. Je me sens plus en sécurité à 60 km/h plutôt qu’à jouer avec les limites mécaniques de mon véhicule. »

Clara n’est pas la seule. De nombreux propriétaires de véhicules anciens, de caravanes ou de remorques sont confrontés à des limitations techniques. D’autres, comme les jeunes conducteurs ou ceux qui viennent de passer leur permis, roulent lentement par manque d’expérience. « Quand j’ai commencé à conduire, j’avais peur de me faire doubler à chaque virage, confie Léa Dubois, étudiante en médecine à Lausanne. Je me suis fait klaxonner trois fois en une semaine. C’était humiliant. »

Le problème, selon les experts, n’est pas la lenteur en soi, mais son contexte. Une voiture lente sur une route secondaire de montagne est attendue. La même voiture sur une autoroute à double sens devient un obstacle. La question devient alors : comment distinguer la prudence légitime de la négligence ou de l’inadaptation ?

Quelles sont les règles actuelles en Suisse ?

Contrairement à une idée reçue, la Suisse ne laisse pas les conducteurs lents totalement libres. L’article 4 de l’Ordonnance sur les règles de la circulation routière (OCR) stipule qu’« aucun conducteur ne doit entraver inutilement la circulation ». Cette formulation vague laisse une large marge d’interprétation aux forces de l’ordre. En pratique, un conducteur peut être verbalisé s’il crée un embouteillage ou une situation dangereuse sans motif valable.

Par ailleurs, l’accès aux autoroutes est conditionné à une capacité de vitesse minimale. Seuls les véhicules capables de dépasser 80 km/h peuvent y circuler. Cette règle, méconnue du grand public, vise à exclure les cyclomoteurs, tracteurs ou véhicules trop anciens. Pourtant, son application est rare. « Les policiers ne contrôlent pas la performance des voitures à l’entrée de l’autoroute, souligne Thomas Reymond, juriste spécialisé en droit routier. C’est un critère théorique. En cas d’accident, il peut être invoqué, mais en amont, personne ne vérifie. »

Ainsi, la loi existe, mais elle est mal appliquée. Walter Gartmann argue que cette passivité encourage les comportements irresponsables. « Si la règle est connue mais pas sanctionnée, elle perd toute valeur dissuasive. »

La proposition de Gartmann : une avancée ou une dérive ?

Le conseiller national propose d’introduire une infraction clairement définie : « conduite excessivement lente sur voie rapide ». Cette infraction serait punie d’une amende, voire d’un retrait de points, selon la gravité de la situation. Il insiste sur le fait que cette mesure ne ciblerait pas les conducteurs fragiles, mais ceux qui, par choix ou inconscience, ralentissent délibérément le trafic.

Le débat est vif au sein de la Commission des transports. Sophie Lenoir, députée genevoise, est sceptique : « Et si la lenteur est due à un problème mécanique ? À un malaise ? Où trace-t-on la limite entre la responsabilité et la compassion ? » D’autres, comme Markus Keller, élu zurichois, soutiennent l’idée : « Nous devons moderniser notre code de la route. La fluidité, c’est aussi de la sécurité. »

Cette tension reflète un enjeu plus large : comment adapter la réglementation à une mobilité de plus en plus complexe, où cohabitent véhicules autonomes, anciennes voitures, cyclistes motorisés et automobilistes stressés ?

Et en France, comment traite-t-on la lenteur ?

La France n’est pas en reste. L’article R413-19 du Code de la route interdit explicitement « toute vitesse anormalement réduite sans nécessité ». Cette infraction peut entraîner une amende de 35 euros, voire plus en cas de danger avéré. Le cas de Bernadette Fuchs, une Suissesse de 68 ans, est devenu emblématique. En 2021, elle a été verbalisée en Savoie après avoir roulé à 20 km/h avec sa remorque à chevaux sur une route de montagne. L’embouteillage a duré plus de deux heures, bloquant 175 véhicules. L’amende s’est élevée à 2 650 euros, assortie d’un avertissement judiciaire.

« Je ne pensais pas faire de mal, raconte-t-elle aujourd’hui. J’avais peur que les chevaux ne s’affolent. Mais je comprends que la route n’est pas un terrain privé. » Ce cas illustre la frontière fine entre l’usage légitime d’un véhicule et l’impact sur les autres usagers.

En France, comme en Suisse, les autorités insistent sur le principe de proportionnalité. La lenteur n’est pas en soi illégale, mais elle devient problématique lorsqu’elle compromet la sécurité ou la continuité du trafic. Les gendarmes disposent d’un pouvoir d’appréciation, mais les recours sont possibles en cas de sanction jugée injuste.

Quelles alternatives à la sanction ?

Plutôt que d’ajouter des amendes, certains experts préconisent des solutions préventives. « L’éducation routière doit évoluer », affirme Émilie Vasseur, formatrice en conduite accompagnée. « On apprend aux jeunes à ne pas rouler vite, mais on ne leur enseigne pas à maintenir un rythme adapté. » Elle suggère des modules spécifiques sur la gestion du flux, la lecture des conditions de circulation, et l’importance de la voie de droite pour les véhicules lents.

D’autres proposent des infrastructures mieux adaptées. Des voies d’évitement sur les routes de montagne, des aires de dépassement prolongées, ou encore des panneaux dynamiques prévenant de la présence de véhicules lents pourraient réduire les tensions. En Autriche, certains tronçons alpins disposent de bandes d’arrêt d’urgence temporaires pour permettre les dépassements en toute sécurité.

Enfin, la technologie pourrait jouer un rôle. Les véhicules connectés pourraient avertir les conducteurs à l’approche d’un véhicule lent, ou proposer des itinéraires alternatifs. Mais ces solutions restent à l’état de prototype.

Conclusion : entre sécurité et liberté, quel équilibre ?

La proposition de Walter Gartmann, bien qu’audacieuse, soulève une question essentielle : comment concilier liberté individuelle et responsabilité collective sur la route ? La lenteur excessive n’est pas un phénomène marginal. Elle touche des conducteurs de tous âges, de tous profils, et peut avoir des conséquences réelles sur la sécurité. Pourtant, une réponse purement punitive risque de pénaliser des personnes déjà vulnérables, sans régler le fond du problème.

L’enjeu n’est pas de criminaliser la prudence, mais de promouvoir une culture de la circulation fluide et respectueuse. Cela passe par une meilleure éducation, des infrastructures adaptées, et une réglementation claire, mais juste. Car sur la route, comme dans la société, la fluidité dépend autant de la vitesse que du respect des autres.

A retenir

La lenteur excessive est-elle illégale en Suisse ?

Elle n’est pas explicitement interdite, mais peut être sanctionnée si elle entrave inutilement la circulation. L’article 4 de l’OCR prévoit des sanctions en cas de perturbation avérée.

Quelle vitesse minimale est requise sur les autoroutes suisses ?

Les véhicules doivent être capables de dépasser 80 km/h pour accéder aux autoroutes. Cette règle vise à garantir un niveau minimal de performance.

Peut-on être verbalisé pour rouler lentement en France ?

Oui, selon l’article R413-19 du Code de la route, toute vitesse anormalement réduite sans nécessité est passible d’une amende, surtout si elle crée un danger ou un embouteillage.

Quelles sont les sanctions possibles ?

En Suisse, les amendes varient selon les cantons et les circonstances. En France, l’amende peut aller jusqu’à plusieurs milliers d’euros en cas de trouble grave, comme dans l’affaire de la remorque à chevaux.

Quelles solutions alternatives existent ?

L’éducation routière renforcée, des aménagements spécifiques (voies d’évitement, panneaux), et les technologies de communication entre véhicules sont des pistes prometteuses pour prévenir les tensions liées à la lenteur.