L’entretien d’embauche, véritable passage obligé dans toute reconversion ou recherche d’emploi, peut faire basculer une carrière. À l’image d’un premier contact professionnel, il exige à la fois authenticité et stratégie. Florence Leroy, directrice des ressources humaines dans un groupe industriel de taille intermédiaire, a accompagné des centaines de recrutements. Elle a vu des profils brillants échouer pour des raisons parfois surprenantes, et d’autres, moins expérimentés, réussir grâce à une attitude juste. À travers son regard aiguisé, elle dresse un portrait sans concession des erreurs qui, mine de rien, peuvent faire capoter une candidature. Mais au-delà des conseils classiques, ses retours mettent en lumière des subtilités humaines, des codes invisibles, des détails que l’on croit anodins mais qui pèsent lourd dans la balance. Voici une plongée dans les arcanes de l’entretien réussi, enrichie de témoignages concrets et d’histoires vécues.
Peut-on vraiment se trahir par son parfum ou ses confidences ?
C’est un détail que peu de candidats prennent en compte, pourtant Florence en est convaincue : l’odeur peut tout compromettre. “J’ai eu un candidat, très qualifié, qui sentait un parfum puissant, presque entêtant. Je n’ai pas pu me concentrer sur ses réponses. Plus tard, j’ai appris qu’un de mes collègues avait vécu un deuil lié à une personne qui portait ce même parfum. Ce genre d’association inconsciente peut créer une aversion immédiate.”
Le parfum, comme les accessoires ou la tenue, doit rester sobre. L’objectif n’est pas de marquer les esprits par un style affirmé, mais de se rendre disponible à l’échange. C’est aussi valable pour les émotions. Thomas Berthier, ancien ingénieur en informatique redevenu formateur après une reconversion, raconte : “Lors de mon premier entretien dans l’éducation, j’étais tellement nerveux que j’ai commencé à parler de mon burn-out, de mes insomnies… Je voulais expliquer mon changement de cap, mais j’ai compris trop tard que je m’étais mis en position de fragilité. Le recruteur m’a regardé avec compassion, pas avec intérêt professionnel.”
Autre piège fréquent : la tentation de séduire. “Certains candidats cherchent à créer une complicité trop rapide, presque amicale”, observe Florence. “Ils plaisantent, parlent de sujets personnels, ou cherchent à flatter. Cela peut sembler charmant, mais cela nuit à la crédibilité. Un entretien n’est pas un premier rendez-vous amoureux, c’est une évaluation mutuelle.”
Que dire sur son ancien poste ? La diplomatie comme arme de reconquête
Le moment où le recruteur demande : “Pourquoi quittez-vous votre poste actuel ?” est souvent redouté. C’est là que beaucoup d’erreurs se produisent. “J’ai vu des candidats entrer dans des longs récits de conflits, de maltraitance, de managers toxiques”, témoigne Florence. “Même si c’est vrai, cela donne l’impression d’un individu rancunier ou incapable de gérer les tensions.”
Elle recommande une réponse neutre, orientée vers l’avenir : “Je cherche un environnement qui me permette de développer mes compétences en…”, “Je souhaite évoluer vers un secteur plus innovant”, ou encore “Je suis attiré par votre culture d’entreprise, que j’ai pu observer à travers vos projets.”
Camille Nguyen, consultante en communication ayant changé trois fois de secteur en dix ans, a appris cette leçon à ses dépens. “Après mon départ d’une agence de publicité où les heures étaient interminables, j’ai dit au recruteur : ‘Je ne veux plus jamais travailler dans un endroit où on valorise le surmenage.’ Silence glacial. J’ai senti que j’étais perçu comme une personne difficile. Depuis, je reformule : ‘Je recherche un équilibre entre exigence et bien-être au travail, ce que je crois trouver ici.’”
Parler argent : faut-il attendre ou provoquer le sujet ?
La question de la rémunération est un nœud gordien. Faut-il en parler dès le premier entretien ? Florence est catégorique : “Non, sauf si le recruteur aborde le sujet.” En revanche, il est impératif d’y être préparé. “Un candidat qui dit ‘Je m’adapterai’ ou ‘Je laisse le soin à l’entreprise de proposer’ montre un manque d’estime de soi. Mais celui qui impose ses prétentions sans écouter les attentes du poste passe pour arrogant.”
La bonne stratégie ? Préparer une fourchette réaliste, basée sur le marché, le poste, et son expérience. Et l’exprimer au bon moment : “Je suis ouvert à une discussion sur la rémunération, bien sûr. Sur la base de ce que vous m’avez décrit, je pense qu’un salaire entre X et Y serait cohérent avec mes compétences et les responsabilités du rôle.”
Yannick Dubreuil, recruteur dans une start-up tech, confirme : “Quand un candidat répond avec précision à cette question, sans agressivité ni soumission, ça crée un sentiment de confiance. C’est quelqu’un qui connaît sa valeur, mais qui reste collaboratif.”
Les loisirs, un piège ou une opportunité ?
“Qu’est-ce que vous faites pendant votre temps libre ?” Une question qui semble anodine, mais qui peut révéler beaucoup. Florence explique : “Les loisirs donnent des indices sur la personnalité : êtes-vous créatif ? organisé ? sociable ? Mais attention à la réponse.”
“Je passe mes week-ends à coder en solo” peut être perçu comme un signe d’isolement, même si le candidat est passionné. À l’inverse, “Je fais du théâtre d’improvisation” peut suggérer une bonne aisance relationnelle, une capacité à gérer l’imprévu.
Élodie Charpentier, recrutée après une longue pause professionnelle pour élever ses enfants, a soigneusement préparé cette réponse. “J’ai dit que je pratiquais la randonnée en groupe et que j’animais des ateliers bénévoles dans une association locale. Cela montre que je reste active, que je travaille en équipe, et que je m’engage. Le recruteur a souri : ‘C’est exactement le profil d’esprit qu’on cherche.’”
Quelles sont les 10 erreurs les plus fréquentes en entretien d’embauche ?
1. Arriver en retard ou trop en avance
Un retard de dix minutes peut suffire à éliminer un candidat. Mais arriver trop tôt, une heure à l’avance, peut aussi déranger. L’équilibre ? 10 à 15 minutes d’avance, le temps de se poser, respirer, et être accueilli dans les conditions idéales.
2. Ne pas connaître l’entreprise
“Dire que vous postulez ‘parce que vous avez vu une offre intéressante’ sans pouvoir citer un projet, une valeur, ou un produit de l’entreprise, c’est un signal d’alarme”, prévient Florence. “Cela montre un manque d’intérêt réel.”
3. Parler sans structure
Les réponses doivent être claires, concises, et illustrées d’exemples concrets. La méthode STAR (Situation, Tâche, Action, Résultat) reste un excellent guide pour raconter une expérience professionnelle.
4. Ne pas poser de questions
Un candidat silencieux en fin d’entretien passe pour désintéressé. Florence conseille de préparer 2 à 3 questions pertinentes : “Comment évolue ce poste sur le long terme ?”, “Quel est le principal défi pour l’équipe cette année ?”
5. Se montrer trop arrogant ou trop humble
Le ton doit être juste : ni vantard, ni effacé. Il s’agit de montrer ses atouts sans les exagérer, et d’admettre ses limites avec assurance.
6. Mal gérer les silences
Un moment de pause après une question ne signifie pas que vous devez tout de suite combler le vide. Prendre quelques secondes pour réfléchir montre de la maîtrise. Parler sous pression, en revanche, peut mener à des réponses confuses.
7. Ne pas adapter son discours au poste
Un développeur ne mettra pas en avant les mêmes compétences qu’un chargé de clientèle. “J’ai vu un commercial essayer de vendre sa rigueur comptable pendant un entretien pour un poste de prospection. Il a perdu tout son impact”, raconte Florence.
8. Ignorer les signaux non verbaux
Le regard, la posture, les gestes comptent. Un candidat voûté, évitant le contact visuel, ou jouant nerveusement avec un stylo, en dit long sur son état d’esprit.
9. Envoyer un CV non adapté
Un même CV pour tous les postes ? C’est une erreur fréquente. Chaque candidature doit être ajustée : mots-clés, expériences mises en avant, objectif professionnel reformulé.
10. Ne pas relancer après l’entretien
Un simple email de remerciement, envoyé dans les 24 heures, peut faire la différence. Il montre de la courtoisie, de l’organisation, et un réel intérêt pour le poste.
Pourquoi l’adaptabilité fait la différence ?
“Ce que je cherche, ce n’est pas le meilleur profil sur le papier, mais celui qui saura s’adapter à notre culture”, affirme Florence. “Un commercial doit être dynamique, un comptable rigoureux, un développeur curieux. Mais tous doivent montrer qu’ils ont fait l’effort de comprendre le contexte.”
Adaptabilité ne rime pas avec soumission. Elle signifie : écoute, ouverture, capacité à s’ajuster. Julien Mercier, recruté comme responsable logistique après avoir travaillé dans la restauration, a su transformer son atout : “J’ai expliqué que gérer une brigade en cuisine, c’est comme piloter une chaîne d’approvisionnement : délais, stress, coordination. Le recruteur a vu que je parlais leur langage, même si mon expérience n’était pas classique.”
Se renseigner sur l’entreprise, comprendre ses enjeux, mentionner un article récent ou un projet innovant, c’est déjà montrer qu’on est prêt à entrer dans le jeu. “Cela ne prend que trente minutes de recherche, mais cela change tout”, souligne Florence.
Conclusion
L’entretien d’embauche n’est pas une épreuve de vérité, mais un exercice d’ajustement. Il s’agit de se montrer tel que l’on est, tout en sachant adapter sa communication aux attentes du poste et de l’entreprise. Les erreurs à éviter ne sont pas toujours celles que l’on croit : ce n’est pas forcément un manque de compétences, mais un excès d’émotion, un détail olfactif, ou une maladresse verbale qui peut faire échouer une candidature. La préparation, la neutralité, la diplomatie et l’écoute sont les clés. Comme le dit Florence : “Un bon entretien, ce n’est pas celui où le candidat brille à tout prix, mais celui où il crée une vraie connexion, professionnelle et humaine.”
A retenir
Peut-on porter du parfum lors d’un entretien d’embauche ?
Mieux vaut éviter tout parfum trop prononcé. Une neutralité olfactive est recommandée pour ne pas distraire ou provoquer des réactions inconscientes chez le recruteur.
Faut-il parler de ses anciens employeurs de manière négative ?
Non. Même si votre départ a été difficile, il est essentiel de rester professionnel. Privilégiez des formulations positives et orientées vers l’avenir plutôt que des critiques.
Quand aborder la question du salaire ?
Il est préférable d’attendre que le recruteur en parle en premier. Si vous devez répondre, donnez une fourchette réaliste, basée sur votre recherche et le poste proposé.
Les loisirs sont-ils importants en entretien ?
Oui, car ils révèlent des traits de personnalité. Présentez-les de manière à mettre en valeur des qualités professionnelles : travail d’équipe, engagement, créativité, etc.
Comment se démarquer sans se trahir ?
En étant authentique tout en restant stratégique : adaptez votre discours au poste, montrez votre intérêt pour l’entreprise, et soignez les détails, du langage corporel à la relance après l’entretien.