Le 9 octobre 2025, Caen accueille un événement historique : les premières Assises nationales de l’intelligence artificielle, organisées par Ouest-France en partenariat avec la région Normandie. Cet événement marque une étape clé dans la stratégie française vis-à-vis des nouvelles technologies, alors que le monde entier s’interroge sur l’avenir de l’IA. Au cœur de cette dynamique, Anne Bouverot incarne une voix stratégique et engagée, à la fois conseillère du gouvernement et ambassadrice de la vision française de l’intelligence artificielle. À travers son regard, on découvre comment la France entend jouer un rôle de premier plan, non seulement en matière d’innovation, mais aussi d’éthique, de souveraineté numérique et de transition écologique. Témoignages, ambitions et réalités du terrain se croisent pour dessiner un avenir à la fois ambitieux et ancré dans les besoins concrets des citoyens.
Quelle est la mission d’Anne Bouverot en tant qu’envoyée spéciale pour l’IA ?
Depuis sa nomination par l’Élysée, Anne Bouverot incarne une fonction inédite : celle de conseillère stratégique sur l’intelligence artificielle, avec une double mission. D’un côté, elle accompagne les décideurs politiques dans la formulation de politiques publiques cohérentes face à l’accélération technologique. De l’autre, elle représente la France sur la scène internationale, veillant à ce que la voix française soit entendue dans les grands débats mondiaux sur l’IA.
« Mon rôle, c’est d’être un pont entre les experts, les pouvoirs publics et les citoyens », explique-t-elle lors d’un entretien exclusif. « Il ne s’agit pas seulement de définir des priorités technologiques, mais de s’assurer que l’IA serve l’intérêt général, qu’elle soit inclusive et durable. »
Cette mission s’inscrit dans la continuité de travaux antérieurs. En 2024, Anne Bouverot a co-présidé avec l’économiste Philippe Aghion une commission nationale sur l’intelligence artificielle. Leur rapport, remis au gouvernement, a posé les fondations d’une stratégie globale : souveraineté technologique, formation des talents, encadrement éthique, et coopération internationale. Ces recommandations ont directement inspiré les orientations du sommet de Paris en février 2025, qu’elle a été chargée d’organiser.
« Le sommet de Paris n’était pas un simple rassemblement de discours, insiste-t-elle. C’était une volonté politique forte de positionner la France comme un acteur responsable et innovant. »
Quels résultats concrets depuis le sommet de Paris en 2025 ?
Le sommet international de l’intelligence artificielle, tenu au Grand Palais, a réuni près de 80 pays, des chercheurs, des entrepreneurs et des représentants de la société civile. Trois axes majeurs ont été définis : l’impact sociétal de l’IA, sa contribution à la transition écologique, et son rôle dans la compétitivité économique.
Un an plus tard, les premières retombées se font sentir. Sur le plan sociétal, un programme national de formation à l’IA a été lancé, visant à former un million de Français d’ici 2027. Baptisé « IA pour tous », il s’adresse aussi bien aux élèves de collège qu’aux salariés en reconversion. « Nous ne pouvons pas laisser l’IA aux seuls ingénieurs », affirme Bouverot. « Il faut que chaque citoyen comprenne ses enjeux, ses risques et ses opportunités. »
À Rouen, Clément Lefebvre, enseignant en technologie au lycée Gustave-Courbet, témoigne : « Depuis la rentrée, j’ai intégré des modules sur l’IA dans mon programme. Mes élèves analysent des cas concrets, comme les deepfakes ou les biais algorithmiques. C’est un changement radical : ils ne sont plus passifs face à la technologie, ils la questionnent. »
Sur le volet environnemental, la France a lancé un appel à projets pour soutenir des initiatives utilisant l’IA dans la lutte contre le changement climatique. Parmi les lauréats, une start-up basée à Rennes, Climact, développe un modèle prédictif pour optimiser la consommation énergétique des bâtiments publics. « Grâce à un financement de 2,5 millions d’euros, nous avons pu déployer notre solution dans 150 communes », explique sa fondatrice, Léa Marchand. « L’IA permet de gagner jusqu’à 20 % d’énergie sur les écoles et les mairies. C’est concret, mesurable, et ça change la donne. »
Comment la France entend-elle renforcer sa souveraineté numérique ?
L’un des enjeux centraux soulevés par Anne Bouverot est la dépendance européenne aux géants technologiques américains et aux chaînes d’approvisionnement asiatiques. « Nous ne pouvons pas construire une IA souveraine si nous importons tous nos composants ou si nous hébergeons nos données à l’autre bout du monde », martèle-t-elle.
Depuis 2025, plusieurs mesures ont été prises. Le gouvernement a accéléré le déploiement de data centers souverains, notamment en Normandie, région choisie pour son potentiel énergétique et sa proximité avec les hubs académiques. À Caen, le centre de calcul « Normandy AI » a été inauguré en juillet 2025, avec une capacité de traitement parmi les plus élevées d’Europe.
« Ce centre n’est pas seulement un outil technique, précise Julien Roche, directeur scientifique du projet. Il symbolise une volonté : que les données sensibles des citoyens, des entreprises et de la recherche restent sous contrôle français. »
Par ailleurs, un fonds d’investissement de 1,2 milliard d’euros a été créé pour soutenir les startups françaises spécialisées dans les modèles d’IA ouverts et éthiques. « Il ne s’agit pas de concurrencer les GAFAM à leur propre jeu, mais de proposer une alternative », souligne Bouverot. « Une IA qui respecte la vie privée, qui est transparente, et qui s’adapte aux spécificités de notre société. »
Quel impact de l’IA sur l’économie et l’emploi ?
Si l’IA suscite des craintes légitimes sur la destruction d’emplois, elle ouvre aussi des perspectives inédites. Selon une étude du Conseil national de l’IA (Cian), 400 000 nouveaux postes liés à l’IA pourraient être créés en France d’ici 2030, notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’industrie.
À Nantes, Sophie Bertrand, responsable RH dans une entreprise de mécanique de précision, raconte comment l’IA a transformé son entreprise : « Nous avons mis en place un système d’assistance à la maintenance prédictive. Les machines parlent avant de tomber en panne. Nos techniciens ne passent plus leur temps à dépanner, mais à innover. Et nous avons recruté trois ingénieurs en data science. »
Le gouvernement a également lancé un plan de reconversion massif, avec des parcours accélérés pour les travailleurs menacés par l’automatisation. « L’IA ne supprime pas les emplois, elle les transforme », insiste Bouverot. « Le défi, c’est de ne laisser personne sur le bord du chemin. »
Quel rôle pour la recherche et l’éducation ?
La France mise sur ses atouts académiques. Avec des institutions comme l’École normale supérieure (ENS), où Anne Bouverot préside le conseil d’administration, et des laboratoires de pointe en IA, le pays dispose d’un vivier de talents. Mais il faut aussi attirer les meilleurs cerveaux du monde.
Un programme de bourses « AI France Excellence » a été lancé, offrant jusqu’à 80 000 euros sur trois ans à des chercheurs internationaux souhaitant s’installer en France. « Nous voulons devenir une destination attractive pour les talents de l’IA, comme on l’est pour la mode ou la gastronomie », sourit Bouverot.
À l’université de Caen, le professeur Elias Karam, spécialiste en apprentissage automatique, voit déjà les effets : « Nous avons recruté deux chercheurs venus du Canada et d’Inde. Leur présence dynamise nos équipes, et nous permet d’aborder des problématiques globales avec des regards croisés. »
Quels défis restent à relever ?
Malgré les avancées, plusieurs obstacles persistent. Le premier : la fragmentation des initiatives. « Il y a beaucoup d’énergie, beaucoup d’innovation, mais il faut mieux coordonner », reconnaît Bouverot. Un comité de suivi interministériel a donc été mis en place pour harmoniser les politiques publiques.
Le deuxième défi est éthique. « L’IA peut amplifier les inégalités si elle n’est pas conçue de manière inclusive », prévient la chercheuse Camille Nguyen, membre du Cian. Des audits algorithmiques obligatoires sont désormais exigés pour les systèmes utilisés dans les services publics.
Enfin, il reste à convaincre les citoyens. « Il y a encore de la méfiance, parfois de la peur », observe Thomas Dubois, maire d’une petite commune du Calvados. « C’est pour ça que nous avons organisé des ateliers d’information. Quand les gens comprennent que l’IA peut aider à mieux gérer les déchets ou les transports, ils y sont plus favorables. »
Conclusion
Les premières Assises nationales de l’IA en 2025 ne sont pas qu’un événement médiatique. Elles incarnent une ambition collective : que la France ne subisse pas la révolution de l’intelligence artificielle, mais qu’elle la façonne. Sous l’impulsion d’acteurs comme Anne Bouverot, le pays construit une voie originale, entre innovation et responsabilité. Les promesses du sommet de Paris commencent à porter leurs fruits, mais le chemin reste long. La réussite ne se mesurera pas seulement à l’aune des technologies développées, mais à l’impact réel sur la vie des citoyens, la justice sociale et la planète.
A retenir
Quel est le rôle d’Anne Bouverot dans la stratégie IA de la France ?
Elle est l’envoyée spéciale du président pour l’intelligence artificielle, chargée de conseiller le gouvernement, de représenter la France à l’international et de veiller à la mise en œuvre des engagements pris lors du sommet de Paris en 2025.
Quels sont les principaux axes de la stratégie française en matière d’IA ?
La France mise sur trois piliers : la souveraineté numérique (data centers, indépendance technologique), l’impact sociétal (formation, inclusion) et la transition écologique (IA au service du climat).
Qu’a donné le sommet de Paris sur l’IA en février 2025 ?
Il a permis de lancer plusieurs initiatives concrètes : un programme national de formation, un fonds d’investissement pour les startups, et des projets d’IA appliquée à l’environnement et aux services publics.
Comment l’IA transforme-t-elle le monde du travail ?
Elle modifie les emplois plus qu’elle ne les détruit, en créant de nouvelles fonctions dans la data science, la maintenance prédictive ou l’éthique des algorithmes. Des plans de reconversion sont mis en place pour accompagner les travailleurs.
Quelle place pour l’éthique dans la stratégie française ?
L’éthique est au cœur de la démarche, avec des audits obligatoires pour les algorithmes publics, des biais à corriger, et une volonté de transparence et de contrôle citoyen sur les usages de l’IA.