Un métier invisible au cœur de l’école inclusive en 2025 : ce que gagnent vraiment les AESH

Derrière les murs des classes, dans les couloirs des écoles, un changement profond s’opère, silencieux mais puissant. Il ne vient pas seulement des programmes scolaires ou des nouvelles technologies, mais d’un métier longtemps en retrait : celui d’AESH, accompagnant d’élèves en situation de handicap. Ces professionnels, souvent méconnus du grand public, sont devenus des piliers de l’école inclusive. Leur présence transforme le quotidien des élèves, des enseignants, et redéfinit ce que signifie apprendre ensemble. Pourtant, leur rémunération, leur statut et leurs perspectives de carrière restent des sujets sensibles. Qui sont-ils vraiment ? Que gagnent-ils ? Et vers quoi évolue un métier qui, loin d’être secondaire, façonne l’avenir de l’école ?

Quel est le rôle concret d’un AESH dans la vie d’une classe ?

Le travail d’un AESH ne se limite pas à suivre un élève. Il s’inscrit dans une mission éducative plus large : rendre l’école accessible à tous, sans distinction. À l’école maternelle Jules-Ferry de Lille, Camille Lenoir, AESH depuis quatre ans, accompagne un élève de CP, Julien, atteint d’un trouble du spectre autistique. Son rôle ? L’aider à entrer en classe, à comprendre les consignes, à rester concentré, à interagir avec ses camarades. Mais surtout, lui offrir une continuité rassurante.

« Julien a besoin de repères précis. Le matin, je lui montre son emploi du temps visuel. Quand il est en difficulté, je propose une pause sensorielle. Je travaille en étroite collaboration avec sa maîtresse, Clémence. Ensemble, on adapte les fiches, on simplifie les consignes, on anticipe les moments de tension », explique Camille. Ce travail de coordination est essentiel. L’AESH n’est pas un simple « supplétif », mais un maillon du dispositif pédagogique.

Dans les Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire (ULIS), ce rôle est encore plus structuré. À Lyon, Antoine Mercier collabore avec un enseignant référent pour accompagner trois élèves en situation de polyhandicap. Il utilise des outils de communication augmentée, des supports adaptés, et participe à la mise en œuvre de projets individualisés. « On ne fait pas que suivre, on co-construit. L’élève progresse, mais nous aussi, en tant qu’équipe », souligne-t-il.

En 2023, plus de 132 000 AESH ont accompagné près de 436 000 élèves. Ce chiffre, en constante augmentation, témoigne d’un double mouvement : la reconnaissance du droit à l’école pour tous, et la nécessité de professionnels formés pour le rendre possible. Leur présence permet de fluidifier les journées, de réduire les situations de crise, et surtout, de donner aux élèves en situation de handicap une place active, et non passive, dans la vie scolaire.

Comment se construit l’accompagnement : individuel, mutualisé, ou en ULIS ?

L’accompagnement scolaire n’est pas uniforme. Il s’adapte aux besoins de chaque élève, et donc aux contextes locaux. Il existe trois grands modes d’intervention : l’accompagnement individuel, le mutualisé, et celui en ULIS.

Qu’est-ce que l’accompagnement individuel ?

Il s’adresse aux élèves dont les besoins sont constants et spécifiques. Par exemple, un enfant en fauteuil roulant ou avec un trouble profond de la communication peut nécessiter une présence continue. Dans ce cas, l’AESH est affecté à un seul élève, durant toute la journée ou une partie significative. C’est le cas de Mélanie Dumas, qui travaille à temps plein avec un élève trisomique à Bordeaux. « Il a besoin d’un regard constant, d’un appui pour ses gestes, pour ses émotions. Sans cette continuité, il serait perdu », affirme-t-elle.

Quand parle-t-on d’accompagnement mutualisé ?

C’est une solution plus souple, où un AESH intervient auprès de plusieurs élèves, selon un planning établi. Cela permet d’optimiser les ressources, mais peut poser des défis en termes de continuité. À Nantes, Thomas Berthier alterne entre deux élèves : l’un en maternelle, l’autre au collège. « Je dois être hyper organisé. Chaque passage est court, donc je dois capter l’attention vite. Mais cela me permet aussi de voir différentes situations, ce qui enrichit mon travail. »

Et dans les ULIS, comment s’articule le travail ?

Les ULIS sont des classes spécifiques au sein d’établissements ordinaires, dédiées à des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. L’AESH y travaille en binôme avec un enseignant spécialisé, sur des projets définis dans le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS). La coordination est permanente, les objectifs clairs, et les outils adaptés. « C’est un vrai travail d’équipe. On prépare les séances, on évalue les progrès, on ajuste », précise Élodie Rivière, AESH en ULIS SEGPA dans un collège de Marseille.

Quel salaire perçoit un AESH en 2024 ?

La question du salaire est centrale. Longtemps sous-estimée, la profession a bénéficié d’une revalorisation significative à partir de septembre 2023. Cette évolution répond à des années de mobilisation, de grèves, et de revendications légitimes.

Quelles sont les nouvelles grilles de rémunération ?

Depuis 2023, une nouvelle grille indiciaire a été mise en place, liée à l’ancienneté. À l’échelon 1, un AESH perçoit environ 1 826 € bruts mensuels, soit 1 475 € nets. Avec l’indemnité de fonction de 1 529 € bruts annuels (environ 127 € nets par mois), ce montant passe à 1 578 € nets. À l’échelon 5, on atteint 1 944 € bruts (1 571 € nets, 1 674 € avec l’indemnité). À l’échelon 11, le salaire brut monte à 2 240 €, soit 1 809 € nets, et 1 912 € avec l’indemnité.

Pourquoi ces chiffres ne reflètent-ils pas toujours la réalité ?

Parce que la majorité des AESH travaillent à temps partiel. Souvent, leur contrat couvre 62 % d’un temps plein, voire moins. Dans ce cas, le salaire mensuel net se situe entre 900 et 1 000 €. « Je travaille cinq jours par semaine, mais je suis payée pour 22 heures. C’est dur financièrement. J’ai dû trouver un autre emploi à mi-temps pour survivre », confie Camille Lenoir, malgré sa reconnaissance du métier.

En janvier 2024, une prime exceptionnelle de 500 € bruts a été versée, et les frais de transport ont été revalorisés. Un pas en avant, mais insuffisant selon certains. « Ces mesures sont bienvenues, mais elles ne compensent pas des années de précarité. On parle de professionnels essentiels, mais on les paie comme des intérimaires », estime Antoine Mercier.

Comment évolue la stabilité et la reconnaissance du métier ?

Le statut des AESH a longtemps été marqué par la précarité. Contrats précaires, renouvellements incertains, absence de perspective de carrière : ces conditions ont fragilisé un métier pourtant crucial. Mais un tournant semble s’être produit.

Le CDI est-il désormais accessible ?

Oui. Depuis la réforme de 2023, un AESH peut accéder à un contrat à durée indéterminée (CDI) après trois ans d’expérience, contre six auparavant. Une avancée majeure. « Cela change tout. Je peux enfin envisager l’avenir, investir dans des formations, penser à une évolution », témoigne Élodie Rivière, qui vient d’obtenir son CDI après cinq ans de contrats précaires.

Quelles sont les mesures de l’Acte II de l’École inclusive ?

Lancé en avril 2023, cet engagement du gouvernement vise à renforcer l’inclusion scolaire. Douze mesures ont été annoncées : création de milliers de postes d’AESH, ouverture d’unités spécialisées pour les enfants autistes, renforcement des liens avec le secteur médico-social, et accompagnement des familles. Des outils numériques et des formations spécifiques sont également déployés pour les enseignants.

À Toulouse, une nouvelle unité d’enseignement pour enfants avec troubles du neurodéveloppement a ouvert ses portes. « On a recruté trois AESH supplémentaires, tous en CDI. C’est un signal fort : l’école veut stabiliser ses équipes », note la directrice de l’établissement, Sophie Laurent.

Quelles perspectives de carrière pour les AESH ?

Le métier commence à être reconnu comme un parcours professionnel à part entière. Des formations continues sont proposées, notamment sur les troubles spécifiques, la communication, ou la gestion des comportements. Certains AESH envisagent même de devenir référents, avec un bonus salarial et des responsabilités d’encadrement.

« Je me suis formée à la communication gestuelle. Aujourd’hui, je forme d’autres AESH dans mon académie. Ce métier n’est plus seulement un job d’appoint : il peut devenir une vraie carrière », affirme Mélanie Dumas.

Quels sont les enjeux futurs pour l’accompagnement scolaire ?

Malgré les progrès, des défis subsistent. Le temps partiel reste une contrainte majeure. Beaucoup d’AESH cumulent des emplois ou dépendent du RSA. La formation initiale est encore trop légère, et l’accompagnement parfois mal compris par les enseignants ou les directions d’école.

« Il faut que l’AESH soit vu comme un partenaire pédagogique, pas comme un auxiliaire. On a des compétences, une expertise. On devrait être associés dès la conception des projets », plaide Thomas Berthier.

La pérennisation des moyens est aussi cruciale. Les revalorisations salariales et les CDI sont des avancées, mais elles doivent être accompagnées d’un engagement durable. L’inclusion ne se fait pas à moindres coûts. Elle exige des moyens stables, des formations continues, et une reconnaissance sociale à la hauteur de l’impact réel.

Comme le dit Camille Lenoir : « Quand Julien a réussi à lire sa première phrase tout seul, toute la classe a applaudi. Moi aussi, j’ai pleuré. Ce métier, c’est ça : des moments comme celui-là. Mais pour qu’ils soient possibles, il faut que nous, AESH, on puisse vivre dignement de notre travail. »

A retenir

Quel est le rôle principal d’un AESH ?

Un AESH accompagne les élèves en situation de handicap dans leur scolarité, en facilitant leur autonomie, leur inclusion et leur apprentissage. Il travaille en collaboration avec les enseignants, les familles et les équipes médico-sociales pour adapter les conditions d’apprentissage aux besoins spécifiques de chaque élève.

Quel est le salaire moyen d’un AESH en 2024 ?

Le salaire brut varie entre 1 826 € à l’échelon 1 et 2 240 € à l’échelon 11, avec une indemnité annuelle de 1 529 € bruts. En net, avec cette indemnité, il oscille entre 1 578 € et 1 912 €. Toutefois, la majorité des AESH travaillent à temps partiel, ce qui ramène leur rémunération mensuelle à environ 900-1 000 € nets.

Un AESH peut-il obtenir un CDI ?

Oui, depuis 2023, un AESH peut accéder à un contrat à durée indéterminée après trois ans d’expérience dans le métier, contre six auparavant. Cette mesure vise à renforcer la stabilité des équipes et la continuité des accompagnements.

Quelles sont les évolutions récentes dans le métier d’AESH ?

Outre la revalorisation salariale et l’accès accéléré au CDI, l’Acte II de l’École inclusive a introduit des mesures concrètes : création de postes, ouverture d’unités spécialisées, renforcement des formations, et amélioration des liens avec le secteur médico-social. L’objectif est de rendre l’inclusion durable, coordonnée et professionnalisée.

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les AESH ?

Les principales difficultés incluent le temps partiel imposé, la précarité antérieure des contrats, un manque de reconnaissance parfois dans les établissements, et une formation initiale insuffisante. Malgré les progrès, beaucoup d’AESH estiment que leur rémunération ne reflète pas encore pleinement l’importance de leur mission.