En plein cœur de la Mayenne, l’hôpital de Laval fait face à une crise qui résonne bien au-delà de ses murs. Depuis plusieurs mois, les services d’urgence sont sous tension, menacés par des pénuries de personnel, des départs successifs et une pression croissante liée à l’augmentation du nombre de patients. Face à cette situation préoccupante, les autorités sanitaires ont décidé de passer à l’action. L’Agence régionale de santé des Pays de la Loire (ARS) a lancé en août 2025 un dispositif inédit d’appui interrégional, visant à stabiliser et renforcer les urgences de l’établissement. Ce dispositif, concret et ambitieux, repose sur la mobilisation de cadres médicaux expérimentés venant d’Angers, Rennes et du Mans. Leur mission ? Apporter expertise, soutien opérationnel et impulser une dynamique de transformation durable.
Qu’est-ce que le dispositif d’appui interrégional mis en place à Laval ?
Le dispositif d’appui interrégional à l’hôpital de Laval est une réponse coordonnée à la dégradation des conditions de fonctionnement des urgences. Il a été formalisé par une lettre de mission signée le 1er août 2025 entre l’ARS et l’établissement. Ce dispositif repose sur l’envoi de trois chefs de service d’urgences provenant d’hôpitaux de référence : deux professeurs et un médecin chef, chacun s’engageant à venir une journée par semaine au sein du service de Laval. Leur présence n’est pas symbolique : ils ont une mission technique et d’expertise clairement définie, visant à améliorer l’organisation, la prise en charge des patients et la qualité des soins.
Le Dr Hussein Yassine, chef du service de réanimation et président de la commission médicale d’établissement (CME) à Laval, confirme : Il est en place. Ce dispositif est une bouée de sauvetage pour notre équipe. Il ne s’agit pas de remplacer nos médecins, mais de les accompagner, de partager des bonnes pratiques, de remettre en place des processus qui avaient été fragilisés. Ce soutien externe est perçu comme un levier essentiel pour sortir de la spirale négative dans laquelle s’était engouffré le service.
Qui sont les médecins mobilisés et quel est leur rôle ?
Les trois médecins mobilisés sont des figures reconnues dans le domaine des urgences en région Pays de la Loire. Dominique Savary, professeur et chef du service des urgences au CHU d’Angers, est un spécialiste de la coordination des flux patients et de la gestion des crises sanitaires. Louis Soulat, son homologue au CHU de Rennes, a une expertise avérée en organisation hospitalière et en management d’équipes pluridisciplinaires. Enfin, le Dr Lionel Imsaad, chef des urgences au centre hospitalier du Mans, apporte une expérience terrain particulièrement fine, marquée par des années de gestion d’un service en tension.
Chacun d’eux consacre une journée hebdomadaire à Laval, où il intervient à la fois en tant que praticien et conseiller. Leur rôle inclut l’analyse des processus internes, la formation des équipes, la participation aux réunions de coordination et l’encadrement des jeunes médecins. Leur arrivée a été vécue comme un signe fort de reconnaissance par le personnel soignant, souvent démoralisé par les conditions de travail.
Quand j’ai vu arriver le Pr Savary dans les couloirs, j’ai senti un poids s’envoler , témoigne Élodie Rambert, infirmière en poste aux urgences depuis huit ans. Ce n’est pas qu’il vienne soigner à notre place, mais il pose des questions, observe, écoute. Il nous aide à voir ce qu’on ne voyait plus.
Quels sont les effets concrets de ce dispositif depuis septembre ?
Depuis leur arrivée en septembre, les résultats commencent à se faire sentir. Le temps d’attente moyen aux urgences a été réduit de 22 %, passant de 3 heures à 2 heures 20 minutes. Le taux de patients non pris en charge en raison de surcharge a diminué de moitié. Ces indicateurs, bien que encore perfectibles, montrent une tendance positive que les équipes locales jugent encourageante.
Un des premiers chantiers abordés a été la refonte du triage à l’entrée des urgences. Le Pr Soulat a mis en place un système de priorisation plus fin, inspiré de celui de Rennes, permettant d’identifier plus rapidement les cas critiques. Avant, on perdait du temps à évaluer des patients qui attendaient dans des zones inadaptées , explique le Dr Yassine. Maintenant, chaque entrée est accompagnée d’une fiche numérique mise à jour en temps réel. Cela fluidifie tout.
Le Dr Imsaad, quant à lui, a travaillé sur la coordination avec les services de médecine interne et de chirurgie. À Laval, comme dans beaucoup d’hôpitaux de taille moyenne, il y a un manque de lisibilité entre les services , analyse-t-il. Nous avons instauré des points quotidiens avec les chefs de service voisins pour anticiper les admissions et mieux répartir les charges.
Le personnel ressent aussi un effet psychologique positif. On se sent moins seuls , confie Marc Tévenin, aide-soignant. Ces médecins ne viennent pas pour nous dire ce qu’on fait mal, mais pour construire avec nous. C’est une autre forme de dialogue.
Quels sont les défis restants pour les urgences de Laval ?
Malgré les progrès réalisés, les défis restent nombreux. Le principal obstacle demeure le recrutement. Le service d’urgence de Laval a perdu six médecins en deux ans, dont trois sont partis vers des métropoles offrant de meilleures conditions de vie et de travail. On a besoin de stabiliser l’équipe , insiste le Dr Yassine. L’appui extérieur est précieux, mais il ne peut pas compenser un manque structurel de personnel.
La question du logement et de l’attractivité du territoire est également cruciale. Laval, bien que dynamique, peine à attirer de jeunes médecins en raison de l’éloignement des grands centres universitaires et de l’offre limitée en logements abordables. J’ai reçu plusieurs candidatures, mais les gens hésitent à s’installer ici , explique Sophie Delorme, responsable des ressources humaines à l’hôpital. On travaille avec la mairie pour proposer des solutions, comme des aides au logement ou des accompagnements pour les conjoints en recherche d’emploi.
Par ailleurs, la surcharge reste une menace permanente. On a mieux organisé, mais on n’a pas plus de lits , souligne le Dr Imsaad. Si une vague de grippe arrive, ou un accident collectif, on peut vite être débordés. Il faut continuer à renforcer les capacités d’accueil.
Quelles perspectives pour l’avenir du service d’urgence ?
Le dispositif d’appui interrégional est prévu pour une durée de dix-huit mois, avec une évaluation à mi-parcours. Si les résultats sont confirmés, il pourrait être pérennisé ou inspirer d’autres territoires. Ce que l’on vit à Laval est un laboratoire pour d’autres hôpitaux de proximité , estime le Pr Savary. Le modèle de l’expert itinérant peut fonctionner ailleurs, surtout dans des zones où le recrutement est difficile.
À Laval, les équipes espèrent que ce soutien permettra de poser les bases d’un renouveau. Un projet de rénovation du service d’urgence est en cours d’étude, avec un budget prévisionnel de 4 millions d’euros. L’objectif est de moderniser les locaux, d’optimiser les flux et d’améliorer le confort des patients et du personnel.
On veut transformer cette crise en opportunité , affirme le Dr Yassine. Ce n’est pas juste une question de moyens, mais de culture médicale. On veut redevenir un service où on a envie de travailler, où on peut soigner dignement.
Quel impact humain ce dispositif a-t-il eu sur les soignants ?
L’impact humain est peut-être le plus significatif. Pendant des mois, les équipes ont travaillé sous pression, avec un sentiment d’abandon. La venue des experts a changé le climat. C’est comme si on nous disait : vous n’êtes pas seuls, on croit en vous , raconte Élodie Rambert. On a recommencé à parler d’avenir, à envisager des projets.
Le Pr Soulat confirme cette dimension psychologique : Notre rôle, c’est aussi de redonner confiance. Un service d’urgence, c’est une équipe. Quand elle doute, tout se gripe. Il faut la remettre en mouvement.
Des formations internes ont été relancées, des groupes de travail créés autour de la sécurité des patients et de la prévention des erreurs. Un climat de co-construction se met progressivement en place, là où régnaient l’isolement et la fatigue.
A retenir
Quel est l’objectif du dispositif d’appui interrégional à Laval ?
L’objectif est de stabiliser le service des urgences de l’hôpital de Laval en apportant un soutien technique, organisationnel et humain via la mobilisation de chefs de service expérimentés venant d’Angers, Rennes et du Mans. Ce dispositif vise à améliorer la prise en charge des patients, renforcer les équipes soignantes et préparer les conditions d’un recrutement durable.
Depuis quand ce dispositif est-il actif ?
Le dispositif a été officiellement lancé le 1er août 2025, avec la signature d’une lettre de mission. Les experts sont présents sur site depuis septembre 2025, chacun une journée par semaine.
Quels sont les résultats observés depuis la mise en place ?
Les résultats incluent une réduction du temps d’attente aux urgences de 22 %, une baisse du taux de patients non pris en charge, une amélioration du triage et une meilleure coordination entre services. Sur le plan humain, le moral des équipes s’est nettement amélioré.
Le dispositif sera-t-il prolongé ?
Le dispositif est prévu pour dix-huit mois, avec une évaluation à mi-parcours. Son prolongement dépendra des résultats obtenus, mais il pourrait servir de modèle pour d’autres hôpitaux en difficulté.
Quelles sont les prochaines étapes pour les urgences de Laval ?
Les prochaines étapes incluent le renforcement du recrutement, la mise en œuvre d’un plan de rénovation des locaux, et la consolidation des nouvelles pratiques mises en place avec l’appui des experts. L’objectif est de créer un service durable, attractif et résilient face aux crises futures.