Mobilier: l’enseigne emblématique annonce 50 fermetures d’ici 2025

À l’orée d’une époque charnière, une enseigne d’ameublement familière des intérieurs familiaux affronte une zone de turbulences. Les résultats ont vivement décroché, la confiance s’est effritée, et le cap doit être réajusté en urgence. Entre la volonté de se réinventer et la nécessité de protéger un héritage de marque patiemment construit, la direction engage un plan de transformation profond. Derrière les chiffres, il y a des équipes, des partenaires et des clients, tous concernés par un virage stratégique qui mêle restructuration économique, innovation digitale et recomposition du réseau. Le défi consiste à concilier rentabilité, expérience omnicanale et responsabilité sociale, sans trahir l’identité qui a fait le succès de l’enseigne.

Quels signaux ont révélé la fragilité du modèle actuel ?

La réalité s’est imposée sans détours : après des années de croissance rassurante, les performances se sont brutalement inversées. L’enseigne, forte de 340 magasins ancrés en Europe et soutenue par un pivot commercial français qui représente 55 % du chiffre d’affaires, a vu son bénéfice net dégringoler de 74 % en un exercice. Passer de 33,8 millions à 8,8 millions d’euros a agi comme un électrochoc. Les investisseurs, d’abord stupéfaits, ont rapidement exigé un plan d’action. En interne, ce recul a mis en lumière les fragilités d’un modèle qui reposait sur une cartographie de magasins parfois coûteuse, des baux urbains contraignants et une intensification de la concurrence, y compris digitale.

Dans les réunions stratégiques, le constat a pris un visage très humain. Au siège, Flavie Montgrand, responsable performance, a résumé la situation à ses équipes avec une lucidité frappante : “Nous n’avons plus le luxe de choisir entre accélérer et freiner. Il faut réorienter, tout de suite, et au bon endroit.” Ce basculement a enclenché une revue complète des priorités, ligne par ligne, mètre carré par mètre carré, canal par canal. L’objectif n’est pas seulement de colmater une brèche : il s’agit de repenser l’équilibre entre la présence physique et la force de frappe digitale, entre coûts fixes et agilité opérationnelle.

Pourquoi réduire et réorganiser le réseau dès maintenant ?

Le réseau, massif et précieux, est devenu hétérogène dans ses performances. La décision, difficile mais assumée, vise la fermeture ou le transfert de 40 à 50 sites d’ici 2026, avec un objectif d’économies de 85 millions d’euros en trois ans. Derrière ce chiffre, il y a une stratégie : concentrer la présence sur les zones où le trafic, la conversion et la rentabilité s’alignent, tout en ajustant la voilure dans les emplacements dont le coût ne se justifie plus.

Cette réorganisation ne se résume pas à “faire moins”, mais à “faire mieux”. Un transfert peut, par exemple, rapprocher un magasin d’une galerie commerciale aux charges plus maîtrisées et au flux qualifié. C’est ce qu’a vécu l’équipe de Tours-Nord : en quittant une artère de centre-ville aux loyers exigeants, le magasin a gagné en visibilité, allégé ses coûts et trouvé une meilleure synergie avec l’offre d’enseignes voisines. “Nous avons redécouvert nos clients du samedi, ceux qui combinent courses, inspiration déco et achat direct,” témoigne Éva Courcelles, directrice de site, qui note une amélioration de la fréquentation et de la marge opérationnelle.

Comment l’enseigne compte-t-elle alléger durablement ses coûts ?

La renégociation des baux constitue le premier levier. Les loyers des centres-villes, historiquement acceptés pour des raisons d’image et de trafic, ne correspondent plus à la tension actuelle sur les marges. Recalibrer ces engagements immobiliers, prolonger certains contrats à des conditions plus flexibles, et envisager des sorties anticipées quand la performance ne suit plus, permet de desserrer l’étau. Chaque point de pourcentage récupéré en charge locative est immédiatement visible dans le compte d’exploitation.

Deuxième levier : la migration partielle vers les galeries commerciales. Ces pôles offrent des conditions financières plus attractives, une mutualisation des flux et des services, ainsi qu’une meilleure lisibilité pour le client qui vient “faire tout au même endroit”. L’expérience s’en trouve simplifiée, surtout lorsque les magasins y connectent des espaces de retrait et des ateliers de conseil en aménagement.

Troisième levier : l’ouverture maîtrisée à la franchise et à l’affiliation, jusqu’à 30 % du réseau. Partager le risque d’exploitation crée de la flexibilité, un ancrage entrepreneurial local et une réactivité accrue aux spécificités régionales. Ce n’est pas une dilution de l’identité ; c’est un contrat clair où la marque cadre l’expérience, la qualité et le merchandising, tandis que les partenaires portent l’investissement et optimisent l’opérationnel. “Dans ma ville, la saisonnalité ne ressemble à aucune autre,” confie Laurent Bensalem, futur affilié dans le Sud-Ouest. “La franchise me permet d’ajuster l’offre sans perdre la signature de la marque.”

Quels impacts humains et sociaux faut-il anticiper ?

Réduire, déplacer, transformer : ces mots pèsent, d’abord pour les équipes. Des fermetures peuvent entraîner des mobilités forcées, des changements de poste, parfois des fins de contrat. L’enseigne active une combinaison de dispositifs pour limiter les fractures : bilans de compétences, passerelles vers d’autres magasins, reconversions, financements de formation certifiante et appuis à la mobilité géographique. L’ambition affichée est de personnaliser l’accompagnement plutôt que d’appliquer des solutions indifférenciées.

À Lille, Sonia Lhéritier, conseillère vente depuis huit ans, a suivi un parcours express de formation digitale pour devenir experte en “appartements virtuels”, ces simulations 3D qui permettent de montrer au client, tablette en main, l’harmonie d’un canapé, d’un tapis et d’un luminaire dans un salon de 18 m². “Je suis passée de la mise en rayon à la scénographie augmentée,” dit-elle en souriant. “Ce n’est pas un gadget : les clients hésitent moins, et nous évitons les erreurs de dimensions.” Dans un contexte incertain, ces trajectoires concrètes réparent la confiance et donnent du sens à la transition.

De quelle manière le digital peut-il relancer les ventes ?

L’e-commerce n’est plus un canal annexe ; c’est le prolongement naturel de la boutique. L’enseigne muscle sa plateforme pour fluidifier chaque étape : recherche de produit, configuration, disponibilité, prise de rendez-vous conseil, livraison et retours. La brique la plus visible pour le client est la réalité augmentée, intégrée sur mobile et en magasin. Visualiser un buffet chez soi, à l’échelle exacte, avec la bonne teinte et sous sa lumière réelle, réduit les friction points et les retours post-achat.

Cette expérience n’a de valeur que si elle se connecte au physique. Côté logistique, les stocks sont synchronisés en temps réel afin d’éviter les promesses intenables. Côté relationnel, les équipes magasin deviennent des “conseillers parcours” : elles peuvent créer un panier en boutique, l’envoyer sur le compte du client et finaliser la vente à distance, ou l’inverse. “Un mercredi après-midi, j’ai accompagné une famille en visioconférence depuis la réserve,” raconte Safia Darnel, vendeuse à Lyon Part-Dieu. “Ils ont validé devant leur salon, en direct. Le lendemain, ils sont venus chercher les housses et un luminaire assorti.”

Le passage à l’omnicanal peut-il préserver l’ADN de la marque ?

Le risque, quand on digitalise, c’est de perdre ce qui fait le charme d’une enseigne de maison : la matière, la couleur, la proportion. L’enjeu est donc d’aligner l’expérience en ligne et en magasin pour qu’elles se renforcent mutuellement. Les collections phares restent scénographiées en showroom, avec des espaces “inspiration” renouvelés au rythme des saisons. En miroir, le site valorise des parcours éditorialisés : “petites surfaces”, “chambres d’enfants évolutives”, “terrasse urbaine”. Les conseillers s’y appuient pour guider les clients, fiches à l’appui, échantillons en main.

Ce tissage fin entre contenus, lieux et services nourrit l’identité. Il raconte une histoire cohérente : des prix travaillés, une esthétique accessible, et des pièces malines capables de transformer un coin de vie. “Notre promesse n’a pas changé,” insiste Camille Reynier, directrice de l’offre. “Ce qui change, c’est notre manière de la tenir partout, sans couture.”

Comment la marque entend-elle financer la transformation ?

Les économies générées par la rationalisation du réseau et la renégociation des baux constituent un socle. Elles sont réallouées vers trois priorités : l’outil digital (plateforme, réalité augmentée, CRM), la supply chain (optimisation des coûts logistiques, fiabilité des délais) et les compétences (formation, reconversion, management de la performance). L’idée n’est pas de conserver chaque euro épargné, mais d’investir de manière sélective pour enclencher un cercle vertueux : meilleure expérience, meilleure conversion, moindre coût de non-qualité.

Au plan opérationnel, un comité d’arbitrage suit mensuellement les gains et les réinvestissements. Les indicateurs clés sont suivis à un niveau granulaire : coût au mètre carré, taux de transformation omnicanal, panier moyen avec configuration 3D, taux de retour évité par la réalité augmentée, satisfaction client post-livraison. Cette gouvernance permet d’ajuster rapidement ce qui ne fonctionne pas, sans attendre un bilan annuel.

Quelles garanties pour les clients dans cette période de transition ?

Pour un client, la fermeture d’un magasin ou un transfert peut créer de l’incertitude : où récupérer une commande, à qui s’adresser pour une pièce détachée ? L’enseigne a formalisé une promesse de continuité de service. Lorsqu’un point de vente ferme, les commandes en cours sont reroutées vers le site ou un magasin de proximité, avec un service client dédié et des options de livraison sans frais additionnels. Les garanties sont maintenues, les SAV accessibles en ligne et par téléphone, et des points relais partenaires sont activés pour faciliter les retraits.

À Clermont-Ferrand, Julien Orvieux, jeune père, avait acheté une commode modulable une semaine avant l’annonce du transfert du magasin. “J’ai reçu un SMS avec un lien de suivi, puis un appel pour proposer une livraison avancée. Franchement, j’avais peur d’un parcours du combattant, mais tout s’est fait en deux clics et une signature à la porte.” Ce type d’attention au détail alimente la confiance à un moment où l’image est sous tension.

La franchise et l’affiliation peuvent-elles préserver la qualité ?

Le virage vers un réseau mixte pose une question sensible : comment garantir une expérience homogène ? L’enseigne répond par un cadre strict : assortiment socle identique, plan de merchandising standardisé, formation certifiante des équipes, audits réguliers, et outils digitaux communs. Les partenaires conservent des marges d’adaptation locales sur les mises en avant saisonnières ou les services complémentaires (pose, personnalisation textile, ateliers déco), tant que la charte est respectée.

Pour les clients, la promesse reste la même : retrouver les collections signature, des prix lisibles, une qualité suivie, et des services fiables. Pour la marque, c’est un moyen de densifier sa présence à moindre capital engagé, tout en bénéficiant de l’instinct terrain de commerçants indépendants. Dans les zones périurbaines, cet équilibre peut accélérer le développement, notamment sur les surfaces plus compactes et orientées inspiration.

Quelles innovations pour dynamiser l’attractivité en magasin ?

Au-delà du digital, la marque redessine ses espaces physiques. Des zones “Projet” réunissent tissus, finitions, échantillons de bois et modules 3D. Les clients peuvent y composer leur pièce, créer une liste, repartir avec un rendu, puis finaliser en ligne ou sur place. Les ateliers “mini-chantiers” du samedi matin, animés par des conseillers formés, montrent comment optimiser un studio, installer un rangement d’angle ou combiner éclairages. Les rendez-vous déportés (visio) permettent d’avancer sans se déplacer, avec un suivi par le même conseiller pour éviter la répétition d’informations.

“Quand on montre l’avant-après d’un salon de 12 m², on voit les yeux s’illuminer,” raconte Oumar Yssali, conseiller en Île-de-France. “Ce n’est pas seulement vendre une table basse. C’est dessiner un espace où on respire mieux.” Cette dimension expérientielle, renforcée par l’omnicanal, replace le magasin dans un rôle de scène et d’atelier, plutôt que de simple stock.

Comment la supply chain s’adapte-t-elle à la nouvelle donne ?

La performance logistique est le socle discret de la satisfaction. La marque reconfigure ses flux avec des hubs régionaux mieux calibrés et des fenêtres de livraison plus fines. Les informations de disponibilité sont mises à jour en temps réel, évitant la frustration des “ruptures surprises”. Les partenaires transport sont engagés sur des niveaux de service avec des pénalités si les délais ne sont pas tenus. Enfin, la consolidation des commandes multi-produits limite les allers-retours et les coûts carbone.

Côté retours, la réalité augmentée joue le rôle de “filtre” : des mesures exactes et une projection visuelle réduisent les erreurs. Un service d’accompagnement à la prise de cotes, à domicile ou en visio, complète le dispositif pour les projets complexes. Ce soin apporté en amont coûte moins cher qu’un retour volumineux et participe à l’effort de sobriété.

L’avenir est-il vraiment incertain ou déjà en marche ?

Le mot “incertitude” plane, mais il n’épuise pas la dynamique à l’œuvre. D’un côté, il y a des choix nets : rationalisation du réseau, économies ciblées, ouverture au partenariat, accélération digitale. De l’autre, une exigence constante : préserver l’intimité de la relation client, la fiabilité des engagements, et la fierté des équipes. Les premiers signaux, dans les magasins pilotes, témoignent d’un rebond de la conversion et d’une baisse des retours sur les produits configurés en 3D. Si la mise en œuvre reste rigoureuse, l’enseigne peut retrouver sa trajectoire de croissance, moins tributaire de charges lourdes et plus fidèle aux usages contemporains d’achat.

Au fond, c’est une histoire de rééquilibrage. La marque ne renie pas ce qui a fait sa force : un sens aigu du “beau utile”, une approche budget maîtrisé, et une culture maison accessible. Elle ajuste le moteur, change quelques pièces, met à jour l’interface, pour continuer à délivrer la même promesse dans un marché qui a, lui, déjà bougé.

Conclusion

Le tournant est décisif et assumé : rationaliser pour mieux investir, digitaliser sans se dénaturer, protéger les équipes tout en exigeant de l’efficacité. La trajectoire passe par des décisions parfois rugueuses, mais orientées vers un objectif lisible : reconstituer une marge saine, fluidifier l’expérience omnicanale et redonner aux magasins un rôle d’inspiration et de conseil. Entre économies structurelles, franchise contrôlée et innovations concrètes (réalité augmentée, parcours unifiés, ateliers projet), l’enseigne se donne les moyens d’une relance crédible. La clé sera l’exécution : cadence mesurée, accompagnement humain serré, et discipline sur les indicateurs. C’est à ce prix que la marque pourra regagner l’élan qui l’a rendue incontournable dans les foyers, et transformer l’inquiétude du moment en dynamique durable.

A retenir

Pourquoi l’enseigne engage-t-elle une restructuration maintenant ?

Parce qu’un bénéfice en chute de 74 % a mis en évidence les limites d’un réseau coûteux et d’un modèle à ajuster. Il faut réorienter vite : rationaliser, investir mieux, et reconnecter performance et expérience client.

Quelles sont les principales mesures annoncées ?

Fermeture ou transfert de 40 à 50 magasins d’ici 2026, économies ciblées de 85 millions d’euros en trois ans, renégociation des baux, migration vers des galeries commerciales, et conversion d’environ 30 % du réseau en franchise ou affiliation.

Comment les équipes sont-elles accompagnées ?

Par des plans de reconversion et de formation, des mobilités internes, un suivi personnalisé selon le profil, et l’essor de nouveaux métiers en magasin, notamment autour de la 3D et de la réalité augmentée.

Quel rôle joue le digital dans la relance ?

Un rôle central : réalité augmentée pour visualiser les meubles chez soi, plateforme e-commerce renforcée, synchronisation des stocks, parcours unifiés entre boutique et site, et conseils à distance.

La franchise ne risque-t-elle pas d’altérer l’identité de la marque ?

Le cadre est strict : assortiment socle, merchandising, formation et outils communs. Les partenaires disposent d’ajustements locaux encadrés. L’objectif est de gagner en agilité sans diluer la signature.

Que se passe-t-il pour les clients en cas de fermeture d’un magasin ?

Les commandes sont reroutées, les garanties maintenues, les retraits et SAV organisés via des magasins proches, le site ou des relais partenaires, avec un accompagnement proactif pour sécuriser chaque étape.

En quoi l’omnicanal améliore-t-il la satisfaction ?

Il fluidifie le parcours : découverte en ligne, configuration 3D, conseils en magasin ou en visio, paiement où l’on veut, retrait ou livraison adaptés, et suivi unifié. Moins d’hésitations, moins d’erreurs, plus de plaisir.

Quels sont les indicateurs à surveiller pour juger du succès ?

Évolution de la marge, coût au mètre carré, conversion omnicanale, panier moyen avec configuration 3D, taux de retour, satisfaction post-livraison et respect des délais. Ils guident les arbitrages mensuels.

Que gagne le client au final ?

Des prix mieux maîtrisés, des choix plus sûrs grâce à la réalité augmentée, une disponibilité plus fiable, et des conseils personnalisés qui transforment l’achat en projet réussi, en ligne comme en magasin.

L’avenir est-il prometteur malgré l’incertitude ?

Oui, si l’exécution reste rigoureuse. Les leviers sont identifiés, les outils en place et les premières retombées encourageantes. La marque peut retrouver son élan en donnant du sens à chaque économie : servir mieux, durablement.