Naf Naf en danger : son avenir incertain en 2025 inquiète le monde de la mode

Le destin de Naf Naf, marque emblématique du prêt-à-porter féminin français, bascule dans une incertitude profonde. Placée en redressement judiciaire au printemps, la décision cruciale interviendra ce jeudi 7 août. Dans les rues, les vitrines des boutiques affichent désormais des pancartes annonçant une fermeture imminente. L’ambiance est lourde, teintée de nostalgie et de résignation. Derrière ce nom connu de millions de femmes, ce sont des vies, des parcours, des souvenirs qui vacillent. L’histoire de Naf Naf n’est pas seulement celle d’une marque en difficulté : c’est un miroir tendu à toute une industrie en pleine mutation.

Qu’est-ce qui a conduit Naf Naf au bord du gouffre ?

Fondée en 1973 à Lyon par les frères Saada, Naf Naf a marqué plusieurs générations par son style affirmé, sa touche audacieuse et son image de marque accessible mais stylée. À son apogée, la griffe comptait plus de 300 boutiques en France et à l’international, avec des campagnes publicitaires iconiques, comme celles mettant en scène des femmes en trench-coat noir, inscrites dans une esthétique à la fois urbaine et glamour.

Pourtant, cette aura n’a pas suffi à résister aux vents contraires du marché. La première faille s’est creusée dans les années 2010, lorsque la montée des marques low-cost et du fast fashion a redéfini les attentes des consommatrices. Zara, H&M ou Mango ont inondé les centres-villes avec des collections renouvelées toutes les deux semaines, des prix agressifs et une logistique ultra-rapide. Naf Naf, coincée entre le luxe accessible et le discount, a perdu son positionnement clair.

Camille Leroy, ancienne responsable marketing dans une enseigne de mode de taille intermédiaire, observe : « Naf Naf n’a jamais réussi à trancher entre tradition et modernité. Elle voulait rester une marque de quartier, avec une identité forte, mais sans investir massivement dans le digital. En 2020, ça ne passe plus. »

La pandémie de 2020 a porté un coup décisif. Les fermetures de boutiques, la chute du trafic en centre-ville, l’explosion du e-commerce ont fragilisé les marques qui n’avaient pas anticipé le virage numérique. Naf Naf, dont le site en ligne restait lent, peu ergonomique et mal intégré à la stratégie globale, a vu ses ventes s’effondrer. Les coûts fixes, notamment liés au réseau physique, sont devenus insoutenables.

Comment les employés vivent-ils cette crise ?

Sur le terrain, ce sont près de 860 salariés qui voient leur avenir basculer. Dans le magasin Naf Naf de la rue de Rennes à Paris, Amina Benali, vendeuse depuis douze ans, range les dernières robes en solde sans enthousiasme. « On nous dit qu’on saura tout jeudi. Mais on sent que c’est fini. J’ai donné ma jeunesse à cette boutique. Mes clientes, je les connais par leur prénom. Certaines viennent depuis qu’elles étaient lycéennes. Et maintenant ? Qu’est-ce qu’on devient ? »

Le sentiment de trahison est palpable. Beaucoup d’employés ont appris la situation par les médias, alors que la direction restait silencieuse pendant des semaines. Le manque de communication a alimenté l’anxiété, mais aussi une forme de colère. « On n’est pas des machines, on est des personnes, soupire Amina. On a cru en la marque. On a fait des heures supplémentaires pendant les soldes, on a souri même quand on savait que les chiffres baissaient. Et aujourd’hui, on apprend qu’on va peut-être être licenciés comme ça, sans explication. »

Le redressement judiciaire laisse une porte ouverte à une reprise, mais les candidats potentiels sont rares. Le fonds d’investissement qui possède la marque depuis 2017, OpCapita, n’a pas réussi à stabiliser la situation. Certains salariés espèrent une acquisition par un groupe plus solide, mais les scénarios les plus optimistes prévoient une forte réduction du réseau physique.

Quel impact sur les clientes fidèles ?

Pour beaucoup de Françaises, Naf Naf n’est pas qu’une marque : c’est une mémoire. C’est le premier manteau acheté en solde après le bac, la robe portée pour un premier entretien d’embauche, le trench noir qui a traversé les années. Clémence Dubreuil, 42 ans, se souvient : « J’ai acheté ma première veste Naf Naf à 16 ans. Elle était rouge, cintrée, avec des boutons dorés. Je me sentais adulte. Pendant vingt ans, c’était ma griffe fétiche. Pas chère, mais bien coupée. »

Aujourd’hui, elle parcourt les boutiques encore ouvertes, presque comme un pèlerinage. « Je ne cherche plus vraiment à acheter. Je veux juste voir les rayons, sentir l’odeur du magasin, me souvenir. C’est bête, non ? Mais c’est comme si une partie de ma jeunesse disparaissait. »

Ce sentiment de perte collective est partagé sur les réseaux sociaux. Sur Instagram, des anciennes clientes publient des photos de leurs plus beaux achats Naf Naf, accompagnées de hashtags comme #MerciNafNaf ou #FinDuneEpoque. Ces témoignages, émouvants et sincères, montrent à quel point une marque peut devenir un repère culturel.

L’industrie de la mode peut-elle éviter d’autres naufrages ?

Le cas Naf Naf n’est malheureusement pas isolé. Depuis dix ans, des enseignes comme Kookaï, Pimkie ou même Etam ont dû se restructurer, fermer des boutiques, voire changer de main. Le modèle du prêt-à-porter traditionnel, basé sur un réseau physique dense et des collections saisonnières, est en crise.

« Le consommateur d’aujourd’hui veut du choix, de la rapidité, et de la transparence », explique Julien Moreau, consultant en stratégie de mode. « Il ne se contente plus d’acheter un vêtement. Il veut savoir d’où il vient, comment il a été fabriqué, s’il est durable. Les marques qui n’intègrent pas ces dimensions risquent de disparaître, peu importe leur passé glorieux. »

Le numérique n’est plus une option, mais une obligation. Les marques qui réussissent, comme Sézane ou Rouje, ont compris qu’il fallait construire une communauté, raconter une histoire, et vendre une expérience, pas seulement des vêtements. Elles utilisent les réseaux sociaux non pas pour faire de la publicité, mais pour créer du lien. Elles proposent du contenu, des ateliers, des événements en ligne. Et surtout, elles ont une identité forte, cohérente, partout.

Quelles alternatives émergent pour les consommateurs ?

Face à la désaffection pour les grandes enseignes traditionnelles, une nouvelle génération de marques s’impose. Elles misent sur l’éthique, la durabilité, et la transparence. Des labels comme Undiz, Petit Bateau ou même des start-up comme Les Prairies de Paris ou Nudie Jeans se développent en proposant des vêtements fabriqués en Europe, avec des matières recyclées ou certifiées, et des conditions de travail respectueuses.

Le consommateur devient acteur. Il refuse de payer pour des collections jetables, et privilégie désormais la qualité, la longévité, et le sens. « J’achète moins, mais mieux », confie Léa Chambon, 31 ans, habitante de Bordeaux. « Je vais sur des plateformes de seconde main, comme Vestiaire Collective ou Vinted. Je soutiens des petites marques locales. Et si je prends un vêtement, c’est parce qu’il me plaît vraiment, pas parce qu’il est en solde. »

Cette évolution profonde du comportement d’achat redéfinit le marché. Les marques qui survivront seront celles capables de s’inscrire dans cette logique : non plus vendre de la mode, mais proposer un engagement.

Les médias sociaux peuvent-ils sauver une marque ?

Les réseaux sociaux sont devenus le terrain de bataille des marques de mode. Instagram, TikTok, YouTube : ces plateformes permettent de toucher directement les consommateurs, sans intermédiaire, et de construire une image vivante, authentique.

« Une marque aujourd’hui, c’est d’abord une voix, un ton, une esthétique », souligne Élodie Ricard, créatrice d’une marque de mode éthique basée à Marseille. « Si tu n’existes pas sur Instagram, tu n’existes pas. Mais attention : il ne s’agit pas de poster des photos de produits. Il faut raconter une histoire, montrer les coulisses, faire parler les équipes, répondre aux messages. Le consommateur veut du dialogue. »

Naf Naf, malgré quelques tentatives, n’a jamais réussi à s’imposer sur ces canaux. Son ton restait corporate, ses publications irrégulières, son engagement faible. Contrairement à des marques comme Sézane, qui publie des vidéos de ses ateliers, des interviews de stylistes, ou des témoignages de clientes, Naf Naf n’a pas su humaniser sa marque.

Peut-on encore espérer une reprise de Naf Naf ?

Techniquement, oui. Le redressement judiciaire ouvre la voie à un repreneur. Mais les conditions sont draconiennes. Il faudrait non seulement investir massivement dans la digitalisation, mais aussi revoir entièrement l’identité de la marque, son positionnement, sa chaîne de production. Et surtout, il faudrait reconstruire la confiance.

« Ce n’est pas une relance, ce serait une renaissance », estime Julien Moreau. « Il faudrait une vision forte, une équipe créative renouvelée, et un capital risque prêt à attendre plusieurs années avant de voir des résultats. Ce n’est pas le genre de projet qui attire les fonds aujourd’hui. »

Conclusion

Le sort de Naf Naf, décidé ce jeudi, est bien plus qu’un événement économique. C’est un symbole. Celui d’un modèle qui vacille, d’une génération de marques qui n’a pas su s’adapter à la vitesse du monde moderne. Mais c’est aussi un avertissement : dans la mode, comme ailleurs, l’attachement au passé ne suffit pas. Il faut innover, écouter, se transformer. Les enseignes qui survivront seront celles qui auront compris que la fidélité des clientes ne se gagne pas par la nostalgie, mais par la pertinence.

Si Naf Naf disparaît, ce ne sera pas seulement la fin d’un nom. Ce sera la confirmation qu’une certaine idée du prêt-à-porter français, centrée sur le magasin de quartier et la collection saisonnière, appartient désormais au passé. Mais dans les cœurs de celles qui l’ont aimée, elle restera, longtemps, une silhouette familière sur le trottoir d’une jeunesse révolue.

A retenir

Quel est le statut actuel de Naf Naf ?

La marque est placée en redressement judiciaire depuis le printemps. Une décision cruciale est attendue le jeudi 7 août, qui déterminera si elle est reprise ou liquidée.

Combien d’emplois sont menacés ?

Près de 860 salariés sont concernés, répartis dans les boutiques françaises et les services centraux.

Pourquoi Naf Naf a-t-elle échoué à s’adapter ?

La marque a manqué de clarté dans son positionnement, n’a pas investi suffisamment dans le digital, et n’a pas su répondre aux nouvelles attentes des consommatrices en matière de durabilité et de transparence.

Quelles leçons tirer de cette situation ?

Les marques doivent aujourd’hui allier identité forte, innovation digitale, et engagement éthique. Le commerce physique seul ne suffit plus : il faut construire une relation directe et authentique avec les clients.

Les consommatrices ont-elles encore de l’espoir pour Naf Naf ?

Beaucoup expriment une profonde nostalgie, mais peu croient à un retour en force. Leur attachement témoigne d’un lien émotionnel rare, mais insuffisant pour sauver une entreprise en crise structurelle.