Coup de frein inattendu pour l’enseigne de jardinage : neuf magasins ferment en 2025, dont cinq dans le nord de la France

Alors que le secteur du commerce spécialisé traverse une période de turbulence, une enseigne emblématique du jardinage familial fait face à un moment charnière. Côté Nature, acteur de proximité reconnu pour son expertise et son lien authentique avec les amateurs de verdure, annonce la fermeture de neuf de ses points de vente en France. Une décision douloureuse, mais stratégique, prise dans un contexte économique tendu où les coûts explosent et la consommation ralentit. Ce repositionnement n’est pas un abandon, mais une réorganisation prudente visant à préserver l’essence même de la marque : un accompagnement personnalisé, des produits de qualité et une présence humaine au cœur du jardinage. À travers témoignages, analyses et perspectives, découvrez pourquoi et comment cette enseigne s’adapte pour survivre – et peut-être renaître – dans un paysage commercial en pleine mutation.

Quelle est la raison derrière la réorganisation de Côté Nature ?

Depuis sa création en 1996, Côté Nature s’est bâti une réputation solide sur l’authenticité. Née d’une passion familiale pour les plantes et les saisons, l’enseigne a grandi lentement, enracinée dans des territoires où le jardinage reste une culture vivante. Pourtant, ces dernières années, les fondations tremblent. Les marges, autrefois confortables, se sont réduites comme peau de chagrin. « On ne vend pas moins, mais on gagne moins », confie Léa Blanchard, ancienne responsable d’un magasin du nord de la France. Entre 2022 et 2023, les coûts d’exploitation ont bondi de près de 30 % : énergie, loyers, transports, salaires. Chaque poste pèse lourd sur un modèle économique fondé sur des espaces spacieux, souvent en périphérie urbaine, où les mètres carrés ne génèrent pas toujours le retour escompté.

La fréquentation, elle aussi, fluctue. Les habitudes d’achat changent. Les clients viennent moins souvent, mais restent fidèles à l’expertise locale. « On sentait que les gens hésitaient, raconte Thomas Régnier, jardinier amateur à Compiègne. Avant, on passait chaque week-end. Maintenant, on vient quand on a un projet précis. » Cette transformation du comportement consommateur oblige les enseignes à repenser leur maillage territorial. Chaque magasin doit désormais justifier sa présence, non seulement par son chiffre d’affaires, mais aussi par sa rentabilité structurelle.

Face à cette pression, Côté Nature n’a pas opté pour la faillite, ni pour une vente à un fonds d’investissement. Elle a choisi la maîtrise. Une stratégie de consolidation, validée par le comité de direction fin 2023, a été lancée : concentrer les ressources sur les sites les plus performants, sécuriser la trésorerie, et maintenir un niveau de service élevé. « Ce n’était pas une décision facile, mais c’était la seule responsable », explique Élise Fournier, directrice générale adjointe de l’enseigne, dans un entretien exclusif. « Nous voulions éviter des fermetures brutales dans le futur. Mieux vaut agir maintenant, avec clarté, que subir plus tard. »

Pourquoi le nord de la France est-il particulièrement touché ?

Le cœur historique de Côté Nature bat dans le nord. C’est là que les premiers magasins ont vu le jour, là que la marque a construit sa notoriété. Pourtant, c’est aussi là que les fermetures frappent le plus fort : cinq sur neuf. Abbeville, Arras, Béthune, Cambrai, Margny-lès-Compiègne – des villes où l’enseigne était ancrée depuis des années. À Abbeville, par exemple, le magasin affichait un chiffre d’affaires stable autour de 600 000 € depuis 2017. Un niveau loin d’être catastrophique, mais insuffisant pour couvrir des charges en forte hausse.

Les raisons sont à la fois locales et structurelles. Dans certaines zones, la concurrence des grandes surfaces a intensifié la pression. Des hypermarchés proposent désormais des rayons de jardinage bien fournis, à des prix agressifs. « On nous dit souvent : “Pourquoi payer plus ici ?” », témoigne Clémentine Dubois, ancienne vendeuse à Grigny. « Mais ce qu’on oublie, c’est que nos conseils, nos plantes sélectionnées, nos produits adaptés au climat local, ça n’a pas de prix. »

Pourtant, même cette valeur ajoutée ne suffit pas à compenser des loyers élevés et des flux de clients irréguliers. Le choix s’est donc porté sur les sites les plus vulnérables, souvent ceux situés dans des zones commerciales en déclin ou affectés par une baisse démographique locale. « On a analysé chaque point de vente sur trois ans : chiffre d’affaires, marge, fréquentation, potentiel de croissance », précise Élise Fournier. « Certains magasins tenaient par la passion des équipes, mais pas par les chiffres. Il fallait trancher. »

Quelles villes voient leurs magasins fermer ?

Les neuf fermetures touchent des villes aux profils variés, mais toutes marquées par des difficultés similaires. Outre les cinq sites du nord, on retrouve Santeny (Val-de-Marne), Pacy-sur-Eure (Eure), Grigny (Essonne) et Bouaye (Loire-Atlantique). À Bouaye, près de Nantes, le magasin était pourtant bien situé, mais la concurrence des jardineries indépendantes et des plateformes en ligne a rendu sa position précaire. « On sentait que le public local préférait aller vers des producteurs locaux, plus directs », observe Marc Lenoir, ancien responsable du site.

À Pacy-sur-Eure, le déstockage a commencé dès février 2024. Les clients ont été informés en caisse, souvent au moment du paiement. « C’était un peu brutal, reconnaît Sophie Vasseur, cliente régulière. Mais au moins, ils ont été honnêtes. On nous a donné les adresses des magasins restants, avec les horaires. »

Pour atténuer l’impact, Côté Nature a mis en place un plan de redirection. Les clients des villes concernées sont orientés vers des points de vente à moins de 30 km, lorsque cela est possible. Un système de géolocalisation a été intégré au site web, permettant de trouver rapidement le magasin le plus proche. L’enseigne insiste : « Nous ne quittons pas ces territoires. Nous nous réajustons. »

Quels sites restent ouverts, et pourquoi ?

Parallèlement aux fermetures, Côté Nature maintient des ouvertures récentes, preuve que la marque ne se contente pas de se replier, mais de se réinventer. Trois nouveaux points ont vu le jour ces deux dernières années : à Beauvais, Corbeil-Essonnes et Saint-Bonnet-de-Mure, près de Lyon. Ces villes ont été choisies pour leur dynamisme démographique, leur accès facilité, et une demande locale forte en jardinage.

À Corbeil-Essonnes, le magasin a été inauguré en 2023 dans une zone commerciale rénovée. « On a fait le choix d’un format plus compact, mais plus efficient », explique Julien Morel, responsable opérationnel. « Moins de surface, mais un assortiment mieux ciblé. On mise sur les plantes de saison, les outils durables, et un accompagnement renforcé. »

Le pari semble payant : en six mois, le chiffre d’affaires a dépassé les prévisions de 15 %. « Les gens veulent du sens, pas du volume », résume Camille Girard, cliente fidèle. « Ici, on sent que les vendeurs connaissent leurs plantes. On ne vend pas n’importe quoi n’importe comment. »

Ces nouveaux sites incarnent la vision de l’enseigne : une présence physique, certes réduite, mais plus forte, plus cohérente, plus durable. « On ne veut pas être partout, mais être bien », résume Élise Fournier. « Chaque magasin doit être un lieu de confiance, pas seulement un point de vente. »

Quel est l’impact pour les salariés et les équipes ?

Derrière chaque fermeture, il y a des vies bouleversées. Les équipes ont été informées peu de temps avant l’annonce publique. « On était en plein milieu d’un planning de livraison de rosiers », raconte Clémentine Dubois. « Le directeur nous a réunis en urgence. On a tous senti le sol se dérober. »

Le plan social a été mis en œuvre rapidement. Certains salariés ont pu être reclassés dans d’autres magasins, notamment dans les villes voisines. D’autres ont bénéficié de mesures de préretraite. C’est le cas de Nadège Lacroix, 62 ans, employée depuis 24 ans à Arras. « Je ne pensais pas partir si tôt, surtout avec la réforme de 2023. Mais l’entreprise m’a proposé une solution décente. C’est un peu triste, mais je comprends. »

Les équipes en charge des fermetures ont également dû gérer le démontage des rayons, le tri des stocks, les déstockages. Un travail émotionnellement lourd. « On rangeait des outils que j’avais vendus il y a dix ans », confie Marc Lenoir. « C’était comme vider une maison de famille. »

Malgré tout, l’enseigne a tenu à fermer dans la dignité. Aucun site n’a été abandonné. Chaque local a été nettoyé, sécurisé, et remis aux bailleurs dans les règles. « On voulait que les clients gardent un bon souvenir de nous », insiste Élise Fournier. « Et que les équipes partent la tête haute. »

Les clients vont-ils perdre en qualité de service ?

La crainte principale des jardiniers amateurs est de voir disparaître l’accompagnement personnalisé. « Ce que j’aimais chez Côté Nature, ce n’était pas seulement les plantes, c’était les conseils », affirme Thomas Régnier. « Quand j’avais un doute sur un rosier ou un sol argileux, je savais que je pouvais compter sur eux. »

L’enseigne rassure : les magasins restants continuent à proposer un service complet. Les équipes sont formées, les fiches conseils mises à jour, et un système de suivi client est en cours de déploiement. « On veut que chaque visite soit utile », explique Julien Morel. « Pas seulement acheter, mais apprendre. »

Par ailleurs, Côté Nature renforce sa communication digitale. Un blog mensuel, des tutoriels vidéo, et un service de chat en ligne permettent désormais d’obtenir des réponses rapides. « On ne remplace pas le contact humain, mais on le prolonge », précise Élise Fournier.

Quel avenir pour Côté Nature après cette restructuration ?

La consolidation n’est pas une fin, mais un passage. Côté Nature mise sur une reprise progressive, soutenue par un modèle plus sobre, plus agile. L’objectif : stabiliser la trésorerie, renforcer les sites performants, et préparer une éventuelle croissance ciblée. « On ne parle pas d’expansion, mais de résilience », résume la direction.

Des pistes sont étudiées : partenariats avec des producteurs locaux, développement de gammes durables (composteurs, insectes utiles, outils éco-conçus), ou encore ateliers jardinage en magasin. « On veut redevenir un lieu de transmission », confie Julien Morel. « Pas seulement vendre, mais partager. »

Le jardinage, malgré les difficultés économiques, garde un potentiel fort. Les Français continuent de s’intéresser à leurs extérieurs, à la nature, à l’autonomie. Côté Nature entend capitaliser sur cette tendance, sans se disperser. « On est une marque de passion, pas de spéculation », conclut Élise Fournier. « Et tant qu’il y aura des jardiniers, il y aura de l’espoir. »

A retenir

Quel est le bilan des fermetures de Côté Nature ?

Côté Nature ferme neuf magasins en France, dont cinq dans le nord, pour renforcer sa structure financière et concentrer ses efforts sur des sites plus rentables. Cette décision fait partie d’une stratégie de consolidation face à la hausse des coûts et à la baisse de la fréquentation.

Pourquoi fermer des magasins avec un chiffre d’affaires stable ?

Même si certains magasins affichent des chiffres stables, leurs marges sont insuffisantes pour couvrir des coûts d’exploitation en forte augmentation. La rentabilité, et non seulement le volume d’affaires, est désormais le critère principal.

Les clients vont-ils être abandonnés ?

Non. L’enseigne assure un relais via les magasins restants, des outils numériques, et un système de redirection. La qualité des conseils et des produits reste une priorité.

Les salariés sont-ils tous licenciés ?

Non. Un plan social a été mis en place, incluant des reclassements, des préretraites, et un accompagnement personnalisé. L’objectif était de fermer les sites dans le respect des équipes.

Y a-t-il encore de l’avenir pour Côté Nature ?

Oui. La restructuration vise à assurer la pérennité de l’enseigne. Avec des magasins plus solides, une offre mieux ciblée, et une stratégie centrée sur la proximité et la qualité, Côté Nature entend traverser cette période difficile pour rebondir.