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Lorsqu’un proche est atteint d’un trouble neurocognitif, la vie de l’entourage bascule souvent dans une réalité inconnue, faite d’incertitudes, de fatigue émotionnelle et de nouvelles responsabilités. Les aidants familiaux, souvent invisibles, portent un fardeau immense, entre amour, culpabilité et épuisement. Pourtant, ils ne sont pas seuls. Des dispositifs d’aide existent, mais ils restent encore trop méconnus ou difficiles d’accès. Cet article explore les différentes formes de soutien à destination des aidants, à travers des témoignages, des explications claires et des pistes concrètes pour mieux accompagner ceux qui accompagnent. Car prendre soin de l’aidant, c’est aussi garantir un meilleur accompagnement pour la personne malade.

Qui sont les aidants familiaux et quelles sont leurs missions au quotidien ?

Les aidants familiaux sont des proches – conjoint, enfant, frère, sœur, ami – qui prennent en charge, de manière régulière et durable, une personne souffrant d’un trouble neurocognitif comme la maladie d’Alzheimer ou une démence apparentée. Leur rôle est multiple : gestion des soins, coordination avec les professionnels de santé, surveillance de l’état de santé, aide aux actes essentiels de la vie quotidienne, mais aussi soutien émotionnel constant. Ce n’est pas un rôle choisi, mais une situation qui s’impose, souvent sans préparation.

Camille Lefèvre, 58 ans, accompagne son mari Julien depuis le diagnostic de sa maladie d’Alzheimer il y a trois ans. Au début, je pensais que je pouvais tout gérer seule. Je me levais la nuit pour vérifier qu’il respirait encore. Je l’ai inscrit à des ateliers, je faisais les courses, je gérais les rendez-vous médicaux, et je continuais à travailler à mi-temps. En trois mois, j’ai perdu huit kilos. Je pleurais dans la voiture en revenant du médecin. Je ne me rendais pas compte que je m’effondrais moi-même. Son témoignage illustre une réalité partagée par des milliers de personnes : l’aidant devient progressivement invisible, absorbé par la prise en charge de l’autre.

Quels sont les impacts psychologiques et physiques sur les aidants ?

La pression constante, l’insomnie, la charge mentale, la culpabilité de ne pas en faire assez ou, au contraire, de vouloir prendre du temps pour soi, génèrent un risque élevé de burn-out. Des études montrent que près de 70 % des aidants familiaux souffrent de troubles anxieux ou dépressifs. Leur état de santé se dégrade plus rapidement que celui de la population générale.

Élodie Tournier, psychologue spécialisée en gérontologie, observe que les aidants arrivent souvent en consultation quand ils sont déjà en crise. Ils ne se rendent pas compte qu’ils ont besoin d’aide eux-mêmes. Leur identité se confond avec leur rôle : ils ne sont plus Élodie, Camille ou Thomas, mais “la fille de”, “la femme de”. Cette perte de soi est l’un des signes les plus préoccupants .

Thomas Berthier, 62 ans, s’occupe de sa sœur aînée Lucie, atteinte d’une démence frontotemporale. Elle ne me reconnaît plus depuis deux ans. Parfois, elle me traite de voleur, elle crie, elle me repousse. Et pourtant, je reste. Mais je me sens vide. J’ai l’impression de vivre dans une bulle où personne ne me voit. Ce sentiment d’isolement est fréquent, surtout lorsque l’aidant n’a pas de réseau familial ou amical solidaire.

Quelles aides concrètes existent pour les aidants ?

Plusieurs dispositifs sont mis en place pour alléger la charge des aidants, bien qu’ils soient encore sous-utilisés. Le premier est l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), qui finance des prestations à domicile. Elle peut être complétée par la prestation de compensation du handicap (PCH) si le diagnostic le permet. Ces aides permettent de faire appel à des auxiliaires de vie ou des infirmiers à domicile.

Un autre levier essentiel est la rémunération des aidants. Depuis 2023, le congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie est élargi, et la reconnaissance du statut d’aidant permet désormais d’ouvrir des droits à la formation, à la retraite complémentaire, ou même à une rémunération partielle dans certains cas, notamment via l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en perte d’autonomie (AJAPPA), expérimentée dans plusieurs départements.

Camille a bénéficié d’un mi-temps thérapeutique, un aménagement de son temps de travail accordé par son employeur grâce à l’appui d’un médecin du travail. C’était une bouée. J’ai pu dégager du temps pour respirer, pour aller à une réunion d’association. J’ai découvert qu’il existait des groupes de parole.

Comment les aidants peuvent-ils bénéficier d’un soutien psychologique ?

Le soutien psychologique est crucial, mais souvent négligé. Des psychologues spécialisés dans les troubles neurocognitifs peuvent accompagner les aidants, parfois remboursés dans le cadre du parcours de soins. Des associations proposent également des groupes de parole, des ateliers d’expression ou des consultations gratuites.

J’ai commencé à aller à un groupe de parole à l’association “Soleil Levant” tous les quinze jours. Au début, je parlais à peine. Mais entendre les autres, leurs histoires, leurs colères, leurs rires… ça m’a fait un bien fou. Je ne me sentais plus seule , raconte Marie-Cécile Vasseur, qui accompagne son père depuis cinq ans.

Ces espaces d’échange permettent de normaliser les émotions difficiles : la colère face aux comportements parfois violents du proche, la tristesse de le voir disparaître peu à peu, ou même le soulagement lorsqu’un stade critique est passé. On a le droit de ressentir tout ça , insiste Élodie Tournier.

Quels sont les droits des aidants au travail ?

Les aidants peuvent bénéficier de plusieurs aménagements professionnels. Le droit au congé de proche aidant, d’une durée maximale de trois mois renouvelable, est désormais reconnu. Certains employeurs proposent des télétravaux partagés, des horaires aménagés ou des temps partagés thérapeutiques. Toutefois, la méconnaissance de ces droits persiste.

Thomas a dû quitter son poste d’ingénieur en informatique après que son entreprise a refusé de prolonger son aménagement de poste. J’avais demandé un quart de temps en télétravail. On m’a répondu que ce n’était pas possible. J’ai dû choisir entre mon travail et ma sœur. J’ai choisi ma sœur. Mais je ne regrette pas. Ce que je regrette, c’est qu’on ne m’ait pas aidé à concilier les deux.

Des dispositifs comme le Compte personnel d’activité (CPA) ou la reconnaissance du statut d’aidant permettent désormais de valoriser l’expérience de l’accompagnement, notamment pour la retraite. Des formations spécifiques, proposées par des centres d’action sociale ou des associations, aident aussi les aidants à acquérir des compétences en gestion des comportements, premiers secours, ou communication non verbale.

Quel rôle jouent les associations et les réseaux d’entraide ?

Les associations sont des piliers du soutien aux aidants. Elles offrent des services pratiques – aides à domicile, relais, consultations – mais aussi un accompagnement humain précieux. Des réseaux comme France Alzheimer, France AVC, ou Alzheimer Référence mettent en place des permanences téléphoniques, des groupes de parole, des ateliers de stimulation cognitive pour la personne accompagnée.

Marie-Cécile a découvert l’association Mémoire et Partage lors d’une recherche sur internet. Ils m’ont orientée vers une psychologue, m’ont proposé des ateliers de musique avec mon père, et m’ont informée sur les aides financières. C’était comme si on me tendait une carte dans un labyrinthe.

Ces structures jouent aussi un rôle de plaidoyer. Elles militent pour une meilleure reconnaissance du rôle des aidants, une simplification des démarches administratives, et une accessibilité élargie aux soins et aux accompagnements.

Comment éviter l’épuisement et préserver sa santé ?

La prévention du burn-out repose sur plusieurs piliers : la délégation, la prise de temps pour soi, et la reconnaissance du besoin d’aide. Il est essentiel que l’aidant accepte de ne pas tout faire seul. Faire appel à un aidant familial rémunéré, à une structure d’accueil de jour, ou à un hébergement temporaire (répit) n’est pas une trahison, mais un acte de responsabilité.

Camille a découvert les séjours de répit grâce à une travailleuse sociale. La première fois que j’ai laissé Julien à l’EHPAD pour trois jours, j’étais paniquée. Et puis, j’ai dormi. Vraiment dormi. J’ai lu un livre. J’ai marché. Et quand je suis revenue, je me sentais capable de repartir pour un mois.

Des applications mobiles comme Aidant Connect ou Mon Parcours Aidant aident à organiser les tâches, à suivre les rendez-vous, et à accéder rapidement aux ressources locales. La technologie, bien utilisée, peut devenir un allié.

Quelles sont les perspectives d’évolution des politiques publiques pour les aidants ?

Depuis quelques années, les pouvoirs publics prennent davantage en compte la situation des aidants. Le Plan national Alzheimer et maladies apparentées 2023-2027 inscrit la reconnaissance et le soutien des aidants comme une priorité. Des expérimentations de rémunération des aidants sont en cours dans plusieurs régions, et la création d’un véritable statut de l’aidant est envisagée.

Des professionnels comme le docteur Antoine Roussel, gériatre à Lyon, plaident pour une refondation du modèle de prise en charge . Il faut sortir de la logique de l’urgence. L’accompagnement des troubles neurocognitifs est un marathon, pas un sprint. Et l’aidant est un acteur central de ce parcours. Il doit être vu, entendu, soutenu.

Conclusion : vers une reconnaissance pleine et entière des aidants

Les aidants familiaux sont les gardiens invisibles de la dignité des personnes atteintes de troubles neurocognitifs. Leur dévouement mérite plus qu’un simple remerciement : il exige une reconnaissance sociale, une protection juridique, un accès facilité aux soins et aux aides, et une attention constante à leur bien-être. En prenant soin d’eux, la société tout entière gagne en humanité. Comme le dit Camille : Aider Julien, c’est aussi apprendre à me sauver moi.

A retenir

Quelles aides financières peuvent bénéficier les aidants ?

Les aidants peuvent accéder à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), à la prestation de compensation du handicap (PCH), ou à des allocations spécifiques comme l’AJAPPA dans certains départements. Des aménagements de travail rémunérés ou indemnisés sont également possibles.

Peut-on être aidant et continuer à travailler ?

Oui, grâce à des aménagements comme le mi-temps thérapeutique, le congé de proche aidant, ou des horaires flexibles. Des droits nouveaux permettent aussi de concilier accompagnement et vie professionnelle, bien que leur mise en œuvre dépende encore largement de la volonté des employeurs.

Où trouver du soutien psychologique et des groupes de parole ?

Des associations comme France Alzheimer, des centres sociaux, ou des hôpitaux spécialisés proposent des groupes de parole et des consultations psychologiques. Des lignes téléphoniques d’écoute, comme Aidant Ecoute, sont également disponibles gratuitement.

Comment éviter l’isolement en tant qu’aidant ?

Il est essentiel de rester en lien avec son entourage, de participer à des groupes d’entraide, et de solliciter des relais d’aide (aides à domicile, accueil de jour). Le partage, même difficile, est une clé pour ne pas sombrer dans la solitude.

Existe-t-il des solutions de répit pour les aidants ?

Oui, des séjours de répit en EHPAD, des accueils de jour, ou des services d’aide à domicile peuvent permettre à l’aidant de se ressourcer. Ces solutions doivent être mieux connues et accessibles à tous, indépendamment du lieu de résidence.