En France, posséder un terrain ne signifie pas nécessairement que tout ce qui s’y trouve vous appartient. C’est une leçon amère qu’a dû apprendre Claude Martel, un ancien géologue retraité vivant dans un petit hameau niché au cœur des Alpilles, en Provence. Ce passionné de minéralogie a fait une découverte exceptionnelle sous ses pieds : un filon d’or traversant son jardin. Pourtant, loin de devenir le héros d’une nouvelle ruée vers l’or, il s’est retrouvé entravé par une réglementation qu’il qualifie aujourd’hui de « paralysante ». Son histoire, à la fois fascinante et frustrante, met en lumière un conflit croissant entre droits fonciers, préservation environnementale et ambitions économiques locales. À travers son témoignage et ceux de ses voisins, plongeons dans une affaire qui pourrait bien redéfinir la manière dont la France gère ses ressources naturelles.
Comment un retraité a-t-il découvert de l’or dans son jardin ?
Claude Martel, 67 ans, a passé quarante ans de sa vie à étudier les strates géologiques du sud-est de la France. À la retraite depuis 2020, il a choisi de s’installer dans une ancienne ferme restaurée près de Saint-Rémy-de-Provence, entourée de collines calcaires et de ruisseaux saisonniers. C’est lors d’une promenade matinale, en mars 2023, qu’il a remarqué des reflets métalliques inhabituels dans le lit d’un petit affluent du ruisseau des Baux.
« J’ai vu des paillettes scintiller au soleil, comme si quelqu’un avait saupoudré du sel doré », raconte-t-il en riant. « Mon instinct de géologue s’est réveillé. Je suis rentré chez moi, j’ai sorti mes outils, et j’ai prélevé quelques échantillons. »
Les analyses, réalisées dans un laboratoire de géochimie à Aix-en-Provence, ont confirmé ses soupçons : il s’agissait bien d’or natif, avec une teneur moyenne de 18 carats. Le filon, bien que modeste, s’étendrait sur près de 300 mètres sous sa propriété, selon ses estimations. « C’était incroyable. J’ai passé ma carrière à chercher de l’or dans des rapports et des cartes, et là, il était là, à deux mètres de ma terrasse. »
Pourquoi l’État a-t-il bloqué l’exploitation du filon ?
Conscient des enjeux légaux, Claude Martel a déclaré sa découverte aux services préfectoraux compétents, comme l’exige la loi française. Mais au lieu d’un encouragement, il a reçu une réponse glaciale : l’exploitation de l’or sur son terrain était interdite.
« On m’a dit que le gisement relevait du domaine public minier, que l’État en avait la propriété exclusive, et que même si j’étais sur mon propre terrain, je n’avais aucun droit d’extraire ou de vendre quoi que ce soit », explique-t-il, encore étonné.
La réglementation française, issue du Code minier, stipule en effet que les substances minérales du sol, même situées sur une propriété privée, appartiennent à l’État. L’article L. 111-1 précise que « les mines et carrières sont des biens du domaine public national ». Seule une concession minière, délivrée par l’administration après étude d’impact, permet l’exploitation. Or, ces concessions sont extrêmement rares pour les particuliers, surtout dans des zones protégées.
Le terrain de Claude se trouve en périphérie du Parc naturel régional des Alpilles, classé Natura 2000. Cette protection renforce les restrictions environnementales. « On m’a parlé de risques de pollution, de perturbation des sols, de protection du patrimoine géologique. Mais moi, je ne voulais pas creuser des tranchées, juste extraire l’or à la pioche, comme à l’ancienne », précise-t-il.
Quelles sont les conséquences juridiques d’une telle découverte ?
Le cas de Claude Martel illustre une faille perçue dans le droit minier français. Si le propriétaire d’un terrain ne peut exploiter un gisement, il ne peut non plus en tirer de bénéfice, même s’il a fait la découverte lui-même. En revanche, l’État, s’il décide un jour d’exploiter le site, pourrait légalement le faire — sans aucune compensation pour le propriétaire.
« C’est une injustice foncière », estime Élodie Ferrand, avocate spécialisée en droit de l’environnement. « Le propriétaire entretient la parcelle, paie ses taxes, mais dès qu’il y trouve une richesse naturelle, l’État s’empare du droit d’exploitation. Il n’y a pas de juste compensation, pas de partage. »
Des voix s’élèvent pour réformer ce système, en proposant un modèle hybride : reconnaître à l’État la propriété du gisement, mais accorder au découvreur un droit de préemption ou une redevance sur l’exploitation future.
Comment la communauté locale a-t-elle réagi à cette situation ?
Le voisinage de Claude Martel, composé d’agriculteurs, d’artisans et de quelques retraités, a rapidement pris fait et cause pour lui. « C’est un homme honnête, respectueux de la nature. Il ne voulait pas devenir riche du jour au lendemain, mais simplement contribuer à la vie du village », affirme Léa Vasseur, propriétaire d’un gîte rural à moins de 500 mètres de chez lui.
Un collectif informel s’est formé autour de lui. En quelques semaines, plus de 800 signatures ont été récoltées dans une pétition adressée à la préfecture des Bouches-du-Rhône. Elle demande une révision des règles d’exploitation pour les découvertes à petite échelle, notamment dans les zones rurales.
« On parle d’un micro-filon, pas d’une mine industrielle », insiste Baptiste Reynier, jeune éleveur de chèvres dans la vallée voisine. « Si on pouvait extraire quelques kilos d’or par an, ça pourrait financer des travaux d’entretien des chemins, aider les écoles du coin, ou même lancer un petit musée géologique. »
Quels sont les impacts environnementaux potentiels de l’extraction ?
Malgré l’enthousiasme local, les écologistes restent prudents. « L’or, même en petite quantité, ne se trouve pas sans raison dans un écosystème », souligne Camille Thibault, biologiste et membre d’une association de protection des milieux naturels. « Son extraction, même artisanale, peut perturber les sols, libérer des métaux lourds, ou altérer le cours des eaux souterraines. »
Elle rappelle que les Alpilles abritent des espèces rares, comme la tortue d’Hermann ou certaines orchidées endémiques. « Un simple creusement mal maîtré peut suffire à détruire un habitat fragile. »
Cependant, d’autres experts nuancent ce discours. « L’extraction à la pioche, sans machines lourdes ni produits chimiques, a un impact très limité », affirme Julien Mercier, ingénieur en géotechnique. « On pourrait imaginer un protocole strict, encadré par des naturalistes, pour permettre une exploitation durable. »
Claude Martel insiste sur son approche respectueuse : « Je pensais utiliser des techniques traditionnelles, comme celles des chercheurs d’or du XIXe siècle. Pas de mercure, pas de bulldozers. Juste du travail manuel, de la patience. »
Quelles opportunités économiques ce filon aurait-il pu offrir ?
Si l’or découvert sur le terrain de Claude Martel s’élevait à une centaine de grammes par an — chiffre estimé par des experts indépendants —, cela représenterait un revenu annuel d’environ 6 000 euros au cours actuel. Une somme modeste à l’échelle nationale, mais significative pour un village de moins de 500 habitants.
« On pourrait créer un circuit court de bijouterie locale », imagine Solène Dubreuil, orfèvre à Tarascon. « Un “or des Alpilles”, tracé, éthique, avec une histoire derrière chaque pièce. Cela attirerait des touristes, des collectionneurs. »
Des régions comme la Haute-Vienne ou la Corrèze ont déjà expérimenté ce type de filière, avec des extractions artisanales autorisées dans des zones bien délimitées. « Ce n’est pas utopique », ajoute-t-elle. « Il faut juste du bon sens, de la régulation, et de la transparence. »
Quel précédent juridique ce cas pourrait-il créer ?
Le cas Martel n’est pas isolé. En 2021, un agriculteur du Gard a découvert des traces de cuivre sur sa ferme ; sa demande de concession a été rejetée pour « risque écologique ». En 2019, un particulier en Haute-Savoie a trouvé un gisement de quartz rose, mais n’a jamais pu l’exploiter. Chaque fois, la même réponse : l’État détient le droit, même si le terrain est privé.
« Ces affaires montrent que le droit minier français est déconnecté de la réalité des territoires », analyse Élodie Ferrand. « Il date du XIXe siècle, conçu pour l’ère industrielle. Aujourd’hui, on pourrait imaginer des exceptions pour les exploitations à très petite échelle, locales, durables. »
Des voix au sein du monde politique commencent à s’élever. Une députée écologiste a récemment déposé une proposition de loi visant à créer un statut d’« exploitation minière citoyenne », encadrée par des critères environnementaux stricts mais permettant aux particuliers de bénéficier de leur découverte.
Quelles solutions pourraient concilier droit, environnement et développement local ?
Plusieurs pistes sont envisagées. La première : instaurer un droit de redevance pour les découvreurs. Même si l’État garde la propriété du gisement, le particulier pourrait percevoir un pourcentage de la valeur extraite, s’il autorise l’accès à son terrain.
La deuxième : créer des zones pilotes pour l’extraction artisanale, soumises à des cahiers des charges environnementaux. Ce modèle existe déjà en Allemagne ou en Autriche, où des chercheurs d’or amateurs peuvent prospecter dans certaines régions, sous surveillance.
Enfin, une troisième option : transformer la découverte en patrimoine pédagogique. Claude Martel a lui-même proposé d’ouvrir son jardin à des visites guidées, avec un petit musée de minéralogie. « L’or, je ne peux pas le vendre, mais je peux en parler. Et peut-être, un jour, inspirer un changement de loi. »
Conclusion
Le cas de Claude Martel n’est pas seulement celui d’un homme frustré par une réglementation. C’est un miroir tendu à une société qui peine à concilier protection de l’environnement, droits des citoyens et valorisation des ressources locales. Alors que les enjeux de souveraineté énergétique et matérielle deviennent cruciaux, la France doit-elle continuer à verrouiller strictement ses sous-sols, ou envisager une gestion plus souple, plus juste, plus proche des territoires ? L’or des Alpilles, même s’il reste enfoui, a déjà commencé à creuser une réflexion bien plus précieuse.
FAQ
À qui appartient l’or trouvé sur un terrain privé en France ?
L’or, comme toutes les substances minérales du sol, appartient à l’État, même s’il est découvert sur une propriété privée. Le propriétaire ne peut pas l’exploiter sans concession minière, qui est rarement accordée aux particuliers.
Un particulier peut-il extraire de l’or à titre artisanal ?
Non, pas légalement. Toute extraction de substances minérales, même à petite échelle, nécessite une autorisation administrative. À ce jour, aucune procédure simple n’existe pour les particuliers.
Y a-t-il des exemples de pays où les particuliers peuvent exploiter l’or sur leur terrain ?
Oui. En Australie ou au Canada, des systèmes de permis de prospection existent pour les particuliers. Ils peuvent extraire de l’or dans certaines zones, sous conditions, et en garder la propriété.
Quelles sont les alternatives pour un découvreur comme Claude Martel ?
Il peut proposer des visites pédagogiques, collaborer avec des scientifiques, ou militer pour un changement de réglementation. Il peut aussi céder les droits d’exploitation à l’État ou à une entreprise, mais sans garantie de compensation.
La découverte d’un gisement peut-elle augmenter la valeur d’un terrain ?
Théoriquement oui, mais en pratique, l’interdiction d’exploitation limite cet effet. La valeur foncière ne tient pas compte des ressources non exploitables, sauf si un projet public ou privé est annoncé.
A retenir
Quel est le principal enseignement de l’affaire Martel ?
Elle révèle une tension croissante entre la rigueur de la réglementation minière française et les aspirations locales à valoriser les ressources naturelles de manière durable et équitable.
Pourquoi cette affaire suscite-t-elle autant d’intérêt ?
Parce qu’elle touche à des questions fondamentales : le droit de propriété, la justice environnementale, et la capacité des citoyens à bénéficier des richesses du sol qu’ils entretiennent.
Quel avenir pour les découvertes minières privées en France ?
Elles resteront probablement bloquées tant qu’une réforme du Code minier n’aura pas introduit des mécanismes de partage ou de participation locale. Mais le cas Martel pourrait bien devenir un catalyseur.