Chaque été, les alertes se multiplient : des chiens décèdent après avoir bu ou nagé dans des points d’eau contaminés. Si les algues bleues , en réalité des cyanobactéries, font régulièrement la une de l’actualité, elles ne sont qu’un maillon parmi d’autres d’un danger bien plus vaste. Les eaux stagnantes, les flaques de pluie, les ruisseaux de bord de route ou même les caniveaux en ville peuvent abriter des agents pathogènes redoutables, capables de provoquer des maladies mortelles chez les animaux de compagnie. Derrière ces phénomènes apparemment anodins se cachent des risques sanitaires souvent sous-estimés par les propriétaires. Pourtant, les témoignages de vétérinaires et les cas cliniques montrent que la vigilance s’impose bien au-delà des simples marées vertes ou des lacs interdits à la baignade.
Qu’est-ce que la leptospirose et pourquoi est-elle si dangereuse pour les chiens ?
À Mondeville, dans le Calvados, le vétérinaire Sylvain Girodon voit chaque année défiler des cas de leptospirose. Cette maladie bactérienne, causée par des leptospires présentes dans les urines de rongeurs, est particulièrement insidieuse. La leptospirose attaque le foie, les reins, parfois même les intestins. C’est une maladie fulgurante, souvent mortelle : on estime que 90 % des chiens non traités décèdent , explique-t-il, le regard grave. Les bactéries peuvent survivre plusieurs semaines dans l’eau stagnante, qu’il s’agisse d’un étang, d’un marais ou simplement d’une flaque au bord d’un chemin. Et ce n’est pas seulement en buvant que le chien est exposé : la contamination peut aussi se produire par la peau, surtout si celle-ci est abîmée.
Le cas de Léa, une maîtresse de chien habitant à proximité d’un marais, illustre parfaitement ce danger. Son border collie, Atlas, a commencé à vomir violemment après une promenade dans les herbes hautes. Il avait bu dans une petite mare, je n’y ai pas pensé sur le moment. En quelques heures, il est devenu apathique, il ne se levait plus. J’ai couru chez le vétérinaire. Atlas a passé trois jours en soins intensifs. Sans transfusion, il n’aurait pas survécu , confie Léa, encore ébranlée par l’expérience.
Comment se transmet la leptospirose et où les chiens sont-ils le plus exposés ?
La transmission se fait principalement par ingestion d’eau contaminée, mais aussi par contact direct avec des surfaces souillées par des urines de rats, de souris ou de renards. Ces rongeurs, souvent porteurs asymptomatiques de la bactérie, urinent dans l’environnement naturel, contaminant ainsi ruisseaux, mares et zones humides. En milieu urbain, les égouts, les caniveaux ou les parcs avec des zones marécageuses deviennent des nids à risques. Un chien peut contracter la leptospirose en ville comme à la campagne , insiste Sylvain Girodon. Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas de rongeurs qu’ils ne sont pas là.
Les chiens de chasse, les bergers ou les animaux très actifs en milieu naturel sont particulièrement vulnérables, mais même les chiens de compagnie, promenés dans des parcs urbains, ne sont pas à l’abri. Le cas de Raphaël, propriétaire d’un jack russell à Caen, en est la preuve. Son chien, Puck, a bu dans un caniveau après une pluie abondante. Il a attrapé une fièvre très haute, refusait de manger, et urinait très peu. Le vétérinaire a diagnostiqué une insuffisance rénale aiguë liée à la leptospirose. Puck a survécu grâce à un traitement rapide, mais Raphaël affirme aujourd’hui être beaucoup plus vigilant : Je ne le laisse plus boire nulle part. J’ai toujours une gamelle pliable dans mon sac.
La vaccination contre la leptospirose est-elle suffisante pour protéger son chien ?
Oui, mais à condition de respecter scrupuleusement le calendrier vaccinal. La vaccination est très efficace, mais elle nécessite un rappel annuel , précise Sylvain Girodon. Si vous oubliez une année, la protection tombe à zéro. C’est comme si vous n’aviez jamais vacciné. Or, beaucoup de propriétaires pensent que le vaccin est à vie, ou négligent le rappel par méconnaissance. Le risque est alors réel, surtout en période de fortes chaleurs, où les points d’eau stagnants se multiplient.
C’est ce qu’a appris à ses dépens Camille, une jeune vétérinaire elle-même, qui pensait que son labrador, Zeus, était protégé. J’avais oublié le rappel de l’année dernière. Je me suis dit que ce n’était pas grave, qu’il avait déjà été vacciné. Mais Zeus a bu dans un étang pendant une randonnée. Deux jours plus tard, il était en urgence. Camille, honteuse, reconnaît que même les professionnels peuvent commettre des erreurs. Depuis, j’ai mis en place un système de rappel automatique pour tous mes patients… et pour mon propre chien.
Quels autres dangers microbien ou chimiques guettent les chiens dans l’eau ?
Au-delà de la leptospirose, de nombreux autres agents pathogènes peuvent contaminer les eaux naturelles ou urbaines. Les giardies, par exemple, sont des protozoaires qui provoquent des diarrhées chroniques, des vomissements et une perte de poids. Elles sont particulièrement résistantes et peuvent survivre des semaines dans l’eau. Les chiens peuvent attraper des giardies en buvant dans un ruisseau, mais aussi en léchant leurs pattes après avoir marché dans une zone contaminée , explique Sylvain Girodon.
Les bactéries comme Escherichia coli, Salmonella ou Campylobacter sont également présentes, surtout près des zones agricoles ou où les eaux usées peuvent se déverser accidentellement. Mais ce ne sont pas seulement les microbes qui inquiètent. Les polluants chimiques, eux aussi, posent un problème croissant. En ville, les eaux de ruissellement collectent les hydrocarbures des voitures, les métaux lourds, les débris de pneus. En campagne, ce sont les pesticides et les engrais qui se retrouvent dans les flaques après une pluie , détaille le vétérinaire.
Le cas de Julien, agriculteur dans la Manche, est éloquent. Son berger australien, Zéphyr, a bu dans une flaque après un traitement phytosanitaire sur un champ voisin. En quelques heures, il a commencé à trembler, à baver. On a dû l’emmener en urgence. Le vétérinaire a dit qu’il avait ingéré une dose importante de glyphosate. Heureusement, Zéphyr s’en est sorti, mais Julien a désormais interdit à ses chiens d’approcher des zones traitées. Je les tiens en laisse pendant plusieurs jours après chaque traitement.
Boire de l’eau salée en bord de mer est-il dangereux pour les chiens ?
Tout comme l’eau stagnante ou polluée, l’eau de mer n’est pas sans risque. L’eau salée provoque une déshydratation osmotique , explique Sylvain Girodon. Elle attire l’eau des cellules du chien, ce qui perturbe l’hydratation interne et provoque des diarrhées très liquides, parfois hémorragiques. Ces troubles digestifs peuvent gâcher une journée de plage, mais aussi entraîner une déshydratation sévère, surtout chez les chiens âgés ou fragiles.
C’est ce qu’a vécu Élodie lors d’un week-end à Granville. Son cocker, Milo, a bu abondamment dans les vagues. Il semblait heureux, il jouait. Mais le soir, il a commencé à vomir, puis à avoir des diarrhées violentes. On a dû rentrer plus tôt. Depuis, elle emporte toujours une bouteille d’eau douce et une gamelle pour Milo. Je ne prends plus aucun risque.
Quels gestes simples peuvent protéger les chiens lors des promenades ?
La prévention passe avant tout par une vigilance constante. Le meilleur réflexe, c’est de ne jamais laisser son chien boire dans un point d’eau inconnu , recommande Sylvain Girodon. Emportez toujours de l’eau potable avec vous, et une gamelle pliable. Ces accessoires, légers et peu coûteux, peuvent sauver une vie. De nombreux propriétaires les glissent désormais dans leur sac à dos ou leur poche.
En milieu urbain, il est également conseillé d’éviter les zones humides visibles après la pluie, les rigoles, les fossés ou les parcs avec des étangs non entretenus. En randonnée, mieux vaut privilégier les sources d’eau courante, et encore mieux, purifier l’eau avant de la donner à l’animal. Des filtres portables ou des pastilles désinfectantes existent désormais pour les chiens, comme pour les humains.
Enfin, la vaccination annuelle contre la leptospirose reste la ligne de défense la plus efficace. Ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité , insiste le vétérinaire. Et ce n’est pas seulement pour les chiens de chasse ou ceux vivant à la campagne. Tous les chiens sont exposés.
Quelles sont les conséquences à long terme d’une contamination par ces agents ?
Les chiens qui survivent à une infection comme la leptospirose ou une intoxication chimique peuvent garder des séquelles durables. Insuffisance rénale chronique, troubles hépatiques, sensibilité digestive accrue : ces pathologies nécessitent souvent un suivi médical régulier, des traitements à vie et une alimentation adaptée. On voit des chiens qui, après une leptospirose, doivent être mis sous régime spécial et suivis tous les six mois , indique Sylvain Girodon. Leur espérance de vie est réduite, même s’ils semblent récupérer.
Le cas de Victor, un golden retriever de 8 ans, en est un exemple. Après une infection sévère, il souffre désormais d’une insuffisance rénale légère. Il boit beaucoup, mais son organisme filtre mal. Il faut surveiller son alimentation, éviter les excès de protéines , explique sa maîtresse, Clémentine. C’est une contrainte, mais je préfère ça à le perdre.
Conclusion
Les eaux naturelles, souvent perçues comme inoffensives, peuvent cacher des dangers mortels pour les chiens. La leptospirose, les bactéries pathogènes, les protozoaires et les polluants chimiques sont autant de menaces silencieuses. Pourtant, la protection est à portée de main : vaccination annuelle, vigilance lors des promenades, et surtout, l’habitude de ne jamais laisser son chien boire n’importe où. Comme le rappelle Sylvain Girodon, un bon maître, c’est celui qui anticipe les risques. Un chien ne sait pas ce qui est bon ou mauvais pour lui. C’est à nous de le savoir.
A retenir
Quelle maladie bactérienne est la plus dangereuse pour les chiens en milieu aquatique ?
La leptospirose est la maladie la plus redoutable, avec un taux de mortalité pouvant atteindre 90 % chez les chiens non traités. Elle est causée par des bactéries présentes dans les urines de rongeurs et se transmet via l’eau stagnante.
Un chien peut-il être contaminé sans boire l’eau ?
Oui, la contamination peut se faire par la peau, surtout si elle est abîmée, ou par ingestion indirecte, comme en léchant ses pattes après avoir marché dans une zone souillée.
La vaccination contre la leptospirose est-elle obligatoire ?
Elle n’est pas obligatoire par la loi, mais fortement recommandée par les vétérinaires. Elle doit être renouvelée chaque année sans exception pour rester efficace.
Quels accessoires faut-il emporter pour protéger son chien en balade ?
Une bouteille d’eau potable et une gamelle pliable sont essentiels. En zone rurale ou après traitement agricole, une laisse peut aussi éviter les contacts dangereux.
L’eau de mer est-elle toxique pour les chiens ?
Elle n’est pas toxique en soi, mais sa forte teneur en sel provoque une déshydratation et des troubles digestifs sévères. Il est donc déconseillé de laisser un chien s’abreuver en bord de mer.