Ces plaies qu’elles vont soigner en 2025 vont transformer leur regard sur les soins

Partir loin, très loin, pour soigner autrement. C’est le choix que trois étudiantes infirmières ont fait, non par aventure, mais par conviction. Tamara Saïfi, Emma Chabi et Farrah Dekkar-Martinez, en dernière année de formation à l’Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) d’Alès, s’apprêtent à vivre une immersion de cinq semaines à l’hôpital de Phnom Penh, au Cambodge. Ce stage n’est pas une simple étape du cursus, mais une transformation annoncée : un moment où les gestes, les regards, les priorités vont changer. À 10 000 kilomètres de leur quotidien, elles vont affronter des réalités de soins radicalement différentes, où l’absence de moyens ne signifie pas absence de dignité. Leur objectif ? Apprendre, oui, mais surtout comprendre ce que soigner veut dire quand tout manque, sauf l’humain.

Comment un stage à l’étranger peut-il transformer une future infirmière ?

Une immersion au cœur de la réalité des soins

À Phnom Penh, l’hôpital où elles seront accueillies est un lieu de convergence : pédiatrie majoritaire, pathologies rares en France, surcharge de patients. Ici, les protocoles sont parfois adaptés, les moyens limités, mais la rigueur demeure. Tamara, Emma et Farrah savent qu’elles y effectueront des prises de sang, des pansements, des surveillances post-opératoires, mais surtout qu’elles devront s’adapter à un rythme, à une culture, à une perception de la douleur différente. « En France, on a tendance à médicaliser la douleur, explique Emma Chabi. Ici, j’ai lu que les enfants supportent parfois des plaies profondes sans pleurer. Ce n’est pas qu’ils ne ressentent rien, c’est qu’ils ont appris à ne pas exprimer. C’est une leçon d’humilité. »

Des plaies qui racontent des vies

Les plaies, dans ce contexte, ne sont pas seulement des lésions à traiter. Elles sont des témoins. Des infections chroniques dues à l’humidité, des brûlures causées par des accidents domestiques, des ulcères de pression chez des enfants hospitalisés depuis des mois : chaque lésion parle d’un parcours de soins interrompu, d’un accès inégal à la médecine, d’un quotidien fragile. Pour Farrah Dekkar-Martinez, cette confrontation est essentielle : « Voir une plaie qui cicatrise mal, ce n’est pas qu’un problème technique. C’est une alerte sur l’hygiène, la nutrition, le suivi familial. On apprend à lire entre les pansements. »

Un regard clinique affiné par la contrainte

Le manque de matériel oblige à une vigilance accrue. Sans moniteurs sophistiqués, les infirmières doivent compter sur leurs sens : l’observation, l’écoute, la palpation. « On nous a appris à faire des bilans complets, mais là-bas, on n’aura pas toujours les outils, précise Tamara Saïfi. Il faudra deviner l’infection avant qu’elle ne s’aggrave, anticiper la déshydratation, repérer les signes de douleur non verbalisés. C’est une autre forme d’expertise. » Cette exigence, loin des protocoles standardisés, forge un jugement clinique plus aigu, plus intuitif.

Pourquoi choisir un pays comme le Cambodge pour un stage humanitaire ?

Un contexte de soins aux réalités marquées

Le Cambodge, malgré les progrès récents, souffre encore des séquelles d’un passé difficile et d’un système de santé en tension. L’hôpital de Phnom Penh, bien qu’efficace, manque de personnel, de médicaments, parfois d’eau potable. Les enfants y sont nombreux, souvent accompagnés de parents qui dorment sur des nattes dans les couloirs. Ce contexte, difficile, est aussi une opportunité d’apprentissage. « On ne part pas pour sauver, mais pour apprendre à soigner avec ce qu’on a », insiste Emma Chabi. Ce n’est pas de l’humanitaire spectaculaire, mais de l’accompagnement concret, au chevet des patients.

Une pédiatrie au cœur de l’expérience

L’orientation pédiatrique de l’établissement ajoute une dimension émotionnelle forte. Les enfants, vulnérables, exigent une attention particulière, tant sur le plan technique que relationnel. Farrah Dekkar-Martinez, qui rêve de travailler dans des missions humanitaires, y voit un test : « Comment parler à un enfant qui ne comprend pas ta langue ? Comment le rassurer quand il a peur du pansement ? On apprend à communiquer autrement : par le regard, par le toucher, par la patience. »

Le défi des pathologies rares

Les étudiantes s’attendent à voir des cas qu’elles n’ont jamais croisés en France : infections parasitaires, complications de malnutrition, plaies dues à des accidents non traités à temps. « Là-bas, une simple coupure peut devenir une infection sévère en quelques jours, à cause de l’humidité, de la chaleur, du manque d’antibiotiques », note Tamara Saïfi. Ces situations, bien qu’effrayantes, sont des occasions uniques d’acquérir des compétences rares.

Comment prépare-t-on un tel voyage ?

Une organisation rigoureuse, portée par la solidarité

Le départ, fixé au 14 septembre, n’a pas été improvisé. Depuis des mois, les trois étudiantes ont travaillé leur projet avec méthode. Elles ont rédigé un dossier de presse de douze pages, expliquant leurs objectifs, leurs motivations, leur plan de stage. Elles ont aussi dû lever des fonds : 1 145 euros par personne pour couvrir l’hébergement, les repas, les transports locaux. Le vol, non inclus, représente un coût supplémentaire de 850 euros chacune. « On a vendu des crêpes à l’école, organisé des stands de boissons, raconte Emma Chabi. C’était fatiguant, mais ça nous a soudées. »

Un budget transparent, une caisse commune

Chaque dépense est justifiée, chaque don tracé. Grâce à l’Association Missions Stages, elles ont pu structurer leur collecte. Leur objectif ? Apporter sur place du matériel utile : des sets à pansements, des antiseptiques, des gants. « On ne part pas les mains vides », affirme Farrah Dekkar-Martinez. Un partenariat avec un orphelinat local leur permet aussi d’emporter des vêtements et des jouets. « Ce n’est pas grand-chose, mais pour un enfant, un tee-shirt propre ou un petit jeu, c’est de la dignité. »

Préparation médicale et mentale

Le voyage exige aussi une préparation sanitaire. Vaccins contre l’hépatite A, la typhoïde, traitement antipaludique : tout est prévu. Leurs trousses de soins sont remplies d’objets de base, mais aussi de médicaments utiles en cas de besoin. « On ne veut pas être une charge pour l’équipe locale », précise Tamara Saïfi. Elles ont aussi revu les protocoles d’asepsie, les gestes techniques, les réactions aux urgences. Mais au-delà du matériel, c’est l’état d’esprit qui compte. « Il faut partir sans certitudes, sans jugement, avec l’humilité d’apprendre », résume Emma Chabi.

Quel impact ce stage aura-t-il sur leur carrière ?

Une orientation professionnelle renforcée

Ce stage n’est pas un interlude, mais un pivot. Farrah Dekkar-Martinez et Emma Chabi envisagent clairement la médecine humanitaire. « Voir comment on soigne avec peu, c’est une formation précieuse pour travailler dans des zones en crise », dit Farrah. Tamara Saïfi, elle, veut devenir sage-femme. « En pédiatrie, j’ai vu comment les soins maternels influencent la santé des enfants. Je veux approfondir ça. » Leur expérience au Cambodge leur donnera une légitimité, une maturité clinique que peu de jeunes diplômés possèdent.

Un retour enrichi en compétences

À leur retour, elles ramèneront bien plus qu’un carnet de notes. Elles auront développé une sensibilité accrue à la prévention des infections, une maîtrise fine des processus de cicatrisation, une capacité à organiser un service avec peu de ressources. « En France, on a tendance à suréquiper, à surmédicaliser, observe Tamara. Là-bas, on apprend que parfois, le plus important, c’est le contact, l’écoute, la rigueur dans les gestes simples. »

Un engagement à transmettre

Elles veulent partager leur expérience. Des comptes rendus, des présentations à l’IFSI, peut-être des articles ou des conférences. « Ce qu’on vivra là-bas, ce n’est pas que pour nous, dit Emma Chabi. C’est pour nos futurs collègues, pour nos patients. On reviendra avec un autre regard sur ce que signifie soigner. »

Quelles sont les leçons humaines de ce voyage ?

La douleur, le silence, et la résilience

Les étudiantes savent qu’elles verront des situations difficiles. Des enfants souffrants, des familles démunies, des décisions impossibles. Mais elles savent aussi qu’elles verront de la résilience. « Un père qui reste des jours au chevet de son fils, sans rien dire, juste en tenant sa main. Une infirmière locale qui panse une plaie avec un morceau de tissu propre, parce qu’il n’y a pas de compresses. C’est ça, la dignité », raconte Farrah Dekkar-Martinez.

Le soin comme acte de respect

Dans un contexte de pénurie, chaque geste compte. Changer un pansement, laver une plaie, sourire à un enfant : tout devient un acte de respect. « On apprend que soigner, ce n’est pas seulement guérir, c’est accompagner, être présent », dit Tamara Saïfi. Cette leçon, elles la ramèneront en France, dans les services surchargés, où l’humain est parfois oublié au profit de l’efficacité.

Conclusion

Tamara Saïfi, Emma Chabi et Farrah Dekkar-Martinez ne partent pas en mission pour se sauver elles-mêmes. Elles partent pour apprendre, pour soigner, pour grandir. Leur stage au Cambodge est une plongée dans l’essentiel : des soins sans luxe, mais avec rigueur ; des plaies qui parlent ; des enfants qui résistent. Ce voyage ne changera pas le monde, mais il changera trois infirmières. Et peut-être, à travers elles, une manière de soigner.

A retenir

Quel est l’objectif principal de ce stage à l’étranger ?

Le but n’est pas de remplacer les professionnels locaux, mais d’apprendre à soigner dans un contexte de ressources limitées, tout en apportant un soutien concret. Les étudiantes veulent développer leur jugement clinique, leur empathie et leur capacité d’adaptation.

Quelles compétences vont-elles acquérir sur place ?

Elles renforceront leurs connaissances en asepsie, en gestion des plaies, en surveillance de la douleur et en organisation des soins. Elles apprendront aussi à improviser avec méthode, à observer avec précision, et à communiquer sans mots.

Comment financent-elles ce projet ?

Le projet est autofinancé grâce à des actions de collecte (vente de crêpes, boissons), à une caisse commune, et à un appel aux dons relayé par l’Association Missions Stages. Chaque dépense est transparente et justifiée.

Quel sera l’impact de ce stage sur leur carrière ?

Cette immersion oriente leurs projets professionnels : humanitaire pour certaines, pédiatrie ou sage-femme pour d’autres. Elle leur donne une maturité clinique et humaine rare chez des étudiantes, et renforce leur éthique de soin.

Quelles leçons humaines tirent-elles de cette expérience ?

Elles apprennent que soigner, c’est d’abord respecter. Que la douleur se vit différemment selon les cultures. Que la résilience existe, même dans les situations les plus difficiles. Et que l’humain, toujours, fait la différence.