Une séquence choquante avec un enfant déclenche un rappel à l’ordre de l’Arcom à TMC en 2025

Le 14 août 2024, l’Arcom a adressé une mise au point cinglante à TMC, pointant du doigt une séquence de l’émission « Quotidien » jugée problématique. Ce n’était pas une avalanche d’images ou une campagne médiatique, mais une simple séquence, une poignée de secondes, qui a suffi à tendre l’antenne et à alerter le régulateur. À l’origine du signalement : la diffusion d’un visage d’enfant mineur sans autorisation parentale, accompagnée de commentaires perçus comme moqueurs. Un incident qui, bien qu’isolé, réveille un débat crucial sur les limites de l’humour, la responsabilité éditoriale, et le respect de la vie privée, surtout lorsque des mineurs sont en jeu. Alors que la chaîne s’est excusée et a retiré la séquence, l’affaire interroge : où s’arrête le divertissement ? Et comment les médias peuvent-ils concilier spontanéité, humour et éthique ?

Quelle responsabilité éditoriale face à l’image d’un enfant ?

L’Arcom n’a pas sanctionné TMC, mais a émis une mise au point officielle, ce qui, dans le jargon du régulateur, équivaut à un avertissement moral. Le cœur du problème ? Une séquence diffusée le 13 septembre 2024, dans le cadre de la chronique « Kids Club », présentée par Angèle Imbert. L’équipe avait filmé une course d’enfants à Chamonix, un événement public, certes, mais cela ne dispense pas de respecter les droits à l’image, surtout lorsqu’il s’agit de mineurs. La plupart des parents avaient donné leur accord, mais pas celui de l’enfant incriminé. Et là, le cadre légal bascule.

L’article 2-3-4 de la convention collective des chaînes privées est clair : tout traitement d’image doit respecter la vie privée, l’honneur et la réputation des personnes. Or, dans cette séquence, non seulement l’identité de l’enfant était visible, mais les commentaires qui accompagnaient sa course avaient un ton moqueur, presque caricatural. « On dirait un pingouin en slip de bain », lançait un chroniqueur, sous les rires du studio. Un humour que certains ont trouvé cruel, déplacé, voire potentiellement traumatisant.

Clémentine Roussel, psychologue spécialisée dans l’impact des médias sur les jeunes, explique : « Un enfant ne mesure pas l’ampleur d’une diffusion nationale. Il ne comprend pas que son image peut être vue par des milliers, voire des millions de personnes. Et s’il est ridiculisé, cela peut laisser des traces durables, surtout à l’âge scolaire, où les moqueries entre pairs sont déjà fréquentes. »

Comment une chronique bien intentionnée a-t-elle pu déraper ?

« Kids Club » se veut un moment léger, presque candide. L’idée ? Capturer la fraîcheur des enfants dans des situations du quotidien, avec un regard tendre et amusé. Angèle Imbert, journaliste chevronnée, a toujours défendu un ton bienveillant. « On cherche la spontanéité, pas la caricature », affirme-t-elle dans un entretien non diffusé. Pourtant, cette séquence a franchi une ligne invisible.

Le tournage à Chamonix s’est déroulé dans une ambiance détendue. Les équipes de TMC avaient obtenu les autorisations nécessaires pour la majorité des enfants présents. Mais dans la précipitation du montage, un détail a été oublié : la vérification systématique des consentements. « On pensait avoir tout couvert, mais un enfant, filmé en arrière-plan, a été rapproché au premier plan par le montage », confie un membre de l’équipe, sous couvert d’anonymat. « Et le commentaire, ajouté en post-production, a amplifié l’effet. »

Le père de l’enfant, Jean-Luc Vasseur, a porté plainte. « Mon fils a été humilié devant toute sa classe. Des élèves ont reconnu la séquence. Il a pleuré pendant deux jours. Ce n’était pas un personnage public, c’était un gamin qui courait pour s’amuser. » Sa plainte, relayée par l’Arcom, a eu un effet immédiat : la séquence a été retirée en moins de 24 heures, et TMC a présenté des excuses publiques.

Quelles mesures concrètes après le rappel à l’ordre ?

Face à la pression, TMC n’a pas tergiversé. La chaîne a annoncé un renforcement de ses procédures internes. Désormais, toute séquence impliquant des mineurs devra passer par un circuit de validation en trois étapes : vérification des autorisations parentales, validation par un responsable éditorial, et une ultime relecture par le service juridique. « On ne peut plus se permettre un oubli », reconnaît Élodie Mercier, directrice de production de « Quotidien ».

Un nouveau protocole d’archivage des consentements écrits a été mis en place. Les formulaires, désormais numérisés et stockés dans un système sécurisé, seront conservés pendant cinq ans. En outre, les équipes de tournage extérieur recevront une formation spécifique sur le droit à l’image des mineurs, avec des simulations de cas réels.

« On ne veut pas tuer la spontanéité, mais on doit encadrer le risque », précise Mercier. « Parfois, on capte un moment drôle, mais il faut savoir dire non, même si ça fait un bon plan. »

Un cas isolé ou le symptôme d’un mal plus profond ?

« Quotidien » n’est pas habitué à ce type de rappel. L’émission, dirigée par Yann Barthès, a toujours revendiqué une ligne éditoriale rigoureuse, mêlant humour et information. En mars 2024, devant la commission d’enquête parlementaire sur les fréquences de la TNT, Barthès affirmait n’avoir « connu aucun dérapage, aucune mise en garde, aucune procédure de sanction ». Ce rappel de l’Arcom fragilise cette affirmation.

Pourtant, comparé à d’autres émissions de la TNT, « Quotidien » reste exemplaire. « Touche pas à mon poste », diffusée sur C8, cumule les mises en garde de l’Arcom, notamment pour des propos discriminatoires ou des invités controversés. En 2023, l’émission a reçu trois rappels à l’ordre, contre un seul pour TMC depuis 2020. Le contraste est frappant.

« Ce n’est pas une question de gravité, mais de vigilance », nuance Antoine Delaunay, ancien membre du CSA, devenu consultant en déontologie médiatique. « Certaines chaînes vivent en permanence sur la corde raide. D’autres, comme TMC, ont une culture du respect, mais peuvent trébucher sur un oubli. Le problème, c’est que chaque oubli peut avoir des conséquences humaines réelles. »

Comment les médias peuvent-ils concilier humour et éthique ?

La frontière entre humour et moquerie est ténue, surtout à la télévision. Les chroniques satiriques, les micro-trottoirs, les reportages sur les comportements insolites sont des formats populaires. Mais quand des mineurs entrent dans le champ, la règle change. « On ne peut pas rire de tout », affirme Sophie Lenoir, auteure du livre « L’Humour sans tabou ? », « surtout pas aux dépens des plus vulnérables. »

Le cas de « Kids Club » illustre un dilemme moderne : le public réclame de la spontanéité, de la proximité, du naturel. Mais ce naturel, s’il n’est pas encadré, peut devenir une arme. « On a vu des enfants devenus mèmes sur les réseaux, parfois sans que leurs parents soient au courant », rappelle Lenoir. « Et une fois que l’image est en ligne, elle ne disparaît jamais vraiment. »

Le défi pour les médias est donc double : rester vivant, drôle, proche du public, tout en maintenant un cadre éthique solide. « L’humour n’est pas incompatible avec la responsabilité », insiste Clémentine Roussel. « Mais il doit être intelligent, pas cruel. »

Quelles leçons pour l’avenir des émissions en direct ?

Le rappel de l’Arcom ne se limite pas à TMC. Il s’adresse à l’ensemble du secteur audiovisuel. Les émissions en direct, les reportages extérieurs, les formats participatifs : tous sont concernés par cette vigilance accrue. L’enjeu est d’autant plus grand que les archives numériques sont désormais permanentes.

« Une séquence sortie de son contexte peut circuler à l’infini », alerte Antoine Delaunay. « Et un enfant filmé aujourd’hui peut être victime de harcèlement demain, simplement parce qu’il a été montré de manière moqueuse à la télé. »

Le message est clair : la liberté de création ne doit pas se faire au détriment de la dignité des personnes. Et quand celles-ci sont mineures, la prudence doit être maximale. TMC, par ses excuses et ses mesures, a pris le virage. Mais l’épreuve sera dans la durée : saura-t-elle maintenir cette vigilance, même sous la pression du direct, de l’audience, de la concurrence ?

A retenir

Quel a été le contenu de la mise au point de l’Arcom ?

L’Arcom a reproché à TMC d’avoir diffusé l’image d’un mineur sans autorisation parentale, accompagnée de commentaires moqueurs, en violation de l’article 2-3-4 de la convention collective. Bien qu’aucune sanction n’ait été prononcée, le régulateur a exigé une vigilance accrue dans le traitement des images de mineurs.

Pourquoi cette affaire a-t-elle suscité une telle réaction ?

Parce qu’elle touche à des questions sensibles : la protection des mineurs, le droit à l’image, et les limites de l’humour télévisé. Le fait qu’un enfant ait pu être identifié et ridiculisé sur un grand public a réveillé des inquiétudes légitimes sur les risques de harcèlement et de traumatisation.

Quelles mesures TMC a-t-elle prises après le rappel ?

TMC a retiré la séquence, présenté des excuses publiques, et mis en place un nouveau protocole : trois niveaux de validation pour les images de mineurs, archivage numérique des consentements, et formation renforcée des équipes sur le droit à l’image.

Y a-t-il eu d’autres rappels similaires pour « Quotidien » ?

Non, cette mise au point est rare dans l’historique de l’émission, connue pour son sérieux éditorial. Elle contraste avec d’autres programmes de la TNT, comme « Touche pas à mon poste », qui reçoit régulièrement des remontrances de l’Arcom.

Peut-on rire des enfants à la télévision ?

Oui, mais avec des garde-fous. L’humour est possible, à condition qu’il soit bienveillant, qu’il ne ridiculise pas, et qu’il respecte les droits des personnes filmées. La spontanéité ne dispense pas de la responsabilité.