En pleine tourmente économique, alors que les inquiétudes sur la dette publique et la stabilité monétaire s’accentuent, un trésor millénaire refait surface : les réserves d’or françaises. Enfoui à 27 mètres sous terre, dans un bunker impénétrable, ce patrimoine de 2 436 tonnes, évalué à plus de 177 milliards d’euros, n’est plus seulement un symbole de stabilité, mais un enjeu stratégique brûlant. Faut-il y puiser pour relancer l’économie, soulager les finances publiques ou au contraire le préserver comme un ultime rempart face aux crises futures ? Ce débat, loin des chambres feutrées, résonne désormais dans les rues, les réunions de quartier, et même dans les ateliers des artisans confrontés à l’inflation. À travers des témoignages croisés et des faits historiques souvent méconnus, plongeons au cœur d’un enjeu qui touche autant les décideurs que les citoyens ordinaires.
Les réserves d’or françaises : un atout stratégique ou une relique du passé ?
À Paris, dans un café du 10e arrondissement, Léa Moreau, enseignante en économie, discute avec ses collègues. « On nous parle d’austérité, de hausse des impôts, mais derrière, il y a 177 milliards d’or qui dorment dans un trou. C’est absurde », s’emporte-t-elle. Son collègue Julien Fournier, plus mesuré, répond : « C’est justement parce qu’il dort qu’il nous protège. Si on le vendait, on perdrait un levier de confiance énorme. » Ce débat, Léa et Julien ne sont pas les seuls à le tenir. Il traverse les salles de rédaction, les cabinets ministériels, et les réunions du Conseil d’analyse économique.
Les réserves d’or françaises, gérées par la Banque de France, représentent l’un des plus importants stocks mondiaux. Seuls les États-Unis, l’Allemagne et l’Italie en détiennent davantage. Contrairement à plusieurs pays européens qui ont vendu une partie de leurs lingots dans les années 2000, la France a fait le choix de conserver l’intégralité de son or. Un choix qui, aujourd’hui, suscite à la fois admiration et frustration. Pour certains, comme le professeur Étienne Vidal, spécialiste de la politique monétaire à Sciences Po, « l’or n’est pas un simple actif. C’est un gage de souveraineté. Il permet à la France de peser dans les négociations internationales, même quand sa dette augmente. »
Quelle est la valeur réelle de ces réserves d’or ?
La valeur de l’or français a plus que doublé en cinq ans, passant de 87,8 milliards d’euros en 2018 à plus de 177 milliards aujourd’hui. Cette hausse spectaculaire n’est pas due à une augmentation de la quantité, mais à la flambée du cours de l’once, qui dépasse régulièrement les 2 000 dollars. « L’or est un actif-refuge », explique Camille Lebrun, analyste financier à Lyon. « Quand les marchés s’effondrent, quand l’inflation grignote le pouvoir d’achat, les investisseurs se tournent vers le métal jaune. Et la France, en le conservant, bénéficie de cette dynamique sans avoir à intervenir. »
Pour autant, cette valeur est-elle utilisable ? Techniquement, oui. Mais politiquement, c’est une autre affaire. Le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque centrale européenne (BCE) pourraient accepter des garanties en or, mais une vente massive risquerait d’ébranler la confiance des marchés. « On ne vend pas son armure en pleine bataille », résume Omar Bendjelloul, économiste marocain installé à Marseille, qui suit de près les politiques monétaires européennes.
Le bunker de La Souterraine : un sanctuaire moderne sous haute surveillance
À 300 kilomètres au sud de Paris, niché dans la Creuse, le dépôt de La Souterraine abrite l’essentiel des réserves d’or françaises. Construit pendant la Guerre froide, ce site stratégique s’étend sur 10 000 m² sous une colline. Moins de dix personnes ont accès aux salles fortes. Parmi elles, Clara Dubois, ingénieure en sécurité depuis douze ans. « Chaque mouvement est enregistré, chaque lingot pesé, scanné en 3D. On ne fait pas confiance à la technologie seule. On croise les méthodes : manuelles, numériques, humaines », confie-t-elle dans une interview rare.
Comment fonctionne la sécurité autour de l’or français ?
Le principe des « quatre yeux » est appliqué à chaque manipulation : deux agents habilités doivent être présents en tout temps. Les portes blindées, les scanners biométriques, les caméras thermiques et les systèmes de détection sismique forment un maillage quasi parfait. « Depuis 2009, aucune tentative d’intrusion n’a été recensée », affirme Clara. « Et je pense qu’on ne le saurait même pas s’il y en avait une. Mais le système est conçu pour que l’échec soit impossible. »
Quels sont les procédés de contrôle et d’inventaire ?
Les lingots, en moyenne de 12,4 kilos chacun, sont stockés dans des caissons en acier. Chaque trimestre, un inventaire partiel est réalisé. Une fois par an, un audit complet est mené, mêlant pesées physiques, vérifications de pureté et scans tridimensionnels. « On peut identifier un lingot à son empreinte digitale », sourit Clara. « Fissure, rayure, densité… tout est enregistré. Si un lingot disparaît, on le saura. »
L’or français a-t-il déjà sauvé la nation ?
Le 10 juin 1940, alors que les troupes allemandes foncent sur Paris, un convoi discret quitte la capitale. À son bord : des centaines de lingots d’or. Direction : Bordeaux, puis l’Afrique du Nord, avant une traversée vers les États-Unis. Ce transfert, orchestré par la Banque de France, permet d’éviter que les réserves ne tombent aux mains de l’occupant. « C’était une opération de guerre », raconte Antoine Mercier, historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale. « L’or a été un outil de résistance économique. Sans lui, la France libre n’aurait pas pu négocier de prêts, ni maintenir une certaine indépendance financière. »
Cette mémoire collective explique en partie pourquoi, malgré les pressions, aucun gouvernement n’a jamais envisagé de vendre massivement l’or national. « L’or, c’est la dernière assurance-vie », dit-il. « Quand tout s’effondre, il reste quelque chose de réel. »
Peut-on utiliser l’or pour réduire la dette publique ?
La dette française dépasse les 110 % du PIB. Chaque année, des milliards d’euros sont consacrés au service de cette dette. Face à ce fardeau, certaines voix, comme celle du député écologiste Yannick Lefort, proposent de monétiser une partie des réserves. « Vendre 10 % de l’or, c’est 17,7 milliards d’euros. De quoi financer des infrastructures vertes, des hôpitaux, des logements sociaux. Ce serait un choix de justice sociale », plaide-t-il dans un récent discours à l’Assemblée.
Pour d’autres, comme la sénatrice conservatrice Aurore Valmont, cette idée est une « illusion dangereuse ». « On ne mange pas de l’or, on ne soigne pas avec, mais il nous protège. Si on le vend, on affaiblit notre position face aux crises futures. Et on enverra un signal de faiblesse aux marchés. »
Le débat n’est pas nouveau. En 2011, lors de la crise des dettes souveraines en Europe, plusieurs pays ont vendu leur or. La France, elle, est restée ferme. « Ce n’était pas par idéologie, mais par calcul », explique l’ancien gouverneur de la Banque de France, Michel Aubert. « On savait que l’or allait remonter. Et que sa présence rassurerait les investisseurs. On avait raison. »
L’or, une réponse à l’inflation et à la fragilité du système financier ?
À Grenoble, Thomas Ricard, artisan fromager, voit ses coûts exploser. « Le lait, le bois, l’électricité… tout augmente. Mais je ne peux pas tout repasser à mes clients. » Il suit de près le débat sur l’or. « Moi, ce que je veux, c’est que l’argent garde de la valeur. Si l’or permet ça, tant mieux. Mais il faudrait qu’il serve à quelque chose de concret, pas qu’il reste enfermé pour l’éternité. »
En effet, l’or joue un rôle d’amortisseur face à l’inflation. Contrairement aux monnaies fiduciaires, il ne peut pas être imprimé à l’infini. Sa rareté intrinsèque en fait un garde-fou. « Dans un monde de dettes exponentielles et de monnaies numériques volatiles, l’or est un ancrage », affirme Camille Lebrun. « Il rappelle qu’il existe encore des valeurs réelles. »
L’euro a-t-il rendu l’or obsolète ?
L’adoption de l’euro en 2002 a transformé la donne. Les monnaies nationales ont disparu, remplacées par une monnaie unique. Pourtant, les réserves d’or françaises sont restées intactes. « L’euro n’a pas supprimé la souveraineté nationale, il l’a déplacée », analyse Étienne Vidal. « La France garde son or comme elle garde son siège au Conseil de sécurité de l’ONU. C’est un symbole de poids, mais aussi un outil concret. »
Face à la montée des cryptomonnaies et des paiements dématérialisés, l’or incarne une forme de résistance à l’abstraction financière. « Tout est virtuel : les transactions, les dettes, les actifs. Mais l’or, lui, est là. Tangible. Pesant. Vrai », dit Clara Dubois, qui, ironiquement, passe ses journées avec un métal qu’elle ne touche jamais directement.
Le débat sur l’or reflète-t-il une crise de confiance plus profonde ?
Peut-être que l’enjeu n’est pas seulement économique, mais symbolique. « On parle d’or, mais on parle surtout de confiance », observe Léa Moreau. « Les gens ne croient plus que les gouvernements gèrent bien l’argent. Alors, ils se tournent vers quelque chose de solide, de visible, d’éternel. »
Ce désir de matérialité traverse toute la société. Des jeunes qui investissent dans des pièces d’or, aux retraités qui conservent des lingots en cas de « blackout », l’or devient un refuge psychologique autant que financier. « C’est un peu comme un coffre-fort familial », dit Thomas Ricard. « Même si on ne l’ouvre jamais, savoir qu’il est là, ça rassure. »
Conclusion : un trésor qui parle de l’avenir autant que du passé
Les réserves d’or françaises ne sont ni une solution miracle, ni un simple vestige. Elles incarnent un équilibre entre prudence et ambition, entre souveraineté et solidarité. Elles rappellent que, dans un monde de plus en plus volatile, certains actifs gardent une valeur intrinsèque. Mais elles posent aussi une question essentielle : que faisons-nous de notre héritage ? Le protégeons-nous à tout prix, ou l’utilisons-nous pour construire un avenir plus juste ? Le débat, loin de se limiter aux experts, concerne chaque citoyen. Car derrière chaque lingot, il y a un choix : celui de la sécurité ou celui du progrès.
A retenir
Quelle est la quantité d’or détenue par la France ?
La France détient 2 436 tonnes d’or, principalement stockées dans le dépôt de La Souterraine, en Creuse. Ce volume en fait le quatrième détenteur mondial, derrière les États-Unis, l’Allemagne et l’Italie.
À combien s’élèvent les réserves d’or françaises en valeur ?
Évaluées à plus de 177 milliards d’euros en 2024, les réserves ont plus que doublé depuis 2018, grâce à la forte hausse du cours de l’or sur les marchés internationaux.
Pourquoi la France n’a-t-elle pas vendu son or comme d’autres pays ?
La France considère l’or comme un pilier de sa souveraineté monétaire. Contrairement à certains pays européens, elle a fait le choix stratégique de conserver l’intégralité de ses réserves pour assurer sa stabilité en cas de crise.
Peut-on utiliser l’or pour réduire la dette publique ?
Théoriquement, oui. Mais une vente massive serait perçue comme un signe de faiblesse par les marchés financiers. Elle pourrait fragiliser la confiance dans l’économie française, ce qui limiterait son efficacité à long terme.
Quel rôle l’or joue-t-il face à l’inflation ?
L’or est un actif-refuge. Sa valeur tend à augmenter quand l’inflation grignote celle des monnaies fiduciaires. Il sert donc de bouclier contre la perte de pouvoir d’achat et de stabilité pour les finances publiques.
L’or français a-t-il déjà été utilisé en cas de crise ?
Oui. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une partie des réserves a été évacuée pour éviter qu’elle ne tombe aux mains des forces d’occupation. Ce geste a permis à la France libre de conserver une indépendance financière essentielle.
Qui gère les réserves d’or françaises ?
La Banque de France est chargée de la gestion, de la sécurité et de l’inventaire des réserves d’or. Elle agit sous la supervision du ministère de l’Économie et des Finances.