Retraite Agirc-Arrco : la revalorisation de novembre annulée, une décision qui va impacter des millions de retraités en France

Alors que les feuilles tombent et que l’automne installe son rythme lent, des millions de retraités français attendaient, comme chaque année, un signe rassurant : la revalorisation de leur retraite complémentaire au 1er novembre. Ce geste, traditionnellement calé sur l’inflation, est bien plus qu’un ajustement technique — il symbolise une reconnaissance, un filet de sécurité face à la hausse des prix. Cette année, pourtant, le silence est assourdissant. Ni hausse, ni annonce encourageante : le point Agirc-Arrco reste figé. Pire encore, les premières projections pour 2026 laissent craindre un gel de la retraite de base. Ce double coup dur, sur fond d’incertitudes économiques et sociales, bouscule l’équilibre de nombreux foyers. Derrière ces décisions, ce sont des vies, des choix, des inquiétudes qui se révèlent. Décryptage d’un automne tendu, où chaque euro compte.

Pourquoi la revalorisation Agirc-Arrco de novembre n’a-t-elle pas eu lieu ?

Chaque année, à la mi-octobre, les partenaires sociaux — syndicats et organisations patronales — se réunissent pour décider de la revalorisation du point Agirc-Arrco. Ce mécanisme, fondé sur une négociation collective, vise à ajuster la valeur du point en fonction de l’évolution des prix. En 2025, ce rituel s’est brutalement interrompu. Lors de la réunion du 17 octobre, aucun accord n’a pu être trouvé. Le résultat ? Une stagnation inédite depuis plusieurs années.

Pourquoi un tel blocage ? La réponse réside dans un climat de tension financière. L’inflation de 2025, estimée à environ 1 %, est modérée, mais elle n’est pas nulle. Or, les partenaires sociaux se heurtent à des préoccupations de solvabilité du régime. Les employeurs, comme les syndicats, redoutent un déséquilibre à long terme. D’un côté, les uns craignent une pression accrue sur les cotisations ; de l’autre, les autres s’élèvent contre une perte de pouvoir d’achat pour les retraités. L’impasse est totale.

Le cas d’Élisabeth Rouvier, retraitée de 72 ans à Lyon, illustre cette frustration. J’ai cotisé pendant quarante-deux ans, raconte-t-elle. Chaque novembre, je vérifie mon relevé. Cette année, rien. Pas de hausse, pas d’explication claire. C’est comme si on me disait : “Votre contribution, on n’en a plus besoin.” Son complémentaire, qui représente près de 40 % de ses revenus mensuels, reste figé. Elle réajuste son budget : Je repasse mes vêtements au lieu de les jeter, je limite les sorties culturelles. Ce n’est pas dramatique, mais c’est la sensation d’être oubliée.

Le gel de la retraite de base en 2026 : une double peine ?

Si le gel du complémentaire choque, celui de la retraite de base, envisagé pour janvier 2026, inquiète davantage. Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) déposé à l’automne 2025 prévoit un arrêt de l’indexation sur l’inflation. Concrètement, même si les prix augmentent — prévision de +1,6 % en 2026 —, les pensions ne suivront pas.

Le paradoxe est criant : en janvier 2025, les retraités ont bénéficié d’une hausse de 2,2 %. Un geste tardif, mais salué. En 2026, ce serait l’inverse. C’est une érosion silencieuse , souligne Marc Lenoir, économiste au sein d’un think tank spécialisé dans les politiques sociales. Le gel ne se voit pas immédiatement, mais chaque mois, les dépenses augmentent tandis que les revenus stagnent. Cela creuse un écart qui, sur un an, peut représenter plusieurs centaines d’euros de pouvoir d’achat perdu.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Un retraité percevant 1 200 € par mois de retraite complémentaire perdrait environ 132 € sur l’année face à une inflation de 1,1 %. Pour la retraite de base, un montant de 1 000 € mensuel correspondrait à une perte annuelle de 110 €. Ce ne sont pas des ponctions directes, mais des manques à gagner réels, qui pèsent surtout sur les pensions modestes.

Georges Bélier, 78 ans, ancien ouvrier du bâtiment à Nantes, vit cette situation comme une injustice. Je n’ai pas de grande retraite, 1 900 € au total. L’année dernière, j’ai pu payer mon chauffage sans trop me serrer. Cette année, je ne sais pas. Si rien ne bouge, je devrai choisir entre le chauffage et les médicaments. Son témoignage reflète une angoisse partagée : l’incapacité à prévoir, à planifier, dans un contexte de gel prolongé.

Comment les retraités s’adaptent-ils à ce gel ?

Faute de hausse, les retraités s’organisent. De nombreux foyers repensent leurs dépenses, anticipent les postes sensibles, et cherchent des solutions alternatives. Ce n’est plus une gestion ponctuelle, mais une stratégie de survie économique.

Les abonnements sont souvent les premières victimes. J’ai résilié mon forfait téléphonique trop cher, explique Nadia Charpentier, 68 ans, retraitée de l’éducation nationale à Bordeaux. J’ai basculé vers une offre low cost. Je fais pareil avec l’électricité : j’ai changé de fournisseur, j’ai négocié avec mon syndic d’immeuble pour mutualiser les contrats.

D’autres misent sur la solidarité locale. À Rennes, un collectif de seniors a lancé un “club d’achats groupés” pour les produits alimentaires et les fournitures médicales. On passe commande ensemble, on négocie avec des artisans, on fait appel à des coopératives, détaille Jean-Marc Delmas, l’un des initiateurs. On gagne entre 15 et 25 % sur certains postes. Ce n’est pas grand-chose, mais sur un an, ça fait une différence.

Les aides sociales, souvent méconnues, deviennent cruciales. Le chèque énergie, les aides au logement, les dispositifs municipaux pour seniors — autant de leviers à activer. Je conseille régulièrement des retraités qui ignorent qu’ils ont droit à des réductions sur leurs impôts locaux ou sur leurs transports , confie Sophie Rambert, assistante sociale à Marseille. Il faut aller au-devant, car personne ne vous prévient.

Enfin, les associations de consommateurs jouent un rôle clé. Leur accompagnement, notamment dans les litiges ou les comparaisons de tarifs, permet de récupérer des marges invisibles. On ne parle pas de milliers d’euros, mais de dizaines par mois, suffisantes pour éviter la rupture , insiste Thomas Gauthier, bénévole au sein d’UFC-Que Choisir.

Que signifient ces décisions pour l’avenir du système de retraite ?

Le gel des retraites n’est pas un incident isolé. Il s’inscrit dans un contexte plus large de tensions financières, de vieillissement de la population, et de pression sur les dépenses publiques. Ces décisions reflètent une transformation profonde : le passage d’un système fondé sur la solidarité intergénérationnelle à un modèle contraint par la réalité budgétaire.

Plusieurs pistes sont évoquées par les experts et les décideurs. L’une concerne l’âge de départ à la retraite. Alors que la réforme de 2023 a déjà repoussé l’âge pivot, certains envisagent un alignement progressif sur 65 ou 67 ans. Ce n’est plus tabou, reconnaît Marc Lenoir. La question n’est plus “si”, mais “quand”.

Autre piste : la modulation des cotisations. Plutôt que d’appliquer des hausses uniformes, certains proposent de différencier les taux selon la taille des entreprises ou le niveau de revenus. Cela pourrait alléger la pression sur les plus modestes tout en maintenant les recettes , suggère une conseillère du ministère des Affaires sociales, sous couvert d’anonymat.

Enfin, l’idée d’un système plus ciblé gagne du terrain. Des aides spécifiques pourraient compenser les effets des gels, notamment pour les retraites inférieures à 1 500 €. On ne peut pas tout uniformiser, estime Sophie Rambert. Il faut protéger ceux qui sont en première ligne.

Le débat sur la capitalisation, encore marginal en France, refait surface. Certains y voient une solution pour alléger la pression sur les régimes publics. Mais pour beaucoup, cela risque d’accentuer les inégalités. La retraite, ce n’est pas un placement, c’est une garantie sociale , martèle Nadia Charpentier.

Quelles évolutions faut-il surveiller dans les mois à venir ?

Le sort des retraités ne tient pas qu’à une décision. Il dépend de plusieurs facteurs clés. D’abord, le vote du PLFSS à l’Assemblée nationale. Ce texte, encore en discussion, pourrait être amendé. Des pressions politiques, syndicales, ou médiatiques pourraient conduire à des correctifs, notamment pour les petites pensions.

Ensuite, la date d’octobre 2026. C’est à ce moment que les partenaires sociaux devront se réunir à nouveau pour décider de la revalorisation Agirc-Arrco. Si l’inflation repart à la hausse, la pression sera forte pour rétablir le mécanisme. Mais rien n’est garanti.

Enfin, les contacts utiles. Les caisses de retraite, les assistantes sociales, les associations de défense des consommateurs — autant de relais essentiels. Il faut savoir poser des questions, insiste Georges Bélier. Moi, j’ai appelé ma caisse. Ils m’ont orienté vers des aides que je ne connaissais pas. C’est simple, mais ça change tout.

A retenir

Le gel des retraites signifie-t-il une baisse directe de mes revenus ?

Non, il ne s’agit pas d’une baisse, mais d’une absence de hausse. Si l’inflation progresse, votre pouvoir d’achat diminue en termes réels, car vos dépenses augmentent tandis que vos revenus restent stables.

La retraite de base sera-t-elle vraiment gelée en 2026 ?

C’est ce que prévoit le projet de loi actuel, mais le texte n’est pas encore adopté. Des amendements sont possibles, notamment sous la pression des syndicats ou des groupes parlementaires. La décision finale interviendra d’ici fin 2025.

Comment puis-je compenser l’absence de revalorisation ?

Plusieurs leviers existent : réduire vos abonnements, mutualiser vos achats, solliciter des aides locales (énergie, logement, transport), ou contacter une association de consommateurs pour un audit de vos dépenses.

Quand saura-t-on si la retraite complémentaire sera revalorisée en 2026 ?

La décision sera prise par les partenaires sociaux à l’automne 2026, probablement en octobre. Elle s’appliquerait au 1er novembre suivant. Restez informé via les communications de votre caisse de retraite.

Les petites retraites seront-elles épargnées ?

Rien n’est certain, mais des mesures ciblées sont envisagées. Des correctifs pourraient être appliqués aux pensions les plus modestes, même en cas de gel général. Il est crucial de vérifier vos droits auprès des services sociaux.