En France, malgré une espérance de vie plus longue que celle des hommes, les femmes, et particulièrement les mères, affrontent des défis majeurs en matière de retraite. Derrière les chiffres se cachent des parcours professionnels marqués par des interruptions, des salaires inférieurs et un système qui tarde à s’adapter aux réalités de leur vie. Ce phénomène, souvent sous-estimé, révèle des inégalités structurelles qui ont des répercussions concrètes sur leur niveau de vie en fin de carrière.
Pourquoi les femmes partent-elles plus tard à la retraite ?
Les données de la Drees montrent que les femmes prennent leur retraite en moyenne à 63 ans, contre 62 ans pour les hommes. Cette différence s’explique par des carrières souvent fragmentées, avec des périodes d’inactivité liées à la maternité, à l’éducation des enfants ou à des temps partiels. Élodie Lambert, 64 ans, ancienne infirmière, témoigne : « J’ai dû arrêter deux ans après la naissance de mon deuxième enfant. Quand je suis revenue, j’ai accepté un poste à temps partiel pour concilier travail et famille. Résultat : ma pension est bien en dessous de ce que je m’attendais. »
Des mesures existent pour compenser ces interruptions, comme les 8 trimestres attribués par enfant (4 pour la maternité ou l’adoption, 4 pour l’éducation). Cependant, ces dispositifs ne suffisent pas toujours à équilibrer les droits. La réforme récente, qui recule l’âge légal de 62 à 64 ans, aggrave la situation pour les femmes, surtout dans les professions physiquement exigeantes. « J’ai travaillé dans le nettoyage industriel pendant trente ans. À 63 ans, mon corps me lâche, mais je n’ai pas le choix : je dois continuer jusqu’à 64 », explique Martine Fabre, 62 ans.
Quelles sont les causes de l’écart de pensions entre hommes et femmes ?
En 2024, la pension moyenne des femmes retraitées s’élève à 1 268 euros bruts par mois, contre 2 050 euros pour les hommes. Cette disparité s’explique par plusieurs facteurs cumulatifs. D’abord, les salaires féminins restent inférieurs de 15 % en moyenne à ceux des hommes. Ensuite, les métiers féminisés (secteur médico-social, enseignement, administration) sont moins bien rémunérés, ce qui impacte directement les droits futurs. Enfin, les carrières interrompues ou les temps partiels réduisent le nombre de trimestres validés.
Sébastien Moreau, économiste spécialisé dans les retraites, analyse : « Les femmes accumulent moins de points de retraite au fil des années. Même si elles bénéficient des trimestres compensatoires, ces derniers ne rattrapent pas les années perdues. » Le bonus de 10 % pour les parents de trois enfants ou plus, bien qu’intéressant, est critiqué pour son manque d’équité. « Ce dispositif ne prend pas en compte qui a réellement porté le poids de l’éducation », ajoute Hélène Vidal, ancienne directrice RH.
Comment les inégalités persistent-elles à un âge avancé ?
Les difficultés ne s’arrêtent pas à la retraite. Les femmes âgées sont surreprésentées parmi les retraités aux petites pensions, ce qui limite leur accès à des logements décents, des soins de santé ou des activités sociales. Claire Renaud, 72 ans, vit cette précarité au quotidien : « Je dois choisir entre payer mes médicaments ou inviter mes petits-enfants à dîner. Ma pension ne me permet pas de faire les deux. »
Les conséquences sont aussi psychologiques. « Beaucoup de femmes âgées ressentent une forme de culpabilité, comme si leur situation était le prix à payer pour avoir priorisé la famille », souligne le sociologue François Lemoine. Cette double peine – précarité financière et sentiment d’échec – renforce l’isolement, notamment chez celles vivant seules.
Quelles solutions pour un système plus juste ?
Pour réduire ces écarts, plusieurs pistes sont avancées. L’amélioration des solutions de garde d’enfants permettrait aux mères de maintenir une activité professionnelle continue. La revalorisation des métiers à dominante féminine, comme les assistantes maternelles ou les aides-soignantes, aurait un impact direct sur les salaires et donc sur les pensions. Enfin, une réforme du calcul des droits à la retraite pourrait intégrer davantage les périodes d’inactivité liées aux responsabilités parentales.
« Il faut repenser le système pour qu’il reconnaisse le travail invisible des mères », insiste Christine Duval, militante pour l’égalité. Des initiatives locales, comme des ateliers d’information sur les droits à la retraite ou des groupes de soutien entre femmes âgées, tentent de pallier ces manques. Mais pour Martine Fabre, « ce n’est pas suffisant. Les décideurs doivent agir maintenant, avant que toute une génération de femmes ne bascule dans la pauvreté ».
Conclusion
Les inégalités à la retraite pour les femmes, accentuées par les responsabilités maternelles, révèlent un système qui n’a pas encore évolué pour s’adapter aux réalités de leur vie. Si les avancées sont lentes, des solutions existent pour construire une retraite plus équitable. Le défi est non seulement économique, mais aussi moral : garantir à toutes, quel que soit leur parcours, une retraite digne.
A retenir
Pourquoi les femmes partent-elles plus tard à la retraite ?
Les interruptions liées à la maternité, l’éducation des enfants ou les temps partiels obligent souvent les femmes à prolonger leur activité professionnelle pour accumuler suffisamment de trimestres. La réforme récente, qui recule l’âge légal à 64 ans, rend cette démarche encore plus difficile.
Quel est l’écart moyen de pensions entre hommes et femmes ?
Les femmes retraitées perçoivent en moyenne 1 268 euros bruts par mois, contre 2 050 euros pour les hommes. Cet écart de près de 40 % s’explique par des salaires plus bas, des carrières fragmentées et un système de retraite qui ne compense pas pleinement les périodes d’inactivité.
Comment les inégalités affectent-elles les femmes âgées ?
Les retraites modestes limitent leur accès à des logements décents, des soins de santé ou des activités sociales. Elles sont aussi plus exposées à l’isolement, avec des conséquences psychologiques importantes, notamment chez celles vivant seules.
Quelles réformes sont nécessaires pour améliorer leur situation ?
Les solutions incluent l’amélioration des solutions de garde d’enfants, la revalorisation des métiers féminisés et une meilleure reconnaissance des périodes d’inactivité parentale dans le calcul des droits à la retraite. Des initiatives locales, comme des ateliers d’information, complètent ces efforts mais restent insuffisantes sans action politique forte.