Retraite progressive dès 2025 : ce changement majeur pour les seniors en France

Alors que la population active vieillit et que les aspirations à une transition en douceur vers la retraite se font de plus en plus pressantes, la France s’apprête à franchir une étape décisive avec la mise en œuvre de la réforme de la retraite progressive à l’horizon septembre 2025. Ce dispositif, conçu pour répondre aux évolutions du monde du travail et aux besoins des salariés âgés, entend offrir une alternative équilibrée entre activité professionnelle et départ à la retraite. En permettant aux travailleurs de réduire leur temps de travail tout en percevant une partie de leur pension, cette réforme marque une volonté politique forte d’accompagner les seniors dans une fin de carrière plus sereine. Pourtant, entre conditions d’accès strictes, obstacles organisationnels et communication insuffisante, son adoption effective dépendra de la capacité des entreprises et des employés à s’approprier ces nouveaux outils.

Qu’est-ce que la retraite progressive et pourquoi cette réforme est-elle significative ?

La retraite progressive n’est pas une nouveauté absolue, mais la version 2025 en représente une profonde transformation. Jusqu’alors marginalisée, elle était peu utilisée en raison de conditions d’accès floues et d’un manque d’accompagnement. Désormais, elle devient un levier structurant de la politique du travail, portée par la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, qui l’a présentée comme une réponse concrète à l’enjeu du maintien dans l’emploi des seniors. Concrètement, ce dispositif permet à un salarié d’entrer en retraite partielle tout en continuant à travailler à temps réduit, avec une rémunération ajustée et une pension versée au prorata de la diminution d’activité.

Le tournant réside dans l’unification des règles entre secteur privé et public. Jusqu’à présent, les agents de la fonction publique étaient souvent exclus ou soumis à des conditions plus restrictives. Grâce à la mobilisation de la confédération FO et FO fonction publique, cette inégalité est corrigée. Aujourd’hui, un professeur dans un lycée de Lyon, une infirmière hospitalière à Marseille ou un ingénieur dans une entreprise de logistique à Lille peuvent tous prétendre au même dispositif, sous réserve de remplir les critères.

Élodie Renard, cadre dans une entreprise de télécommunications à Bordeaux, témoigne : « À 61 ans, je me sentais épuisée par les cadences imposées, mais je n’étais pas prête à tout quitter. La retraite progressive m’offre une sortie en douceur. Je passe à 60 % de mon temps, je touche une partie de ma retraite, et je garde un lien avec mes collègues. C’est exactement ce dont j’avais besoin. »

Quelles sont les conditions d’accès à cette nouvelle retraite progressive ?

Quels sont les critères d’éligibilité ?

Pour bénéficier de la retraite progressive, le salarié doit justifier d’au moins 150 trimestres cotisés sur les régimes de base. Ce seuil, élevé mais réaliste pour les travailleurs expérimentés, vise à garantir une contribution suffisante au système. L’âge minimum d’accès est fixé à 60 ans, mais la réforme des retraites de 2023 a repoussé l’âge légal à 62 ans, ce qui signifie que, dans les faits, la plupart des bénéficiaires seront âgés d’au moins 62 ans lors de la pleine application du dispositif en septembre 2025.

Un décret attendu en juin 2025 précisera les modalités de mise en œuvre, notamment le calcul exact de la pension partielle, les modalités de cotisation complémentaire et les règles de maintien des droits à la protection sociale. Ces précisions seront cruciales pour rassurer les employeurs et les salariés.

Comment le secteur public est-il concerné ?

La grande nouveauté réside dans l’inclusion des agents publics des trois versants — État, territorial et hospitalier. Jusqu’alors, seuls certains statuts permettaient des aménagements proches, mais sans cadre national harmonisé. Désormais, un enseignant comme Thierry Lefebvre, en poste à Rennes depuis 1998, peut envisager de réduire son service de 16 à 10 heures hebdomadaires tout en percevant une fraction de sa retraite. « C’est une reconnaissance de notre parcours, explique-t-il. On ne nous demande plus de choisir entre notre santé et notre salaire. »

Quels sont les enjeux pour l’emploi des seniors dans les entreprises ?

Pourquoi les entreprises hésitent-elles à recourir à ce dispositif ?

Malgré ses atouts, la retraite progressive peine encore à s’imposer dans les pratiques managériales. Une enquête Ipsos menée en avril 2025 révèle que seulement 25 % des directeurs des ressources humaines ont mis en place des dispositifs spécifiques pour les seniors. Dans les grandes entreprises, 40 % proposent des aménagements du temps de travail, et parmi elles, la retraite progressive est présente dans 54 % des cas. Toutefois, le recrutement actif des seniors reste marginal : à peine 10 % des entreprises ont des politiques ciblées pour attirer ou retenir les travailleurs âgés.

Le frein principal ? Le coût salarial. « Pour un DRH, un senior est souvent perçu comme un poste coûteux, avec des congés maladie plus fréquents et une productivité supposée en baisse », analyse Camille Vasseur, consultante en gestion des âges. Pourtant, des études montrent que les seniors sont souvent plus fiables, moins absents pour des raisons non médicales, et qu’ils transmettent un savoir-faire précieux. Le passage à temps partiel via la retraite progressive pourrait donc être une solution gagnant-gagnant.

Comment les employeurs peuvent-ils s’adapter ?

La réforme prévoit un encadrement renforcé des refus de demande de retraite progressive. Désormais, un employeur ne pourra plus rejeter une demande sans motif légitime et documenté. De plus, un entretien professionnel obligatoire devra être organisé pour accompagner le salarié dans sa transition. Cet entretien, mené par le manager ou le service RH, doit permettre de définir un plan de passage en douceur, prévoir les transferts de compétences et anticiper les besoins en recrutement.

À Toulouse, l’entreprise NovaTech, spécialisée dans les énergies renouvelables, a anticipé la réforme. « On a formé nos managers à l’accompagnement des seniors, explique la directrice RH, Nora Kheiri. On a mis en place des parrainages entre jeunes recrues et salariés expérimentés. Et on utilise la retraite progressive pour préparer des départs sereins, sans rupture dans la transmission du savoir. »

Quels obstacles restent à surmonter pour une adoption massive ?

Le manque de communication : un frein majeur

Un des principaux défis de cette réforme est son invisibilité. Beaucoup de salariés ignorent qu’ils peuvent prétendre à ce dispositif, ou croient qu’il concerne uniquement les cadres supérieurs. « On reçoit encore des appels de personnes âgées de 64 ans qui découvrent seulement maintenant qu’elles auraient pu bénéficier d’une retraite progressive depuis deux ans », raconte Damien Morel, conseiller à l’Assurance Retraite à Lyon.

Le gouvernement et les partenaires sociaux doivent intensifier la campagne d’information. Les outils existent — site de l’Assurance Retraite, simulateurs en ligne, espaces personnels sécurisés — mais ils ne sont pas assez connus. Les syndicats, comme FO, appellent à une mobilisation locale : « Il faut que les délégués parlent de ce dispositif en réunions d’information, que les comités d’entreprise en fassent un sujet prioritaire », insiste Mélanie Gauthier, secrétaire départementale FO dans le Nord.

Les refus d’employeurs : comment les contourner ?

Le droit de refus de l’employeur reste un obstacle sensible. Si les motifs de refus devront être justifiés — surcharge du service, impossibilité d’organisation, absence de remplaçant —, la pression managériale peut dissuader les salariés de faire une demande. « J’ai vu des collègues renoncer parce qu’ils avaient peur de passer pour des « usés », ou de nuire à leur image », confie Sabine Dubois, technicienne de laboratoire à Nantes. Pour éviter ces situations, il est essentiel que les salariés connaissent leurs droits et s’appuient sur leurs représentants du personnel ou sur les services de l’Assurance Retraite.

Quel impact cette réforme pourrait-elle avoir sur la société du travail ?

Au-delà de l’aspect financier, la retraite progressive représente une mutation culturelle. Elle reconnaît que la fin de carrière n’est pas un arrêt brutal, mais une phase à part entière de la vie professionnelle. Elle valorise l’expérience, encourage la transmission des savoirs, et permet de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle à un âge où la santé ou l’envie de nouveaux projets pèsent davantage.

À terme, ce dispositif pourrait aussi inciter les entreprises à repenser leur gestion des âges. Plutôt que de voir les seniors comme des coûts à réduire, elles pourraient les considérer comme des atouts stratégiques : mentors, gardiens de la mémoire organisationnelle, relais de stabilité en période de changement.

A retenir

Qui peut bénéficier de la retraite progressive à partir de septembre 2025 ?

Les salariés du secteur privé et les agents publics âgés d’au moins 60 ans, justifiant de 150 trimestres cotisés, peuvent demander à bénéficier de la retraite progressive. La pleine application du dispositif interviendra à 62 ans, conformément à la réforme des retraites de 2023.

Comment la pension est-elle calculée en cas de retraite progressive ?

La pension est versée au prorata de la réduction du temps de travail. Par exemple, un salarié passant à 50 % de son temps de travail perçoit 50 % de sa pension, tout en continuant à cotiser sur la moitié de son salaire. Ces cotisations permettent de valider de nouveaux trimestres et d’améliorer le montant final de la retraite.

Un employeur peut-il refuser une demande de retraite progressive ?

Oui, mais sous conditions. Le refus doit être motivé par des raisons d’organisation ou de fonctionnement de l’entreprise, et ne peut être abusif. Un entretien professionnel obligatoire doit avoir lieu avant toute décision, et le salarié peut contester le refus auprès des instances de dialogue social ou de l’inspection du travail.

Quand seront connues les modalités précises de mise en œuvre ?

Un décret attendu pour juin 2025 précisera les modalités techniques d’application : calcul des pensions, règles de cotisation, procédures d’acceptation ou de refus, et accompagnement des salariés. Ce texte servira de base juridique à l’entrée en vigueur du dispositif en septembre 2025.

Comment les salariés peuvent-ils se préparer à cette transition ?

Les intéressés doivent vérifier leur nombre de trimestres via le site de l’Assurance Retraite, échanger avec leur service RH, et anticiper leur demande plusieurs mois à l’avance. Ils peuvent également solliciter un entretien carrière ou un bilan de compétences pour mieux planifier cette étape.