Retraite progressive à 60 ans dès 2025 : espoirs ou doutes ?

À partir de septembre 2025, une réforme ambitieuse redéfinit les règles de la retraite progressive en France. Désormais accessible dès 60 ans, cette transition entre vie professionnelle et statut de retraité suscite de nombreuses interrogations. Alors que le gouvernement espère inciter davantage de seniors à l’utiliser, les experts et les travailleurs eux-mêmes débattent de son véritable impact. Retour sur un dispositif qui pourrait transformer la fin de carrière de millions de Français.

Quel est le principe de la retraite progressive ?

Imaginez réduire progressivement ses heures de travail tout en commençant à percevoir une partie de sa pension de retraite. C’est exactement ce que permet la retraite progressive, un dispositif qui allie flexibilité et sécurisation des revenus. « C’est une passerelle idéale pour ceux qui souhaitent préparer leur départ sans brusquerie », explique Élise Lambert, conseillère en orientation professionnelle. Concrètement, un salarié peut opter pour un mi-temps ou un temps partiel tout en touchant une pension calculée sur la base de sa carrière antérieure. Les cotisations versées pendant cette période complètent ensuite le montant final de la retraite.

Thomas Régnier, architecte de 61 ans, témoigne : « J’ai réduit mon activité à 60 % en 2023. Ma pension initiale couvre 40 % de mon salaire, ce qui me permet de voyager tout en gardant un lien avec mon agence. » Ce modèle séduit particulièrement les professions intellectuelles, mais reste plus difficile à adapter aux métiers physiques ou saisonniers.

Quelles sont les nouvelles conditions d’accès ?

Jusqu’à présent réservée aux personnes âgées de 62 ans et plus, la retraite progressive devient accessible à partir de 60 ans en 2025. Une avancée significative pour les travailleurs de secteurs où la pénibilité impose souvent un arrêt anticipé. « Cette mesure répond à un besoin criant dans l’industrie ou le BTP », souligne Camille Dubois, ingénieure qualité dans une usine de production. Les règles restent cependant strictes : la baisse d’activité doit atteindre au moins 20 %, et le maintien d’un contrat de travail est obligatoire.

Pour les indépendants, les modalités sont plus complexes. « J’ai dû justifier une chute de chiffre d’affaires de 25 % sur six mois », raconte Sophie Marchand, créatrice de bijoux artisanale. Le dispositif s’adresse aussi aux agents publics, mais avec des modalités spécifiques : la retraite progressive s’applique uniquement aux fonctionnaires titulaires, et non aux contractuels.

Comment lever les freins à son adoption ?

En 2024, seuls 31 000 Français utilisaient la retraite progressive, un chiffre dérisoire au regard des 500 000 personnes concernées. « La méconnaissance du dispositif est un obstacle majeur », constate Lucien Moreau, délégué syndical. Les employeurs, notamment dans les PME, hésitent souvent à valider les demandes par crainte de désorganiser l’entreprise. La réforme 2025 durcit pourtant les règles : les refus doivent désormais être motivés, et un silence de deux mois équivaut à une acceptation tacite.

Le cas de Marie-Claire Fournier illustre bien ces blocages. Cette infirmière de 60 ans a dû négocier pendant trois mois avec sa direction hospitalière avant d’obtenir une réduction de son temps de travail. « Sans l’appui du CHSCT, je n’y serais pas arrivée », confie-t-elle. Le gouvernement prévoit des campagnes de sensibilisation ciblées, notamment via des partenariats avec les CCI et les fédérations professionnelles.

Quels sont les avantages réels pour les seniors ?

La retraite progressive permet de conserver une activité professionnelle tout en bénéficiant d’un revenu complémentaire. « C’est un filet de sécurité psychologique et financier », estime Alexandre Gérard, économiste spécialisé dans les politiques sociales. Les cotisations versées pendant la phase progressive augmentent même la pension définitive, un avantage souvent méconnu. Pour les cadres, cette période peut aussi servir de transition vers des missions de conseil ou de mentorat.

Cependant, les bénéfices varient selon la situation. « Un artisan qui réduit de moitié sa clientèle perd plus de 50 % de son revenu brut, alors qu’un salarié cadre voit sa baisse de salaire compensée à hauteur de 60 % par sa pension », précise Cécile Navarro, chargée d’études à l’Insee. Les régimes spéciaux, comme celui des cheminots, appliquent des règles propres qui peuvent amplifier ces disparités.

Quels sont les risques et les limites du dispositif ?

Derrière la promesse d’un départ en douceur se cachent des pièges financiers. « Cotiser sur un salaire réduit pénalise la retraite finale », alerte Jean-Pierre Lefèvre, ancien directeur des ressources humaines. Les calculs restent complexes : la pension initiale est calculée sur la moyenne des 25 meilleures années, mais les cotisations pendant la phase progressive s’appliquent sur les revenus réduits. Résultat : certains seniors constatent un impact négatif sur leur pension définitive.

Le cas de Daniel Roche, chauffeur routier de 60 ans, est éloquent. « En passant à 70 % de mon temps, ma pension initiale a baissé de 15 %. Le calcul n’était pas évident à comprendre. » Les travailleurs à faibles revenus sont particulièrement vulnérables : une perte de 30 % de salaire, même compensée par une pension, peut entraîner des difficultés budgétaires.

Quelles alternatives existent pour aménager la fin de carrière ?

La retraite progressive n’est pas la seule option. Le dispositif de cumul emploi-retraite, accessible à partir de 62 ans, permet de continuer à travailler sans restriction de temps. « C’est plus flexible, mais moins avantageux en termes de cotisations », note Hélène Vasseur, juriste sociale. Le compte épargne-temps (CET) offre une autre voie, mais il reste cantonné aux entreprises qui l’ont mis en place.

Pour les travailleurs indépendants, le mi-temps thérapeute proposé par Pôle Emploi peut être une solution transitoire. « J’ai bénéficié de 12 mois de mi-temps rémunéré à 80 % avant de partir en retraite », raconte Marc Lenoir, restaurateur d’art. Ces dispositifs alternatifs montrent que la réforme de la retraite progressive doit s’inscrire dans une approche plus globale de l’aménagement du départ.

Quelles perspectives pour la réforme 2025 ?

Les attentes sont élevées, mais le succès dépendra de plusieurs facteurs. « Il faut simplifier les démarches administratives et mieux former les conseillers », insiste Nadia Benmoussa, responsable d’un réseau d’accompagnement des seniors. Le décret d’application, attendu en septembre 2024, devra clarifier des points cruciaux comme le calcul des pensions ou l’harmonisation des règles entre régimes.

Les premiers retours sont mitigés. « Dans mon entreprise, 15 collègues ont déposé une demande de retraite progressive depuis l’annonce de la réforme. Mais seuls deux ont obtenu une réponse positive », rapporte Florence Martel, ingénieure qualité. Les organisations patronales, comme le Medef, demandent plus de souplesse pour les employeurs, tandis que les syndicats réclament un encadrement strict des refus.

A retenir

À quel âge puis-je bénéficier de la retraite progressive ?

À partir de 60 ans à compter de septembre 2025, contre 62 ans précédemment. Cette condition s’applique à tous les régimes, y compris les indépendants et agents publics.

Quel est le montant de la pension pendant la phase progressive ?

Elle est calculée comme une retraite classique, mais proportionnelle au temps de travail réduit. Par exemple, un mi-temps donne droit à 50 % de la pension théorique.

Mon employeur peut-il refuser ma demande ?

Oui, mais il doit justifier son refus par des motifs précis liés à l’organisation de l’entreprise. Le silence pendant deux mois vaut acceptation.

La retraite progressive affecte-t-elle ma pension définitive ?

Oui, car les cotisations versées pendant cette période sont calculées sur un salaire réduit. Cela peut entraîner une baisse de la pension finale, surtout pour les bas revenus.

Quelles démarches dois-je entreprendre ?

Contacter sa caisse de retraite pour obtenir un devis personnalisé, puis négocier avec l’employeur un avenant au contrat de travail. Les formalités administratives prennent généralement deux à trois mois.