Chaque jour, des centaines de litres d’eau s’écoulent silencieusement vers les canalisations après avoir servi à un bain, un moment pourtant précieux de détente et de bien-être. En France, un bain consomme en moyenne entre 120 et 150 litres d’eau, une quantité considérable pour une utilisation unique. Pourtant, cette eau, souvent qualifiée d’eau grise, n’est pas condamnée à disparaître sans laisser de trace. Elle peut, au contraire, être réinvestie dans la maison, le jardin ou les tâches ménagères, transformant un geste ordinaire en acte écologique et économique. Face aux sécheresses récurrentes, aux restrictions d’eau et à la hausse des prix, il devient essentiel de repenser notre rapport à cette ressource. Et si le bain, loin d’être un gaspillage, devenait une source d’opportunités ?
Comment l’eau du bain peut-elle encore servir après utilisation ?
L’eau du bain, bien qu’utilisée, conserve une qualité suffisante pour de nombreuses applications domestiques. Contrairement à l’eau noire des toilettes, elle ne contient généralement que des traces de savon doux, de shampoing ou de corps gras, et reste propre à des usages non alimentaires. Cette eau grise, lorsqu’elle est récupérée intelligemment, peut être réaffectée à l’arrosage des plantes, au nettoyage des sols ou encore au rinçage de textiles. Le secret ? Utiliser des produits respectueux de l’environnement, sans tensioactifs agressifs ni parfums synthétiques, afin de préserver l’équilibre des sols et des surfaces.
Éléonore Lefèvre, maraîchère bio à Montreuil, a intégré cette pratique dans son quotidien depuis plusieurs années. « J’ai deux enfants, et entre leurs bains et le mien, on récupère facilement 300 litres d’eau par semaine. Je la stocke dans des fûts alimentaires et je l’utilise pour arroser mes légumes. Mes tomates n’ont jamais été aussi saines. » Ce geste, simple mais constant, illustre comment une habitude domestique peut devenir une contribution concrète à la préservation de la ressource.
Peut-on arroser son jardin avec de l’eau de bain ?
Oui, à condition de respecter quelques précautions. L’eau du bain est particulièrement adaptée à l’arrosage des plantes d’extérieur, surtout lorsqu’elle provient d’un savon naturel ou d’un shampoing bio. Les racines des arbustes, des haies ou des plantes ornementales absorbent bien cette eau légèrement savonneuse, qui peut même améliorer la texture du sol en y apportant de la matière organique. En revanche, il est déconseillé d’arroser directement les légumes comestibles avec cette eau, surtout s’ils poussent près du sol, afin d’éviter tout risque de contamination.
Le bon moment pour arroser est le soir, lorsque l’évaporation est moindre. L’eau récupérée peut être versée au pied des plantes à l’aide d’un arrosoir ou directement par un tuyau souple. Pour les citadins sans jardin, cette eau peut tout de même servir aux plantes en pot sur le balcon ou dans l’appartement. Julien Thibaut, architecte paysagiste à Lyon, affirme : « J’ai accompagné plusieurs copropriétés dans la mise en place de systèmes de récupération d’eau grise. Ce n’est pas seulement écologique, c’est aussi une manière de reconnecter les gens à leur environnement. »
Quels sont les meilleurs outils pour récupérer l’eau du bain ?
Rien de sophistiqué n’est nécessaire. Un simple seau en plastique ou en inox suffit pour commencer. Il peut être placé dans la baignoire avant de la vider, ou utilisé pour puiser l’eau une fois le bain terminé. Pour les plus motivés, une petite pompe manuelle ou électrique, vendue dans les magasins de bricolage, permet de transférer rapidement l’eau vers un réservoir ou directement vers le jardin.
Des systèmes plus élaborés, comme des cuves de récupération intégrées au bac de douche ou des systèmes de filtration basiques, existent pour les maisons neuves ou rénovées. Mais même sans investissement, le geste reste accessible. Camille Moreau, enseignante à Bordeaux, témoigne : « J’utilise un vieux bidon de 10 litres que j’ai trouvé dans un vide-grenier. Chaque soir, je le remplis à la baignoire, et le lendemain matin, je l’apporte au potager de l’école. Les enfants adorent participer. »
Comment utiliser l’eau du bain pour le nettoyage domestique ?
Une fois refroidie, l’eau du bain devient un allié redoutable pour les tâches ménagères. Grâce à sa légère teneur en savon, elle facilite le décrassage des sols, des terrasses ou des vélos. Il suffit de la verser directement sur les surfaces à nettoyer, puis de frotter avec une brosse ou un balai-brosse. Pour les sols en carrelage ou en béton, elle agit comme un nettoyant doux mais efficace.
Elle peut aussi servir à faire tremper des tapis, des chaussures en toile ou des outils de jardin. Une fois utilisée pour le nettoyage, elle peut encore être réutilisée pour rincer les surfaces ou alimenter la chasse d’eau des toilettes. Ce principe de cascade, où l’eau est utilisée successivement pour plusieurs usages, est au cœur de l’économie circulaire à la maison.
Peut-on remplir la chasse d’eau avec de l’eau de bain ?
Absolument. Chaque chasse d’eau consomme entre 6 et 9 litres d’eau potable par utilisation. En utilisant de l’eau de bain récupérée, on peut diviser par deux, voire par trois, cette consommation. Il suffit de verser manuellement 2 à 3 litres d’eau dans la cuvette pour un rinçage efficace. Pour les familles nombreuses ou les foyers où les bains sont fréquents, cette économie devient rapidement significative.
Le gain n’est pas seulement financier. En réduisant la demande en eau potable, on diminue la pression sur les réseaux d’assainissement et on limite l’empreinte écologique du logement. Selon une estimation, un foyer de quatre personnes qui récupère l’eau du bain pour la chasse d’eau peut économiser jusqu’à 10 000 litres par an. Un chiffre qui prend tout son sens dans un contexte de sécheresse prolongée.
Quels produits de toilette privilégier pour une réutilisation en toute sécurité ?
Le choix des produits utilisés dans le bain est crucial. Pour que l’eau puisse être réutilisée sans risque, il est recommandé d’opter pour des savons naturels, sans parfum, sans colorant et biodégradables. Les huiles essentielles doivent être utilisées avec parcimonie, car certaines peuvent être phytotoxiques. Les shampoings solides bio, les gels d’aloe vera ou les sels de bain sans additifs chimiques sont idéaux.
Il est également préférable d’éviter les bains moussants industriels, riches en tensioactifs agressifs, ou les produits contenant du triclosan, un antibactérien nocif pour l’environnement. « J’ai testé un gel moussant classique, raconte Léa Bompard, designer à Nantes. L’eau était trop chargée en produits chimiques, mes plantes ont jauni. Depuis, je n’utilise que du savon d’Alep. »
Comment intégrer cette pratique dans une routine familiale ?
La clé du succès réside dans la simplicité. Il faut que la récupération de l’eau devienne un geste automatique, comme éteindre la lumière en sortant d’une pièce. Placer un seau visible dans la salle de bain, installer une pompe à portée de main, ou prévoir un réservoir près de la fenêtre du jardin aide à créer un réflexe durable.
Dans les familles, ce geste peut devenir un projet collectif. Les enfants peuvent être responsables du transfert de l’eau vers les plantes, ou participer à la fabrication d’un système de récupération maison. Cela renforce non seulement l’esprit d’équipe, mais aussi la sensibilisation à l’écologie. « Mes deux fils adorent “sauver l’eau” comme ils disent, sourit Éléonore Lefèvre. Ils ont même inventé un jeu : celui qui récupère le plus de seaux dans la semaine gagne un dessert. »
Quels bénéfices économiques et écologiques cette pratique apporte-t-elle ?
Les bénéfices sont à la fois tangibles et symboliques. Sur la facture d’eau, les économies peuvent atteindre plusieurs dizaines d’euros par an, selon la fréquence des bains et la taille du foyer. À plus grande échelle, si chaque foyer français récupérait l’eau de ses bains, des millions de mètres cubes d’eau potable seraient préservés chaque année.
Sur le plan écologique, ce geste réduit la pression sur les nappes phréatiques, limite les rejets de produits chimiques dans les égouts, et contribue à une gestion plus responsable de la ressource. Il s’inscrit dans une démarche de sobriété, non pas comme un sacrifice, mais comme une forme d’intelligence domestique.
Comment cette pratique s’inscrit-elle dans une logique d’économie circulaire ?
La réutilisation de l’eau du bain incarne parfaitement le principe d’économie circulaire : rien ne se perd, tout se transforme. Au lieu de suivre un modèle linéaire — production, utilisation, rejet —, on adopte un cycle où chaque ressource est exploitée à plusieurs niveaux. L’eau devient un vecteur de lien entre les espaces de la maison : elle passe de la salle de bain au jardin, du sol de la terrasse à la cuvette des toilettes.
Ce changement de perspective ne demande pas de renoncer au confort. Au contraire, il enrichit le quotidien d’un sens nouveau, où chaque geste compte. Comme le souligne Julien Thibaut, « ce n’est pas la technologie qui sauvera la planète, c’est la culture du geste juste ».
Comment faire face aux critiques ou aux réticences ?
Certains peuvent juger cette pratique désagréable ou peu hygiénique. Pourtant, avec des produits adaptés, l’eau de bain est souvent plus propre que l’eau de pluie récupérée dans un vieux bac. Le principal frein reste mental : l’idée que l’eau utilisée est “sale” et doit disparaître. Il s’agit donc de changer de regard, de voir dans cette eau non un déchet, mais une ressource en attente d’emploi.
Des campagnes de sensibilisation, des ateliers dans les écoles ou des témoignages de voisins peuvent aider à normaliser cette pratique. « Au début, ma mère trouvait ça “bizarre”, raconte Camille Moreau. Maintenant, elle récupère l’eau de son bain à la campagne et arrose ses rosiers avec. Elle dit que ça leur donne un éclat particulier. »
Conclusion
Donner une seconde vie à l’eau du bain, c’est adopter une posture d’intelligence écologique au cœur même de l’intime. Ce geste modeste, presque invisible, participe à une transformation profonde de notre rapport à la nature. Il ne demande ni grand investissement ni renoncement au confort, mais invite à une attention renouvelée à ce que nous faisons chaque jour. En valorisant ce qui semblait perdu, on redécouvre la richesse du quotidien, et on agit, concrètement, pour une maison plus sobre, plus saine, plus humaine.
A retenir
Peut-on vraiment réutiliser l’eau du bain sans risque ?
Oui, à condition d’utiliser des produits de toilette doux, naturels et biodégradables. L’eau grise du bain est adaptée à l’arrosage des plantes d’extérieur, au nettoyage des sols et à la chasse d’eau des toilettes, tant qu’elle ne contient pas de substances chimiques agressives.
Quelle quantité d’eau peut-on économiser par an ?
Un bain moyen consomme 120 à 150 litres. Dans un foyer de quatre personnes prenant un bain par semaine, cela représente environ 25 000 litres par an. En réutilisant cette eau pour l’arrosage ou les toilettes, on peut en économiser jusqu’à 10 000 litres, soit plusieurs centaines d’euros sur la facture.
Faut-il un équipement particulier pour récupérer l’eau ?
Non. Un simple seau ou bidon suffit pour commencer. Pour plus de confort, une pompe manuelle ou un système de stockage peut être envisagé, mais ce n’est pas obligatoire. L’essentiel est de créer un geste facile à intégrer dans la routine.
Est-ce applicable en appartement ?
Oui. Même sans jardin, l’eau du bain peut servir à arroser les plantes d’intérieur, nettoyer les sols, ou remplir la chasse d’eau. Les citadins peuvent aussi s’impliquer dans des jardins partagés ou des potagers urbains en apportant cette eau utile.
Quels sont les impacts environnementaux de cette pratique ?
Elle réduit la consommation d’eau potable, limite les rejets dans les réseaux d’assainissement, et contribue à une gestion plus durable de la ressource. À grande échelle, elle pourrait jouer un rôle majeur dans l’adaptation aux sécheresses et à la raréfaction de l’eau.