Chaque année, les Semaines d’information sur la santé mentale offrent une tribune essentielle pour aborder des sujets trop souvent tus. En 2025, le Morbihan s’engage massivement dans cette dynamique avec une cinquantaine d’événements programmés à partir du lundi 6 octobre. Le thème choisi, Réparons le… , interroge autant qu’il interpelle : réparer quoi ? Les liens brisés ? Les préjugés ? Les silences ? À travers des ateliers, des conférences, des expositions et des moments de partage, les collectifs locaux invitent citoyens, professionnels et décideurs à repenser ensemble la santé mentale, non plus comme une affaire privée, mais comme un bien commun. L’enjeu ? Démanteler les stigmates, renforcer la solidarité et créer des espaces où chacun peut parler sans crainte d’être jugé. À travers les témoignages de ceux qui organisent, participent ou bénéficient de ces initiatives, cet article plonge au cœur d’un mouvement qui, bien au-delà des événements ponctuels, tisse peu à peu un nouveau tissu social.
Qu’est-ce que les Semaines d’information sur la santé mentale ?
Créées il y a plusieurs années en France, les Semaines d’information sur la santé mentale (SISM) visent à sensibiliser le grand public aux enjeux psychiques et émotionnels qui traversent notre société. Chaque automne, des collectifs locaux s’organisent pour proposer des activités gratuites et accessibles à tous. L’objectif est double : informer sur les troubles psychiques — dépression, troubles bipolaires, schizophrénie, anxiété généralisée —, mais aussi rappeler que la santé mentale concerne chacun, qu’elle fluctue, qu’elle demande attention et soin, comme le corps. À l’heure où les inégalités sociales, les pressions professionnelles ou les crises environnementales pèsent de plus en plus sur le bien-être psychique, ces semaines deviennent un moment clé de prise de conscience collective.
Comment le Morbihan s’implique-t-il en 2025 ?
Dans le Morbihan, plus d’une cinquantaine d’initiatives sont prévues, réparties sur tout le territoire, des zones rurales aux villes comme Vannes, Lorient ou Pontivy. Ce large déploiement témoigne d’une volonté d’inclusion : que personne ne soit laissé de côté, ni géographiquement, ni socialement. Les organisateurs insistent sur la dimension territoriale du projet. On ne peut pas parler de santé mentale uniquement dans les centres urbains , explique Camille Le Guen, coordinatrice du collectif SISM Vannes. Dans les campagnes, les gens parlent moins, mais ils souffrent tout autant. Nos ateliers en milieu rural sont parfois les seuls moments où des personnes osent enfin dire : ‘Moi aussi, j’ai du mal’ .
Pourquoi le thème Réparons le… a-t-il été choisi ?
Le choix du thème Réparons le… n’est pas anodin. Il s’inscrit dans une réflexion plus large sur les fractures sociales, les solitudes croissantes et les défaillances du système de santé. Ce point de suspension, c’est volontaire , précise Thomas Ricard, psychologue à Lorient et membre du collectif SISM Sud-Bretagne. Il invite à la question. Réparons quoi ? Les relations ? Les institutions ? Notre rapport à nous-mêmes ? Ce thème ouvre une porte, il ne donne pas de réponse toute faite.
À travers cette formule, les organisateurs veulent insuffler une dynamique d’action, pas seulement de constat. Des ateliers de médiation, des groupes de parole, des séances de psychodrame ou encore des balades thérapeutiques sont proposés pour inciter les participants à s’interroger sur ce qui pourrait être réparé, individuellement et collectivement.
Quels types d’événements sont organisés ?
La diversité des formats est l’un des atouts majeurs de cette édition 2025. À Ploërmel, une exposition de photographies intitulée Visages sans masque met en lumière les parcours de personnes ayant vécu des troubles psychiques. Chaque portrait est accompagné d’un texte personnel, lu lors des vernissages par des comédiens professionnels. Entendre sa propre histoire interprétée par une autre voix, c’est puissant , confie Amina Bensalem, dont le témoignage figure dans l’exposition. J’ai pleuré, mais c’était une libération.
Ailleurs, à Auray, un café-philo ouvert à tous invite à débattre autour de la question : La souffrance psychique est-elle une faiblesse ? . À Hennebont, des ateliers de jardinage thérapeutique permettent aux participants de cultiver des plantes tout en échangeant sur leurs états d’esprit. Le contact avec la terre, les gestes répétitifs, le silence partagé… tout cela apaise , raconte Élodie Ménard, animatrice de ces sessions. Une femme qui ne parlait presque pas lors du premier atelier a fini par raconter son burn-out. Elle a dit : ‘C’est la première fois que je me sens comprise sans avoir à tout expliquer.’
Des ciné-débats sont également organisés, avec des films comme *Une femme fantastique* ou *The Father*, suivis d’échanges modérés par des professionnels. À Vannes, un collectif d’artistes handicapés mentaux présentera une pièce de théâtre originale, *Les murs parlent*, basée sur leurs propres récits. Ce n’est pas du théâtre thérapeutique, c’est du théâtre tout court , insiste le metteur en scène, Julien Kerviel. Et pourtant, il guérit.
Comment ces événements contribuent-ils à déstigmatiser les troubles psychiques ?
Le stigmate reste l’un des plus grands obstacles à la reconnaissance et au traitement des troubles psychiques. Beaucoup de personnes hésitent encore à consulter, par peur du jugement, de la perte d’emploi ou de l’exclusion. Les événements des SISM visent à briser ce cercle vicieux en rendant visible ce qui est souvent invisible.
Il y a dix ans, parler de dépression en public, c’était presque un tabou , observe Camille Le Guen. Aujourd’hui, on voit des maires, des enseignants, des agriculteurs venir aux ateliers. Pas toujours pour parler d’eux, mais pour comprendre.
À Locminé, un ancien cadre dirigeant, Guillaume Ferrand, a participé à un groupe de parole après un épisode dépressif sévère. J’ai tout perdu : mon poste, mes certitudes, ma confiance. Pendant des mois, je me suis caché. Puis j’ai entendu parler des SISM. J’y suis allé en tremblant. Et j’ai découvert que je n’étais pas seul. Depuis, il intervient dans les écoles pour témoigner. Je dis aux élèves : ce n’est pas grave d’aller mal. Ce qui est grave, c’est de croire qu’on doit le cacher.
Quel rôle jouent les collectifs locaux ?
Les collectifs SISM sont composés d’associations, de professionnels de santé, de bénévoles et de personnes ayant vécu des troubles psychiques. Cette mixité est fondamentale : elle garantit que les événements ne soient pas conçus pour les personnes en souffrance, mais avec elles. On ne fait pas de la santé mentale sans les usagers , affirme Thomas Ricard. Leur parole est centrale.
À Lorient, le collectif a mis en place un système de parrainage citoyen : chaque événement est co-animé par un professionnel et une personne en rétablissement. C’est une manière de montrer que la guérison est possible, mais aussi que l’expertise vient autant de la formation que de l’expérience vécue , explique Élodie Ménard.
Quels impacts concrets ces semaines ont-elles sur les participants ?
Les effets des SISM ne se mesurent pas seulement en nombre de participants, mais en changements intimes. À Ploërmel, un homme de 62 ans, ancien marin retraité, a rejoint un groupe de marche thérapeutique après des années de repli. Je ne parlais plus à personne. Je me sentais inutile. Ici, on marche, on rit, on parle du temps, de la mer… et puis, petit à petit, on parle de soi.
Des professionnels constatent aussi une évolution. Avant, les gens venaient en urgence, en souffrance aiguë , note Thomas Ricard. Maintenant, de plus en plus viennent en prévention. Ils disent : ‘Je sens que je bascule, je viens chercher de l’aide.’ C’est énorme.
Dans les établissements scolaires, les retours sont encourageants. À Vannes, une enseignante, Sophie Tran, a invité un intervenant SISM dans son lycée. Les élèves ont posé des questions incroyablement profondes. Un garçon a dit : ‘Si on parlait de santé mentale comme on parle de sport ou de nutrition, est-ce que ça changerait les choses ?’ Je pense que oui.
Comment maintenir cette dynamique au-delà des événements ?
Le défi, désormais, est de ne pas se contenter d’un moment annuel. Une semaine de sensibilisation, c’est bien. Mais la santé mentale, c’est 365 jours par an , souligne Camille Le Guen. Des discussions sont en cours pour pérenniser certaines actions : création de cafés de soutien réguliers, formation de pairs-aidants, partenariats avec les mairies ou les centres sociaux.
À Hennebont, une bibliothèque a décidé d’aménager un espace silencieux ouvert à tous, inspiré des ateliers de jardinage. Un lieu calme, sans obligation de parler, où on peut juste être , décrit Élodie Ménard. C’est une petite chose, mais pour certaines personnes, c’est une bouée.
Quelles leçons tirer de cette édition 2025 ?
Les Semaines d’information sur la santé mentale 2025 dans le Morbihan montrent qu’une autre approche est possible : une approche humaine, collective, territoriale. Elles démontrent que la santé mentale ne se soigne pas seulement dans les cabinets de psychiatres, mais aussi dans les rues, les jardins, les salles de classe ou les salles de spectacle. Réparer le… , c’est d’abord réparer les liens. C’est redonner de la place à la parole, à l’écoute, à la bienveillance.
Quel avenir pour les SISM dans le Morbihan ?
Les organisateurs espèrent que cette édition fera date. On a vu des maires nous dire : ‘On veut faire ça tous les six mois’, des entreprises demander des formations, des écoles réclamer des ateliers réguliers , raconte Thomas Ricard. Le mouvement prend racine.
Le rêve ? Qu’un jour, parler de sa santé mentale soit aussi naturel que parler de fatigue ou de stress. Et que Réparons le… ne soit plus une invitation, mais une réalité partagée.
A retenir
Quel est le but des Semaines d’information sur la santé mentale ?
Le but est de sensibiliser le public aux troubles psychiques, de lutter contre les stigmates et de promouvoir une vision élargie de la santé mentale comme bien commun nécessitant attention, soutien et solidarité.
Quand ont lieu les SISM en 2025 dans le Morbihan ?
Les événements commencent le lundi 6 octobre 2025 et s’étendent sur plusieurs semaines, avec des activités réparties dans tout le département.
Qui organise ces événements ?
Des collectifs locaux composés d’associations, de professionnels de santé, de bénévoles et de personnes ayant vécu des troubles psychiques. Leur force réside dans la co-construction des actions.
Comment participer ?
La plupart des événements sont ouverts au public, gratuits et ne nécessitent pas de réservation. Des programmes détaillés sont disponibles localement et en ligne via les sites des collectifs SISM.
Le thème Réparons le… a-t-il un sens particulier ?
Oui. Il incite à la réflexion sur ce qui est brisé dans notre rapport à la santé mentale : les liens sociaux, les politiques publiques, les discours dominants. Il appelle à l’action, individuelle et collective, pour reconstruire autrement.