Dans un coin de la salle de bains de Léonie Valois, une institutrice à la retraite de 72 ans, trône un cube de savon de Marseille légèrement usé. « Je l’utilise depuis toujours, confie-t-elle en le soupesant. Ma mère me disait : ‘Un seul produit pour tout faire, c’est magique !’ Aujourd’hui, mes petits-enfants trouvent ça vieillot… Pourtant, quand ils viennent, ils repartent toujours avec quelques copeaux pour leur lessive maison. » Ce témoignage résume à merveille le paradoxe du savon de Marseille : un trésor d’efficacité méconnu des jeunes générations, malgré ses vertus intemporelles.
D’où vient ce cube mythique qui a traversé les siècles ?
L’histoire du savon de Marseille plonge ses racines dans le bassin méditerranéen bien avant que Colbert ne standardise sa fabrication en 1688. « Quand j’ai repris la savonnerie familiale en 1995, explique Théo Rampal, artisan savonnier à Salon-de-Provence, j’ai redécouvert des carnets de recettes datant de 1820. La méthode n’a presque pas changé : huile d’olive, sel marin, soude végétale et eau – rien de plus. » La saponification à chaud reste un spectacle fascinant : la pâte mijote pendant dix jours dans d’immenses chaudrons en cuivre avant d’être coulée, découpée à la main et séchée à l’air libre pendant quinze jours.
Comment distinguer l’authentique des pâles imitations ?
Camille Duvelleroy, chimiste spécialisée en cosmétiques naturels, alerte : « Sur 20 produits testés en 2023, seuls 3 respectaient les critères traditionnels. » Voici ses conseils pour éviter les contrefaçons :
- La couleur : vert pâle (version huile d’olive) ou blanc ivoire (version mixte), jamais bleu ou rose
- La texture : légèrement granuleuse, pas lisse comme du plastique
- L’odeur : subtile, sans parfum ajouté
- La composition : maximum 6 ingrédients listés clairement
« Les vrais savons portent la mention ‘72% d’huile’ et le lieu de fabrication en Provence », précise-t-elle.
Pourquoi remplacer 5 produits ménagers par ce seul cube ?
La lessive qui préserve le linge et la planète
Élise Montereau, mère de trois enfants, a calculé son économie : « Avec 200g de savon râpé mélangé à 1L d’eau et 3 cuillères à soupe de bicarbonate, je fais 3 mois de lessive pour moins de 2 euros. » Son astuce : ajouter 10 gouttes d’huile essentielle de lavande pour le linge des ados.
Un dégraissant plus efficace que les liquides vaisselle classiques
« J’ai testé sur ma poêle à raclette, s’amuse Julien Bastien, chef cuisinier. Le gras part instantanément sans ces dizaines de produits chimiques qui abîment la peau. » Sa recette express : 50g de savon fondu dans 500ml d’eau chaude + 1 cuillère à café de vinaigre blanc.
Le spray multi-surfaces universel
Sophie Lenoir, femme de ménage professionnelle, utilise le même mélange depuis 15 ans : « 5 cuillères à soupe de copeaux dissous dans 1L d’eau bouillante + 2 cuillères à soupe de cristaux de soude. Je nettoie absolument tout, sauf le marbre. »
L’arme secrète contre les taches rebelles
« Le sang, le vin, le gras… », énumère Nora Chevalier, teinturière. « Je frotte la tache avec le savon humidifié, puis je laisse agir une nuit. Ça marche dans 80% des cas sans détachants toxiques. »
Des vitres sans traces pour 0,50€
Marc Lavigne, vitrier : « 1L d’eau + 1 cuillère à soupe de savon râpé + 2 cuillères à soupe de vinaigre blanc. Essuyez avec du papier journal, c’est imparable. »
Quelles sont les utilisations qui surprendront même les initiés ?
Loïc Bernard, jardinier urbain, pulvérise une solution savonneuse sur ses rosiers : « Les pucerons détestent ça ! Et c’est biodégradable. » Pendant ce temps, Clara Dumont, joaillière, redonne de l’éclat aux bijoux anciens : « Une brosse à dents douce + eau savonneuse, puis rinçage à l’eau claire. » Quant à Maëlle Roussel, maquilleuse, elle nettoie ses pinceaux professionnels : « Aucun résidu, pas d’irritation pour la peau, et les poils gardent leur souplesse. »
Combien peut-on vraiment économiser ?
Une étude menée par l’Association des Consommateurs Écolos révèle qu’un foyer de 4 personnes dépense en moyenne 480€/an en produits ménagers. « Avec le savon de Marseille comme base, explique son président Arnaud Vasseur, on descend à 120€ annuels, soit 75% d’économie. » L’impact écologique est tout aussi remarquable : « Un seul cube remplace environ 15 flacons en plastique », calcule-t-il.
Quand faut-il s’en méfier ?
Le dermatologue Simon Léger met en garde : « Sur les peaux très sèches ou atopiques, le pH alcalin peut irriter. Je recommande de rincer abondamment. » Par ailleurs, certaines surfaces ne l’apprécient pas : « Le marbre, le bois ciré ou l’aluminium anodisé peuvent être endommagés », note Élodie Mercier, restauratrice d’objets anciens.
Où déniccher les dernières savonneries authentiques ?
« Privilégiez les enseignes qui fabriquent encore dans les règles de l’art », conseille Théo Rampal. Trois adresses incontournables :
- La Savonnerie Marius Fabre, en activité depuis 1900
- Le Sérail, qui perpétue la méthode du chaudron
- La Compagnie de Provence, pour leurs savons bio certifiés
Attention aux pièges : « Un vrai savon de Marseille ne coûte pas 1,50€ en supermarché », rappelle-t-il.
A retenir
Le savon de Marseille est-il biodégradable à 100% ?
Oui, sa version traditionnelle sans additifs se décompose rapidement sans polluer les eaux.
Peut-on l’utiliser pour se laver les cheveux ?
Possible, mais suivi d’un rinçage au vinaigre pour rééquilibrer le pH du cuir chevelu.
Combien de temps se conserve-t-il ?
À l’abri de l’humidité, un cube non entamé peut se garder 5 ans sans perdre ses propriétés.
Conclusion
Comme le résume si bien Léonie Valois en rangeant son précieux cube : « À l’ère du tout jetable, ce petit bout de Provence nous rappelle l’élégance des solutions simples. Mon arrière-grand-mère en mettait dans sa machine à laver en bois, ma fille l’utilise pour son bébé, et moi je nettoie mes rosiers avec. Trois générations, un seul produit. » Une pépite ancestrale qui, loin d’être un vestige du passé, se révèle être une réponse étonnamment moderne à nos quêtes d’authenticité et de sobriété heureuse.