En 2025, alors que les conversations sur la santé mentale, l’égalité ou le bien-être sont de plus en plus ouvertes, un sujet reste obstinément muré dans le silence : la sexualité en couple. Ce tabou, longtemps considéré comme une affaire privée, s’est transformé en un frein massif à l’épanouissement intime. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, mais derrière chaque pourcentage se cache une histoire, un malaise, une absence de mots. Ce silence, souvent bienveillant, parfois inconscient, finit par creuser des distances invisibles. Et pourtant, la solution ne réside ni dans la performance, ni dans la nouveauté constante, mais simplement dans la parole. Parce que quand on ose parler, on redonne du souffle à l’intimité.
Pourquoi est-il si difficile de parler de sexualité en couple ?
Malgré les évolutions sociales, aborder la sexualité avec son partenaire reste un exercice périlleux pour une majorité de Français. Selon l’Ifop, 56 % des personnes en couple admettent ne pas pouvoir en discuter librement. Ce chiffre grimpe à 61 % chez les femmes de moins de 40 ans, révélant une vulnérabilité spécifique à cette tranche d’âge. Elise, 37 ans, cadre dans une entreprise tech à Lyon, raconte : “J’ai l’impression que dès qu’on parle de sexe, on parle de défaut. Si je dis à mon conjoint que je voudrais plus de tendresse, j’ai peur qu’il pense que je ne suis pas satisfaite, ou pire, que je le juge.” Ce sentiment de culpabilité ou de honte est récurrent. La sexualité, au lieu d’être un espace de partage, devient une performance à réussir, un terrain miné.
L’étude INED “Conjugality & Sexuality” confirme ce malaise : près de la moitié des couples se disent gênés d’évoquer leurs désirs ou leurs insatisfactions, même après des années de vie commune. Le problème ne vient pas d’un manque d’amour, mais d’un excès de non-dits. Lucie, 42 ans, mariée depuis 15 ans, confie : “On parle de tout : enfants, vacances, boulot… mais jamais de ce qui se passe dans notre chambre. C’est comme si c’était tabou, comme si en parler, c’était admettre qu’il y a un problème.” Ce raisonnement, largement partagé, repose sur une croyance erronée : que le silence protège la relation. En réalité, il la fragilise.
Quelles sont les conséquences du silence sur la vie sexuelle ?
Le mutisme autour du désir a des effets concrets, mesurables. D’après le rapport Sexosanté 2024, un quart des couples traversent des périodes d’abstinence non choisie, durant plus de deux mois. Dans 62 % des cas, la cause n’est ni la fatigue, ni le stress, ni même la routine, mais la peur d’ouvrir la discussion. Le silence devient alors un moteur d’incompréhension. Lorsque Camille, 31 ans, a essayé d’évoquer sa baisse de libido avec son compagnon, elle s’est heurtée à un malaise palpable. “Il a changé de sujet, puis il a dit : ‘T’inquiète, moi aussi j’suis fatigué’. Mais ce n’était pas une question de fatigue. C’était une question de désir, de connexion.”
Le plus inquiétant, c’est que ce silence s’installe durablement. Il devient une habitude, une norme. Et plus il dure, plus il éloigne les partenaires. L’INSERM souligne que les couples qui ne parlent jamais de leur sexualité ont 41 % de chances de se déclarer insatisfaits, contre 16 % pour ceux qui dialoguent ouvertement. La chambre, lieu de complicité par excellence, se transforme en zone de non-droit, où les gestes remplacent les mots, et où l’absence de désir devient une norme tacite.
Comment le non-dit affecte-t-il la complicité du couple ?
La sexualité n’est pas qu’un acte physique : elle est un langage. Quand ce langage se tait, la complicité s’effrite. Une enquête IFOP-Charles.co révèle que 52 % des personnes en couple n’osent pas exprimer leurs véritables envies ou fantasmes. La crainte d’être mal compris, jugé ou rejeté paralyse la communication. Ce tabou touche particulièrement les jeunes adultes : 48 % des moins de 35 ans n’ont jamais osé aborder leurs insatisfactions ou leurs envies, par peur de “tout gâcher”.
Julien, 29 ans, en couple depuis six ans, témoigne : “J’ai des envies, des fantasmes, mais je les garde pour moi. J’ai peur que ma compagne pense que je veux autre chose qu’elle, ou qu’elle se sente insuffisante.” Ce type de réflexion est fréquent. Les désirs sont souvent perçus comme des critiques, alors qu’ils pourraient être des invitations. Le non-dit crée un fossé : chacun imagine ce que l’autre pense, ce qu’il ressent, sans jamais le vérifier. Et dans ce vide, la méfiance s’installe.
Quelles sont les clés pour briser le silence sexuel ?
Rompre le silence ne demande pas de révolution. Il suffit de petits gestes, simples et accessibles. Les experts insistent sur l’importance d’amorcer la discussion sans pression. Une scène de film, une chanson, une anecdote peuvent servir de déclencheur. “On a regardé une série où les personnages parlaient de leurs désirs sans tabou, raconte Manon, 34 ans. Ça nous a permis de dire : ‘Tu crois qu’on pourrait parler comme ça, nous aussi ?’ Et ça a ouvert une porte.”
Des outils concrets existent aussi. Les quiz sur les désirs ou les jeux de questions-réponses, souvent recommandés par les sexologues, ont prouvé leur efficacité. Selon l’Ifop 2023, 37 % des couples ayant testé ces jeux ont vu leur complicité s’améliorer, ainsi que la fréquence de leurs rapports. Ces exercices permettent d’aborder des sujets sensibles avec légèreté, sans que cela ressemble à un interrogatoire.
La thérapie de couple peut-elle vraiment aider ?
Pour certains couples, parler entre eux est trop difficile. Dans ces cas, consulter un professionnel en sexologie ou en thérapie de couple peut être une étape décisive. Le rapport Sexosanté 2024 montre que 62 % des couples ayant suivi une thérapie sexologique en duo ont vu leur épanouissement intime progresser significativement dans les six mois suivant la consultation. “Aller voir une sexologue, c’était la meilleure décision qu’on ait prise”, affirme Thomas, 45 ans. “On ne s’entendait plus sur rien, sexuellement. On s’évitait. En thérapie, on a appris à nommer ce qu’on ressentait sans se sentir attaqués. Aujourd’hui, on parle. Et ça change tout.”
La thérapie n’est pas réservée aux couples en crise. Elle peut aussi être un espace de prévention, un lieu pour apprendre à communiquer avant que le silence ne s’installe. Comme le soulignent de nombreux sexologues, la sexualité ne se dégrade pas d’un coup : elle s’érode lentement, à force de non-dits. Intervenir tôt, c’est préserver la relation.
Quand la parole circule, que change-t-il dans le couple ?
Les bénéfices d’un dialogue ouvert sur la sexualité sont spectaculaires. Selon l’Ifop et l’Observatoire du Couple 2024, les couples qui parlent régulièrement de leur vie intime affichent une satisfaction sexuelle deux fois supérieure à la moyenne. L’étude INED “Vie affective, vie sexuelle” va plus loin : ces couples ont en moyenne 30 % plus de rapports sexuels et déclarent un sentiment de complicité renforcé dans 74 % des cas.
“On a commencé à se dire ce qu’on aimait, ce qu’on aimerait essayer, explique Léa, 39 ans. C’est devenu un jeu, presque. Et petit à petit, on s’est reconnectés. Pas seulement sexuellement, mais émotionnellement.” Ce retour de la parole ne se limite pas à la chambre : il transforme la relation dans son ensemble. La confiance s’accroît, l’écoute se renforce, l’intimité se redéfinit.
La communication est-elle le secret du désir durable ?
Oui, selon les sexologues. La communication sexuelle est désormais considérée comme le facteur n°1 du maintien du désir à long terme, surpassant même l’âge, la durée du couple ou les techniques utilisées. “Le désir ne s’use pas, il s’entretient”, résume la sexologue Clara Vidalis. “Et pour l’entretenir, il faut parler. Pas pour tout régler, mais pour rester connectés.”
C’est ce que confirment les témoignages. Antoine, 51 ans, marié depuis 22 ans, dit : “On a traversé des périodes creuses. Mais depuis qu’on parle, vraiment, sans filtre, on redécouvre l’autre. Et le désir revient, naturellement.” Ce n’est pas une question de performance, mais de présence. Quand les mots circulent, le plaisir aussi.
A retenir
Le silence sur la sexualité est-il un signe de problème dans le couple ?
Le silence n’est pas forcément le signe d’un problème, mais il peut en devenir un s’il persiste. Il masque souvent des insatisfactions non dites, des désirs refoulés, ou des peurs non exprimées. L’important n’est pas d’avoir une sexualité parfaite, mais de pouvoir en parler librement.
Parler de sexualité peut-il améliorer la relation même sans changer les pratiques ?
Oui. Le simple fait de verbaliser ses envies, ses limites ou ses émotions crée un espace de confiance. Même sans changer de pratiques, cette ouverture renforce la complicité, diminue les malentendus et redonne du lien.
Est-il trop tard pour commencer à en parler après des années de silence ?
Il n’est jamais trop tard. Beaucoup de couples commencent à parler de sexualité après des années de non-dits, parfois après une thérapie, parfois grâce à un événement déclencheur. Ce qui compte, c’est la volonté de communiquer, pas le moment où on commence.
Quels outils simples peuvent aider à amorcer la discussion ?
Des jeux de questions, des quiz en ligne, des lectures communes sur la sexualité, ou même des scènes de films peuvent servir de tremplin. L’essentiel est de désamorcer la tension et de créer un cadre bienveillant pour l’échange.